Chapitre 5

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      Je me sentais vibrer.
C'était comme exister de nouveau, reprendre à zéro et ne plus s'atteler à vivre une vie compliquée envahie d'idées noires et de peur. Plus j'avançais, plus je le ressentais.
La fenêtre ouverte, je sentais le vent sur mon visage, frais et vivifiant. Je n'avais aucune idée d'où nous allions, mais peu m'importait. . L'important était d'être avec lui, de savourer chaque instant partagé. J'avais appris à me laisser porter par ce sentiment d'insouciance qui m'envahissait depuis un certain temps, et c'était devenu aussi libérateur qu'anodin. Ce sentiment d'abandon aux caprices de l'instant présent m'avait permis de découvrir une nouvelle forme de liberté.
Les paysages défilaient autour de nous, flous et colorés, et le monde extérieur semblait s'évanouir, ne laissant place qu'à notre aventure nocturne. Rien d'autre n'existe Les préoccupations et les contraintes s'étaient dissoutes dans l'air frais qui entrait par la fenêtre.
Le chemin s'éternisait et ça ne compte pas. Le ciel étoilé était magnifique à regarder, un spectacle silencieux de constellations scintillantes qui semblait n'appartenir qu'à nous. Je n'avais besoin de penser à rien, simplement de me laisser porter par le moment.
Cette insouciance, ce sentiment de sécurité et d'apaisement dont j'avais rêvé si longtemps, était enfin là. Chaque étoile dans le ciel semblait témoigne de la sérénité que je ressens. Je ne voulais jamais laisser partir ce moment, ne jamais quitter cet état de grâce où tout était parfait. Caleb rendait tout possible, et le monde, malgré son immensité, paraissait meilleur. Je ferme les yeux un instant profitant de la brise.
Un sentiment qui reste dépendant d'une personne ne peut rien envisager de bon dans un futur proche, ou même lointain. C'est une réalité que je ne peux ignorer, une variable à laquelle je m'adonne tous les jours. Pourtant, cette dépendance me fait ne pas oublier que je suis là, en vie. J'ignore toujours plus cette peur qui ce niche au creux de ma poitrine m'encourageant vivement a retourner a « ma vie d'avant », mais je refuse de me cacher de nouveau.
Je quitte le ciel des yeux et me tourne vers lui, laissant le siège appuyer sur mon épaule et ma tête reposer contre l'appuie-tête. De lui émane une certaine assurance qui lui donne l'air sûr de lui et qui ne le quitte jamais quand il s'attelle à la tâche qui lui tient le plus à cœur : conduire. Il a les yeux rivés sur la route, concentré et déterminé, tandis que j'inspecte son visage dans les moindres détails de manière bien moins flagrante qu'avant.
La lumière douce de la lune et des étoiles accentue les contours de ses traits, lui donnant un air mystérieux et captivant. Ses yeux, éclairés par les reflets des phares, brillent d'une intensité tranquille. Le piercing en anneau sur sa lèvre inférieure délicatement courbé, épousant parfaitement la forme de sa lèvre. Son emplacement exact, légèrement décalé vers la gauche, ajoute une asymétrie charmante à son visage.
Il est beau, et la nuit lui sied à merveille. Chaque ombre et chaque éclat de lumière semblent conçus pour le mettre en valeur, pour souligner sa force tranquille et son charisme naturel. À cet instant, enveloppée par la nuit et la présence rassurante de Caleb, je me sens incroyablement chanceuse d'être là.
Peut être que j'ai le droit d'être là.
Je passe les mèches rouges soigneusement sélectionner sous le reste de mes cheveux noirs entre mes doigts et poursuis ma réflexion. J'avais donné tellement d'énergie à croire que rien n'en valait la peine depuis si longtemps que j'en avais oublié ma propre validité à être en ce monde. Perdue dans mes doutes et mes angoisses, j'avais cessé de me considérer comme digne de cette existence, réduisant mes journées à une succession d'heures vides et insignifiantes.
Tout a changé depuis que je l'ai rencontré. Les journées sont passées de ne pas savoir comment respirer, étouffée par le poids de mes pensées sombres, à rire à en oublier de respirer. Ses sourires et ses mots ont réveillé en moi une joie que je pensais perdue à jamais.
