Chapitre 2

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Nous sortons de chez la modiste. Nous y sommes restés quatre heures, je dirais, et je n'ai pas eu beaucoup d'interactions avec les personnes travaillant là-bas. Je n'ai même pas pu donner mon avis quant au choix de la couleur, Alaric avait déjà donné les instructions sur la robe qu'il souhaitait me voir porter le jour de mon entrée, et pour les autres robes, il y avait aussi des instructions.

La seule chose que j'ai pu choisir à un moment donné fut la forme des manches que je souhaitais pour une robe où il manquait de précision dans la liste écrite.

Alors que nous marchons vers la calèche, mes yeux croisent ceux de l'homme du jardin, toujours accompagné du même homme. Facile de les reconnaître avec leurs uniformes particuliers.

Cette fois, il m'a vue et me voit clairement. Nous nous fixons en marchant chacun dans un sens différent. Je manque de trébucher sur un des pavés de la ville quand mon garde du corps me prend par le bras, empêchant ma chute.

« Regardez où vous marchez ! » me gronde Jean.

Je cherche de nouveau ce contact avec l'homme en uniforme, mais il a continué son chemin et est maintenant loin. Jean remarque :

« Que cherchez-vous ? Je vous rappelle que nous devons rentrer. Monsieur a expressément demandé à ce qu'on rentre au plus vite, il veut vous voir. »

J'avale ma salive et lui dis que j'étais dans mes pensées. J'espère que cette fausse chute et mon regard ne seront pas rapportés.

***

Me voilà maintenant dans ses appartements. Je ne suis pas directement dans sa chambre, mais c'est tout comme. Je suis dans le salon attenant à la chambre. Je suis assise sur ce canapé depuis deux heures, je pense.

Le soleil semble se coucher, je pense qu'il ne tardera donc pas à arriver. J'espère qu'il se casse une jambe sur la route.

On aurait pu rester et se balader en ville, on avait largement le temps, mais Jean n'aime pas désobéir et surtout il n'en a rien à faire de ce que moi je veux. Je sais qu'il est devant la porte, il attend lui aussi.

CLAC !

La porte vient de s'ouvrir. Je me retourne et constate qu'il est là. Je croise le regard de Jean, il sait ce qu'il va se passer. Je vois comme de la pitié dans ses yeux avant qu'il ne referme la porte.

« Comment était ta sortie ? » me demande-t-il en enlevant sa veste pour l'accrocher à un porte-manteau.

« Bien. »

« Tant mieux. Moi, je suis fatigué, j'ai beaucoup de travail en ce moment ! Mais tu ne peux pas comprendre. » Pendant qu'il me dit cela, il défait sa ceinture et l'enroule autour de sa main.

« Lève-toi », m'ordonne-t-il.

Je m'exécute, agissant comme d'habitude pour en finir au plus vite. 

Dos à lui, je fais face au mur. Ses pas s'approchent, ses mains glissent dans mon dos pour défaire le petit nœud de ma chemise, laissant le haut de mon dos à découvert.

Le premier coup ne tarde pas, je ferme les yeux. 

Son coup s'abat, mes mains se posent contre le mur pour me soutenir. Après dix coups, il s'arrête, se rapproche pour remonter ma chemise et refaire un nœud avec délicatesse. Puis, il pose ses mains sur mes épaules pour me faire face.

Mes yeux sont troubles, j'essaie de ne pas pleurer. Il se baisse pour être à ma hauteur. Je fixe le sol.

« Tu sais que je n'aime pas te faire du mal », dit-il en posant délicatement sa main sur ma joue.

« Mais tu ne me laisses pas le choix ! », poursuit-il. Bien sûr, il a le choix, il est juste complètement fou, mais personne ne le lui dit.

Il me prend dans ses bras, ses mains dans mon dos me font affreusement mal, et un cri de douleur s'échappe. Il serre un peu plus fort et me murmure à l'oreille : 

« J'espère que tu as compris maintenant ».

« Oui », réponds-je, espérant qu'il me lâche enfin.

Une fois libéré de son étreinte, il retourne s'asseoir sur la chaise de son bureau. Je reste un moment, les bras ballants, avant de me retourner pour sortir de la pièce.

« Où vas-tu ? Je ne t'ai pas autorisé à sortir », m'arrête-t-il. Je me tourne de nouveau vers lui pour savoir ce qu'il attend de moi.

« Viens ici », dit-il en tapotant sur sa cuisse. 

Je comprends rapidement qu'il souhaite que je m'assoie sur ses genoux. Hésitante, la douleur dans mon dos me pousse à lui obéir. Je m'assois donc sur ses genoux.

Nous ne disons rien, il passe ses bras autour de moi et attrape un dossier posé sur son bureau. Il l'ouvre et commence à le lire. Mes yeux tombent sur le dossier et je fais de même. Il s'agit de statistiques sur les dépenses et les investissements des nobles. Le dossier est des plus ennuyeux.

Je commence à fatiguer, la nuit est tombée depuis longtemps. Combien de temps veut-il que je reste ainsi ? Si je ne retourne pas dans ma chambre, les commérages ne tarderont pas. Même s'il y en a déjà bien assez sur nous. 

Je suis sa « demi-sœur », miraculeusement retrouvée dans un orphelinat. La blague ! Nous ne sommes pas de la même famille. Ma mère n'avait rien à voir avec eux ! Ils essaient de me faire croire le contraire. Ici, tout est faux. Et bientôt, je réussirai à m'enfuir. Hors de question que je reste ici toute ma vie.

Enfin, Alaric met fin à sa lecture passionnante et appelle mon garde du corps qui se tient toujours devant la porte. Celui-ci entre et voit dans quelle position je suis. J'ai honte.

« Ramène-la dans sa chambre, elle a besoin de repos », ordonne-t-il, soulagée lorsque je peux enfin me lever. Mes jambes sont engourdies. 

Je marche jusqu'à la porte où se trouve Jean. Juste avant de partir, Alaric demande à Jean de revenir après m'avoir déposée.

Le Baiser du TyranOù les histoires vivent. Découvrez maintenant