La fuite

Chapitre 2 : Des théories toujours plus bancales

Le bruit du vent, le bruissement des feuilles et le chant des mésanges formaient une douce mélodie qui accompagnait le début de notre périple. Malgré la douceur du vent et le sentier correctement défini, Meredith semblait anxieuse. Je voulais lui demander quelles étaient les raisons de son inquiétude, mais je savais déjà qu'interrompre le fil de ses pensées ne me permettrait pas d'obtenir une réponse dans l'immédiat. Je me résignais alors à attendre qu'elle engage la conversation. Je n'eus qu'une dizaine de minutes à attendre avant qu'elle ne l'initie de nouveau.

"– En territoire métamorphe, notre sécurité sera garantie par nos statues de guérisseuses. Avant cela, nous nous devons d'être discrètes. Nous ne sommes pas à l'abri que les raisons de notre venue ait déjà fuité et que les ennemis de la meute décident de s'en prendre à nous afin de lui nuire. Par-là, j'entends nous trancher les carotides afin de nous empêcher d'aider la future mère, en espérant que son décès pousserait son âme sœur au suicide. 

Meredith ne parlait pas énormément, mais lorsqu'elle faisait part de ses pensées, elle ne passait pas par quatre chemins. Elle prit une grande respiration, humant le délicieux parfum de freesia qui se dégageait des Arteracus, champignon mortel vivant en symbiose avec les sapins de cette partie de la forêt, avant de reprendre son discours.

-Si l'accouchement de la louve se passe correctement, nous continuerons à bénéficier de la protection des métamorphes. Cependant, s'il venait à ne pas se dérouler comme prévu, je te veux prête à fuir. Ces créatures restent des êtres imprévisibles et particulièrement impulsifs lorsqu'il est sujet de leur âme sœur. 

Elle me tendit alors un long médaillon métallique en forme d'aiguille sertie d'un cristal rectangulaire aux couleurs de l'aurore, puis reprit la parole.

Ce pendentif est puissant et nécessite d'être utilisé avec beaucoup de précautions. En l'échange d'un souvenir, il pourra te transporter plus ou moins loin.  Meredith prit une pause dans son explication avant d'ajouter. 

-Comme tu l'auras sûrement déjà deviné, au plus le souvenir te sera précieux, au plus la distance que tu seras capable de parcourir sera longue. Néanmoins, les souvenirs échangés devront toujours être plus longs que les précédents. Son utilisation t'est par conséquent, hors cas d'extrême urgence, interdite. Trop de personnes reviennent changées par son utilisation et je refuse que cela t'arrive. 

La magie avait toujours un prix, et nécessitait un échange avec celui qui la pratiquait. Je me doutais qu'un artéfact aussi puissant exigerait de la personnalité de celui qui l'utilise de changer, mais ne souhaitais en aucun cas en expérimenter les effets.

-C'est noté. J'en prendrai soin et ne l'utiliserai jamais en dehors d'un impératif. Mais comment as-tu pu te procurer un tel artefact ? Tu vas enfin m'annoncer que tu as eu une affaire avec un héritier vampire ? Nan mieux, tu l'as volé des pattes d'un métamorphe ? Pattes ... Métamorphes...  Son regard sombre me dissuada de chercher de nouvelles théories ou quelconques jeux de mots. Je n'étais pas connu pour mes hypothèses et pirouettes verbales qualitatives, au contraire... Et le moment était visiblement très mal choisi pour essayer de m'améliorer.

- Malheureusement, tu as raison, je l'ai bien volé à un métamorphe, une panthère. » Ses yeux semblèrent se remplir de nostalgie avant qu'elle ne reprenne. Pendant le Conflit d'Alch, le désespoir nous a tous poussés à réaliser des actions plus atroces les unes que les autres. Un nouveau blanc s'installait alors que Meredith sombrait à nouveau dans ses pensées.

Le conflit d'Alch était un sujet que la plupart des créatures évitaient. Ceux qui l'avaient connu ne s'en étaient jamais vraiment remis, et les plus jeunes ne voulaient pas pousser les anciens à se remémorer les horreurs qui avaient été commises durant cette sombre période. Mes seules connaissances sur le sujet provenaient des cours d'histoire et de Néron, l'ancien du village, qui après avoir abusé de l'hydromel devenait très bavard sur son passé et celui des autres.