— Tu es sure que tout va bien ? Il me lance un regard en coin, ses yeux pétillants d'inquiétude et de curiosité.
— Oui, tout va très bien. Ma voix est aussi calme qu'elle ne l'a jamais été. Je ne le quitte pas du regard, cherchant le courage de poser cette question qui me brûle les lèvres depuis toujours.
Après un bref silence, je prends une grande inspiration et me lance :
— Caleb, pourquoi conduire te donne à ce point envie de vivre ? Comment as-tu su que c'était ça, 'ton truc' ?
Je vois ses doigts se resserrer légèrement sur le volant, un sourire fugace traversant son visage avant de s'évanouir, remplacé par une expression pensive. Ses yeux, toujours rivés sur la route, brillent d'une lueur de passion intense. L'attente de sa réponse, chargée d'anticipation, semble faire écho au ronronnement du moteur.
Comment j'ai su... Sa voix s'étouffe, laissant place à un silence chargé d'émotion.
Il détourne brièvement le regard de la route, ses yeux rencontrant les miens avec une intensité troublante. Je peux voir une lueur de nostalgie et de réflexion dans ses pupilles, comme s'il plongeait dans un souvenir profondément ancré en lui.
— Tu sais, il y a des moments dans la vie où tout devient clair, où on trouve enfin ce qui nous fait sentir vivant. Pour moi, c'était la première fois que j'ai conduit seul, sans personne pour me dire quoi faire. C'était comme si le monde entier s'ouvrait devant moi, et j'avais enfin trouvé ma place.Je sortait d'un conflit peu agréable et j'ai quitté la maison quelques jours. j'ai roulé sans réfléchir. C'est ce qui me fait tout oublié. Conduire, c'est plus qu'une passion pour moi. C'est une libération, une évasion. C'est là où je peux vraiment être moi-même, sans contraintes, sans attentes. C'est cette sensation de liberté absolue, de contrôle.
— Voilà pourquoi, murmure-t-il en me lançant un sourire, pourquoi ça me donne envie de vivre. Si je venais à perdre mon poste de pilote, je crois que je n'y survivrait pas.
La profondeur de ses sentiments m'émeut.
Sa réponse chargée d'émotion installe un silence qui règne dans la voiture alors que nous roulions à travers la forêt. Les arbres, majestueux et imposants, formaient un tunnel de verdure autour de nous, leurs feuilles bruissant doucement sous la caresse du vent. La lueur des phares dessinait des ombres dansantes sur le chemin sinueux.
Ce silence n'était pas oppressant, mais plutôt apaisant,
les mots de Caleb continuent de tourner dans mon esprit, l'atmosphère est lourde et profonde.
Chaque courbe de la route, chaque rayon de lune filtrant à travers les branches, semblait accentuer la tranquillité du moment. Le moteur ronronnait doucement, un bruit de fond rassurant qui rythme notre progression.
Quelques dizaines de minutes plus tard, nous arrivâmes sur une aire de repos au milieu de la foret envahie par les lumières de phares de voitures différentes. L'endroit, baigné dans une mer de lumières clignotantes et de moteurs, appartienne à un autre monde. Les silhouettes des véhicules se dessinaient dans l'obscurité, chaque modèle reflétant un éclat particulier sous les réverbères et les néons improvisés, noyé de modèles japonnais de toutes marques.
La situation me plongeait dans un inconnu encore plus profond que d'habitude, m'emplissait d'excitation.
Moi qui, depuis les multiples récits de Caleb, rêvais de re participer à ces rassemblements nocturnes, je sentais une montée d'adrénaline m'envahir. Les conversations animées, les rires et la musique laissant un esprit compétitif palpable dans l'air.Je jetai un coup d'œil à Caleb, qui souriait, visiblement à l'aise et en terrain connu. Il gare la voiture parmi les autres, puis se tourna vers moi, ses yeux pétillant d'enthousiasme.
— Bienvenue dans mon monde, dit-il avec un sourire en coin.
Je ne peu m'empêcher de sourire en retour, mon appréhension se dissolvant peu à peu dans l'excitation du moment. Chaque détail de l'endroit, des voitures étincelantes aux passionnés discutant en petits groupes, semblait fait pour attirer mon attention et attiser ma curiosité. J'avais hâte de découvrir cet univers de plus près, d'en faire partie, même pour une nuit.
De nombreuses personnes vinrent vers nous pour discuter avec Caleb, qui répondait à chacune d'entre elles avec un calme naturel. Je prenais soin de rester en retrait, préférant observer plutôt que de me faire remarquer, ne sachant pas trop quoi dire dans ce milieu passionné et vibrant. Alors que son attention était tournée vers une énième personne qu'il saluait chaleureusement, je décidai de faire le tour des autres voitures que je voyais. Chaque véhicule était exceptionnel, soigneusement aligné comme des œuvres d'art mécaniques. Aucune ne ressemblait à celle de Caleb ce qui la détachait du lot. De loin, Caleb se retourna et me fit un signe, son sourire éclairant son visage alors qu'il me voyait découvrir son univers avec curiosité. Je lui rendis son sourire, reconnaissante de partager ce moment unique à ses côtés, même si je me sentais encore un peu en marge de cette passion qui l'animait si intensément.
Je ressens au fond de ma poitrine un tambourinement nouveau en le regardant, et les larmes me montent aux yeux. Tout a l'air si parfait que je me sens profondément émue. À cet instant, il est le meilleur ami que je n'ai jamais eu. Aucun autre moment de ma vie ne pouvait égaler celui-ci. La présence de Lyla manque a rendre l'instant encore plus parfait.
Après avoir fait le tour personnel et pris quelques photos sur mon portable, je marche pour rejoindre Caleb, qui semble attentif à mes actions, manifestant ainsi son souci pour mon bien-être et mon intégration à cet environnement particulier. Il est assis sur le capot de sa voiture. Proche de lui, je lui montre fièrement une photo d'une petite miata noire que j' ai prise sur le rasso. Caleb me tire vers lui resserrant l'espace entre nous.
— Un jour, tu en auras une aussi, je te le promet.
Contre lui, je repose ma tête sur son épaule.
Au bout de quelques minutes, un visage que je reconnais viens nous saluer.
— Kat, je te présente Toma. Il m'a proposé une course amicale, je serais heureux que tu montes avec moi comme copilote. Tu veux bien ?
Son regard fixé sur moi, il attendait ma réponse avec impatience. Prise au dépourvu mais excitée, je lui fais un signe de tête en réponse positive et enthousiaste. Son visage s'illumine encore plus qu'il ne l'était déjà.
Je suis remontée en voiture excités à l'idée de participer à une course contre Toma installés dans la voiture une aura d'anticipation remplissait l'habitacle, chaque détail semblait vibrer d'excitation alors que nous nous préparions pour le défi à venir. Les moteurs ronronnent. Caleb ajusta son volant, son regard déterminé fixé sur la route devant lui. À côté de lui, je me sentais à la fois nerveuse et excitée, mes mains agrippant légèrement le siège tandis que je regardais l'autre voiture se positionner à côté de nous. Les discussions animées des autres participants et les encouragements du public ajoutaient à l'atmosphère électrique de la soirée.
— Si à un quelconque moment quelque chose ne va pas, fais le moi savoir, je m'arrête tout de suite. déclare Caleb d'une voix calme mais ferme, ses yeux bleus se posent sur moi avec une expression rassurante. J'hoche la tête, appréciant la prévenance de Caleb. Le signal de départ retentit, et les voitures bondirent en avant dans un grondement synchronisé.
Caleb, habitué à la vitesse et à la précision du drift, manœuvrait avec une assurance impressionnante à travers les virages serrés. Je retenais mon souffle à chaque accélération et freinage brusque, l'adrénaline me remplissant, nous propulsant tous les deux vers la ligne d'arrivée avec une détermination commune à surpasser nos adversaires. Les arbres s'égrenaient à une vitesse vertigineuse, leurs branches s'étendant au-dessus comme des spectateurs suspendus dans le temps. La lumière des phares balayait les troncs d'arbres, créant des ombres mouvantes qui semblaient danser avec la voiture.
