Cela fait maintenant une heure que je marche avec François, sans échanger un mot. Il a les mains dans les poches et fixe l'horizon, la mine attristée.
Hier matin, je suis allée remettre l'autorisation signée au directeur et j'en ai profité pour récupérer les clés de ma chambre afin d'y installer mes affaires, mais je n'y suis pas restée car François tenait à passer une dernière soirée avec moi. Nous avons donc passé la soirée à jouer au scrabble. Ce matin, il a insisté pour que nous nous baladions un peu avant mon départ, mais plutôt que de profiter de ce dernier moment avec moi, il s'est enfermé dans ses pensées, ne daignant pas m'accorder un seul regardJe pousse un soupir, m'arrête et lui saisi la main. Il s'immobilise, clignant des yeux comme s'il revenait à lui, avant de poser son regard confus sur moi
''Je viendrai te voir régulièrement, promis.'' dis-je pour le rassurer mais pour toute réponse il me sourit tristement tout en me caressant les cheveux avant de reprendre sa marche. Je fronce les sourcils mais le suis sans plus rien ajouter
''Et si on s'asseyait ? '' propose-t-il une vingtaine de minutes plus tard en s'approchant d'un banc sur lequel il finit par s'assoir
J'acquiesce et prends place près de lui. Je le fixe avec insistance alors qu'il inspire profondément, la tête levée vers le ciel. Puis, sentant probablement mon regard, il reporte son attention sur moi un instant avant de sourire brièvement et de baisser les yeux
''Vous faisiez ça aussi quand vous étiez petite''
Surprise par sa soudaine prise de parole, je mets un moment avant de comprendre qu'il parle de Marie et moi
- Que... qu'est-ce qu'on faisait ? '' soufflé-je d'une petite voix
''Me fixer. Vous n'arrêtiez pas de me fixer quand vous étiez petites. Comme si j'étais un mystère que vous tentiez de percer. D'ailleurs, votre mère plaisantait souvent à ce sujet en disant : « D'abord Marie qui te fixe comme si tu venais d'une autre planète, et maintenant Gabi ? À ce rythme, je vais vraiment finir par croire que j'ai épousé un extraterrestre ! » Puis elle éclatait de rire et je la rejoignais. En réalité, nous savions que c'était parce que vous me voyiez comme un étranger, mais nous préférions en rire plutôt que de nous en attrister en espérant qu'avec le temps, vous apprendriez à me connaître et commenceriez à m'accepter comme un membre de votre famille."
Il esquisse un sourire à ce souvenir tandis que je reste silencieuse ne sachant pas trop quoi dire. Mais il ne semble pas s'en formaliser et continue :
''Au fil des années, l'une avait cessé de me fixer étrangement car elle commençait à me considérer comme son père. L'autre, en revanche, même si c'était moins fréquent, continuait de le faire, signe qu'elle ne m'avait pas encore accepté. Mais je ne lui en voulait pas. Comment lui en vouloir ? Elle vivait avec son père, le vrai et elle ne comprenait pas pourquoi chaque vacance, lorsqu'elle allait voir sa sœur, cette dernière ne cessait d'appeler un autre homme papa. À partir de ce moment-là, elle s'était mise à me fixer non plus comme un étranger mais comme un imposteur''
Je fronce les sourcils ne comprenant pas où est-ce qu'il veut en venir. Pourquoi me raconter tout ça ?
''Mais un jour, '' reprend-il ''sans que je ne sache trop comment, elle avait fini par arrêter. Elle avait cessé de me fixer et le peu de fois où elle posait les yeux sur moi, son regard ne reflétait que de l'indifférence à mon égard. Mais ça aussi je ne l'avais pas mal pris, parce que j'avais compris qu'elle regardait tout le monde ainsi. Tout le monde sauf son père et sa sœur, les seuls personnes qu'elle aimait et considérait. J'étais quand même heureux, parce que je préférais qu'elle me considère comme tout le monde plutôt que comme un imposteur, ça prouvait que quelque part, elle m'avait enfin accepté. Enfin, c'est ce que je pensais...''
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Who Killed Me ?
Misteri / ThrillerCe soir-là, elle aurait dû mourir. Mais elle est toujours en vie Pourtant il y'a bien eu un meurtre et tout le monde pense que c'est elle qui a perdu la vie