1 : Camille

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–        Voilà votre boisson, déclaré-je en décalant mon chewing-gum dans ma bouche.

Je sers à un homme poivre et sel l'énième verre de la soirée. Il me sourit et me lance un clin d'œil, auquel je réponds en levant les yeux au ciel, tout en m'éloignant de lui. Si j'ai pensé que mes tatouages recouvrant la totalité de mon bras gauche ainsi qu'une partie de mon cou (et ce n'est que le visible par les autres) empêcherait les vieillards de me draguer, j'ai eu tort. Au moins six hommes sont émoustillés par ma simple présence derrière le bar.

J'essuie tranquillement un verre quand mon meilleur ami, Lohan, vient me taper sur l'épaule.

–        Madame veut te voir, Camille.

–        Alerte ? chuchoté-je, le regard fixé sur mon verre.

–        Verte, elle n'est pas en colère. Vas-y, déclare-t-il en s'éloignant.

–        Merci, Lohan.

On a un petit code d'alerte pour nos rendez-vous surprises avec notre boss, Harper. Je l'apprécie plutôt bien, même si elle m'a passé des savons des tas de fois alors que j'avais rien fait. Si elle est en colère contre quelqu'un et que c'est sur vous qu'elle se déchaîne, ne réagissez pas. Sinon, elle se met à cracher des flammes.

Je traverse la réserve pour atteindre son bureau. Je jette mon chewing-gum avant de frapper à sa porte. Elle me permet d'entrer, je m'exécute et m'assois sur la chaise devant son bureau. Je lui accorde mon regard habituel et normal, donc elle doit en déduire que je la regarde très mal. Elle a pris l'habitude même si elle continuer à détester ça.

–        Madame Stone, finis-je par lâcher, voyant qu'elle ne comptait pas ouvrir la bouche.

–        Mademoiselle De Luca, enchaîne-t-elle. Je ne vais pas y aller par quatre chemins.

–        Dites-moi, rétorqué-je méchamment par habitude.

Elle serre la mâchoire mais ne réplique pas.

–        L'été approche à grand pas. Ce bar est très populaire, les gens vont prendre plaisir à venir passer leurs soirées ici. J'aimerais que votre comportement change sérieusement.

–        Désolée m'dame, c'est pas possible, coupé-je.

Je me fais violence pour ne pas poser mes baskets nonchalamment sur son bureau encombré de babioles. Je croise les bras, signe que je m'en balance qu'elle me cause.

J'ai un caractère plutôt trempé en général. Je suis gentille, mais quand quelque chose m'énerve ou ne m'intéresse pas, je le fais comprendre clairement. Je ne suis pas là pour tourner autour du pot pendant quatre heures. Je suis extrêmement cash, et pas beaucoup plus de gens que Lohan peuvent encaisser ça. Je suis très têtue et je n'arrive pas à admettre que j'ai tort. En bref, je suis insupportable.

–        Camille, ce que je vous demande est très sérieux. Vous travaillez ici depuis vos dix-huit ans et vous savez que tous les étés, les mêmes évènements sont organisés. Les rares fois où vous veniez pour manque d'effectifs, vous étiez très désobligeante. Je vous demande pour cette fois de faire un effort.

–        Et alors ? Mes cinq ans d'expérience n'ont pas à changer mon caractère. Je suis comme ça, vous m'avez embauchée comme ça, je reste comme ça.

Je pose mes doigts écartés sur son bureau poussiéreux. Je suis même surprise qu'il y ait de la place pour de la poussière avec toutes les choses qu'il y a dessus.

–        Vous ne gagnerez pas cette bataille, Stone, enchaîné-je. Ni celle-ci, ni les suivantes. Vous ne me virez pas parce que je suis excellente à mon boulot, alors continuez à me supporter en silence.

FearlessOù les histoires vivent. Découvrez maintenant