Chapitre 1

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Onze ans plus tôt.

Je l'ai rencontré au cours de ma dix-septième année et je lui ai donné chaque partie de mon être, sans condition.

Ma mère n'est pas rentrée cette nuit. Deux parents qui désertent de leurs obligations dans le même mois, il faut dire que j'en ai de la chance. Je tourne et retourne dans mon lit, ne trouvant pas le sommeil. De rage, je repousse ma couverture et me dirige dans ma salle de bain. J'enfile un bas de jogging, trois fois trop grand pour moi, attache ma longue chevelure brune en un chignon rapide et descends au rez-de-chaussée pour récupérer les clés et quitter la maison. La marche, de nuit, a un effet apaisant sur moi, me forçant à faire le vide dans mon esprit. Faire le tri.

A la maison, il n'y a plus vraiment de place pour moi, mes pensées ou mes doutes, je dois faire bonne figure, prétendre que tout va bien alors que ma famille s'effondre. Et que je m'enfonce. Je devrais ne me soucier de rien, sortir avec mes meilleures amies jusqu'à pas d'heure, faire le mur pour aller voir un garçon qui me plairai. Au lieu de quoi, j'erres dans les rues de ma ville à la recherche de la femme qui m'a mise au monde.

J'aime le calme assourdissant des rues de New York, les nuits d'automne. Pas un chat dans mon quartier et en moi, une furieuse envie d'hurler. De crier au monde entier qu'il m'a abandonné. J'ai le sentiment que baisser les bras et me laisser vivre est ma seule option, si on peut appeler ça « vivre ».

Que mon père prenne la décision de partir n'a rien d'étonnant, le vent frais frappant mon visage, je me dis que ce n'était finalement qu'une question de temps. Je crois que quelque part, je ne le pensais pas capable de passer la porte, sans même un regard pour sa fille.

Je traverse la petite rue qui mène au café de nuit que ma mère aime tant quand un cri me tire de mes pensées. Tous mes sens sont alertes, je suis déjà prête à me défendre si le besoin se présente. Je m'arrête net au milieu de la ruelle quand trois personnes s'élancent vers moi en courant. Le premier, en tête du groupe, ne regarde pas devant lui et me fonce droit dessus pendant que les deux autres le suivent, hilares. Je m'écarte juste à temps pour éviter la collision et hurle une insulte bien pensée au chef de la bande. Il se retourne une dizaine de secondes, ses yeux d'un marron clair si particulier ancrés aux miens et me répond par un simple clin d'œil. En moi, tout bouillonne, son arrogance et son manque d'excuse m'insupporte. Je fais danser mon majeur devant son visage et reprend mon chemin, accompagné par son rire grave.

Ma rébellion en quatre lettres. Liam.

***

_ Est-on vraiment obligé de faire ça ? je demande passablement excédée.

_ Bien sûr ! Il est hors de question que l'on fête ça sur ce canapé miteux à regarder je ne sais quelle rom-com de ton répertoire, me réprimande Nora, ma coloc et meilleure amie.

Je m'effondre sur le lit et lâche un soupir sonore, à faire frémir les plus grandes dramaturges. Le public semble difficile à convaincre et mes deux amies partent dans un éclat de rire en m'empoignant de force pour me forcer à faire face à ce maudit dressing. Elles ont décidé d'aller fêter la nouvelle dans l'un des clubs les plus réputés de tout New York. Or, et ce malgré mon amour pour la musique, je ne suis pas particulièrement fan des effusions de corps brillants de sueur sur la piste de danse se collant à moi et encore moins, de cette robe noire scandaleusement courte et moulante qu'elles agitent sous mon nez.

C'est le genre de vêtement qui ira parfaitement à la silhouette de Nora. Le tissu sombre mettra en valeur sa peau diaphane, pourtant décoré un peu partout de sublimes dessins à l'encre noire. Nora est une artiste dans l'âme, chaque ornement sur son corps est une de ses créations. C'est aussi pour cette raison qu'elle a finalement ouvert son propre shop de tatouage, et qu'en quelques mois, sa réputation n'était plus à faire. J'aime sa façon de se foutre du regard des autres et son excentricité contrôlée.

Miss me, Princess?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant