Chapitre 1

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J'ai peur. Il fait nuit, et le vent glacial rend ma respiration de plus en plus douloureuse. Je cours aussi vite que possible, slalomant entre les petites rues de cette immense ville, mais je ne vois personne dehors. Aucune aide pour moi cette fois-ci.

Je commence à fatiguer, et les pas derrière moi se rapprochent. J'entends quelques mots venant d'eux :

« Par ici. »

« Ne la laissez pas s'échapper. »

Alors que je tourne dans une ruelle en espérant les semer, je tombe sur des personnes. Je pense d'abord que j'ai de la chance. Mais ce sentiment disparaît aussi vite qu'il est venu lorsque je remarque une personne allongée au sol, ou plutôt un corps, car il n'a plus de tête.

Deux personnes se tiennent face à ce corps, dont l'une tient une épée ensanglantée. Leurs regards se tournent vers moi. Que faire ? Je ne veux pas mourir !

Je commence à faire demi-tour, mais les gardes se rapprochent. Je dois faire un choix : soit je me fais attraper, soit... Mais qu'est-ce que je dis, je n'ai pas de choix.

Les deux personnes de la ruelle me fixent étrangement, essayant sûrement de comprendre pourquoi je suis là et surtout pourquoi les gardes me cherchent. Je ne peux pas distinguer leurs traits car ils portent des capuches. Celui qui semble un peu plus petit murmure quelque chose à l'autre, et ils prennent une décision. La pause d'observation est terminée, et il serait mauvais pour eux de se faire attraper en plein acte criminel. L'un ramasse le corps sans vie, l'autre prend la tête, et ils disparaissent dans une autre ruelle. Cette ville est un vrai labyrinthe, ce qui est une chance pour moi.

Mais alors que je reprends ma course vers la liberté, un garde surgit de la ruelle, juste devant moi. Ma poursuite prend fin. Je suis vite encerclée, puis ramenée au palais sur l'épaule de « Jean », mon « garde du corps ».

***

Quand j'ouvre les yeux, je remarque une ombre empêchant le soleil d'atteindre mon visage. Je devine rapidement qui c'est : « Alaric Valendris»

« J'espère que tu as passé une bonne nuit ? » me dit-il.

« Merveilleuse ! » Je lui réponds avec sarcasme.

Je peux même voir une veine sur son front tant il semble en colère. Je me relève pour m'asseoir sur le lit. Il se lève alors de la chaise où il était assis. 

Et aussi violemment qu'un acte doux peut l'être, il me prend par la mâchoire et rapproche son visage du mien.

« Combien de fois vais-je devoir te le répéter ! Tu ne peux pas t'enfuir. » Dit-il en serrant sa prise sur ma mâchoire. 

Je porte alors mes mains aux siennes pour me dégager de son emprise. Ce qu'il fait, mais pour ensuite me pousser. Je me retrouve de nouveau allongée sur le lit, mais cette fois dans une posture des plus gênantes. Il est au-dessus de moi, avec son genou entre mes jambes. J'ai peur. Son visage angélique me terrifie. Il descend son visage face au mien, me fait un long baiser sur la joue, puis me chuchote à l'oreille :

 « Tu es à moi. »

 Il me fixe un instant, puis se relève et sort de la chambre. Je l'entends dire aux servantes de ne pas me donner à manger aujourd'hui.

Bravo, encore une fuite de perdue, mais au moins cette fois, je suis juste privée de nourriture pour aujourd'hui. J'ai bien fait de choisir cette date pour ma fuite, je savais qu'il ne pourrait pas me frapper cette semaine, puisque je suis censée aller chez la modiste pour mon entrée dans leur horrible monde. Il ne faudrait pas que quelqu'un remarque les marques qu'il pourrait me laisser.

***

La journée était horriblement longue. J'ai déjà lu tous les livres de cette chambre dix fois depuis que je suis ici. Mon seul divertissement est maintenant la fenêtre. J'ai vue sur les jardins, ils sont magnifiques. Je ne les ai visités qu'une seule fois, à mon arrivée ici, il y a un an, peut-être plus, je ne sais plus, j'ai perdu le compte.

En ce moment, un groupe d'enfants y joue, et leurs mères prennent le thé sous une pergola ornée de quelques fleurs. Nous sommes au début du printemps, je pense. En contemplant cette scène de loin, je remarque un détail au fond du jardin : un groupe arrive, des ombrelles s'agitent, et deux hommes portant des uniformes qui ne semblent pas être de ce pays arrivent.

Une des dames prenant le thé se lève, suivie des autres, et elles semblent saluer l'un des hommes en particulier. Cela doit être quelqu'un d'important. Les jeunes femmes agitant les ombrelles semblent vouloir attirer son attention.

Quel spectacle aujourd'hui ! J'ai de la chance, c'est pour le moins divertissant. D'autant plus quand je vois une des ombrelles se faire rejeter. Si moi je l'ai compris, je pense que d'en bas, ça doit être pire. Je souris face à cette scène. Je lâche presque un rire, je deviens folle enfermée ici, je crois.

Alors que je frappe doucement ma tête de ma main, je croise le regard de l'homme. Pendant une seconde, son regard change, puis il dévie son regard du mien. Dommage, pour une fois que j'avais l'attention de quelqu'un.

***

C'est le jour de ma sortie chez la modiste. Je suis super excitée, je vais enfin sortir de cette chambre ! Je sais que cette fois je ne pourrai pas m'échapper, Jean sera tout le temps avec moi. C'est un gros tas de muscles ce mec, et je pense qu'il ne m'aime vraiment pas, depuis que « Alaric » lui a demandé d'être mon garde du corps. Une tâche nulle pour un chevalier de son rang.

Une fois habillée d'une simple robe verte, la servante qui m'est assignée, « Julia » je crois, m'accompagne jusqu'à la calèche suivie de près par le tas de muscles. Je ne suis pas surprise de voir Alaric m'attendre devant la calèche. J'espère de tout cœur qu'il ne vient pas.

« Bonjour, comment vas-tu ? » me demande-t-il en prenant ma main.

« Bien, » je lui réponds simplement.

« Parfait, monte, » dit-il en me traînant dans la calèche. Il m'aide à monter, puis je le vois monter lui aussi. Quand Jean veut monter, il dit : 

« Laissez-nous un moment seul, » puis il referme la porte.

Il s'assoit face à moi. Mais il ne dit rien, il se contente de me fixer avec ses yeux bleus.

« Qu'est-ce qu'il y a ? » je lui demande.

Il se penche en avant, se rapprochant de moi.

« Je viens te souhaiter une bonne sortie, et aussi te prévenir de ne pas faire d'esclandre. »

« Je sais, » je lui réponds.

« Tu sais ! Ah bon, parce que ce n'est pas ce que tu m'as montré il y a deux jours ! »

Il me prend par le bras et me tire vers lui.

« Fais attention à tes actes en dehors de ces murs, et n'oublie pas qui tu es : "Bianca Valendris " »

« Maintenant fais-moi un bisou, » dit-il en pointant du doigt sa joue.

Comme une soumise, je fais ce qu'il dit. Depuis que je suis arrivée ici, j'ai essayé maintes et maintes fois de me rebeller, de lui désobéir, et à chaque fois, je l'ai regretté. Et je sais qu'une fois de retour de la modiste, il me fera appeler dans sa chambre pour me punir de ma dernière escapade. Je sens déjà la douleur de ses coups.

Il descend et nous nous mettons en route pour la modiste.

Le Baiser du TyranOù les histoires vivent. Découvrez maintenant