Chaque virage était un défi, un test de courage et de compétence. Caleb anticipait les mouvements de la route avec une acuité surhumaine, ajustant la trajectoire de la voiture avec une fluidité naturelle. Les pneus crissaient sur l'asphalte, répondant aux commandes précises de Caleb alors qu'il cherchait à maximiser la vitesse tout en maintenant le contrôle absolu.
La forêt autour d'eux semblait vivante, avec ses murmures de feuilles agitées par le vent et le craquement occasionnel de branches sous les pneus. L'odeur de la terre humide et des pins imprégnait l'air, ajoutant une dimension sensorielle à l'expérience palpitante de la course. Caleb me lançait des regards furtifs, son sourire confiant me réchauffant le cœur à chaque instant.
— Sors à la fenêtre, assieds-toi sue la portière et profite.
— Quoi ? dis-je, complètement stupéfaite par sa demande.
— Fais-moi confiance, tu vas aimer. Mais accroche-toi bien !
Je m'exécute maladroitement, me déplaçant pour m'asseoir sur la portière, passant la moitié de mon corps par la fenêtre. Je sens le vent, le froid, la vitesse. Dans un élan d'insouciance, je ferme les yeux et commence à me sentir encore plus libre que je ne l'étais déjà.
Toma et Caleb entrent dans un tandem synchronisé a la perfection avant de décisivement trouver leurs place, Caleb en première position, l'arrivée était à portée de main. Mon cœur battait la chamade, mes mains serrées sur la carrosserie, traversées par une montée d'émotions intenses. Ma gratitude de me trouver exactement ou je suis m'envahis, tout le chemin que j'avais fait jusqu' a maintenant convergeait vers cet instant, et malgré le malheur et la difficulté des choses, si je devais reprendre le même chemin, je n'en changerai rien.
La ligne d'arrivée approche, chaque seconde semble durer une éternité. Le moteur, le vent qui fouettait mon visage, tout contribuait à cette atmosphère électrique. Et puis, en un instant, nous avons franchi la ligne. La victoire était nôtre. Le triomphe me submerge. Spontanément, je crie de gloire. Dans ces moments-là, les mots sont souvent insuffisants pour exprimer ce que l'on ressent, mais ce rire exprimait tout : la joie pure et l'accomplissement d'un objectif commun. Je voulais que ce sentiment dure pour toujours et que ce souvenir ne s'efface jamais.
Toma ferme la porte de sa voiture. Il s'avance vers nous avec un large sourire, rejoignant Caleb qui était déjà sorti de notre voiture. Le soulagement et l'excitation se mêlaient dans l'air alors que nous nous retrouvions tous les trois au milieu de la clairière forestière, éclairés par la lueur des phares et des étoiles au-dessus de nous. Caleb et Toma échangeaient des poignées de main chaleureuses, les félicitations et les compliments fusant entre eux pour cette course acharnée. Les rires retentirent, emplissant l'air de leur énergie contagieuse.
C'est donc ça, être heureux.
Prendre les victoires les plus simples et les mélanger a la joie, si simple, mais tellement plus que ca.
En quelques heures, le rassemblement s'était bien vidé et il ne restait plus qu'une poignée de personnes. Caleb et moi étions dans sa voiture, et il m'écoutait parler de tout ce que je ressentais à propos de la soirée avec bienveillance. Sentir son regard sur moi et savoir que j'étais écoutée me procurait un profond bien-être. Je me sens exister. Quand j'eus fini de partager, toute mon adrénaline retomba, laissant place au calme environnant de la forêt et au silence, créant une atmosphère paisible.
—Tu nous ramène à la maison ? Il me regarde fixement les clés de sa voiture tendue vers moi.
Il voulait que moi je conduise sa voiture ? Cette demande me surprit. J'avais toujours été attiré par la conduite, et ce soir-là, cette envie s'était intensifiée. Avait-il remarqué mon intérêt ? Étais-je si facile à lire pour lui ?
—Tu veux que je conduise ta voiture ? Dis-je.
Il me tends les clés avec un grand sourire.
— Je suis sûr que ça te ferait plaisir. J'aime te voir heureuse Kaytlin. Je ne veux que ça.

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