Le jour du gala. Devant le miroir, je frôle mon visage du bout des doigts, luttant contre l'envie de marquer cet endroit de ma peau encore immaculée. Un sourire figé étire mes lèvres, tel celui d'une matriochka, tandis que mes yeux trahissent le chaos qui s'agite en moi.
Je donnerais tout pour revenir en arrière, pour effacer ce moment où j'ai laissé entrevoir à Hwan la poupée fissurée que je suis. Tout ce que je désirais, c'était qu'il me laisse en paix.
Depuis une semaine, jour pour jour, ses messages sur mon répondeur sont incessants. Je suis reconnaissante qu'il n'ait pas encore surgit à l'improviste.
Au moins, en partant pour Séoul, je m'éloigne de lui. J'aurais dû garder le silence ; j'aurais dû me taire, me taire... une chose que je savais si bien faire.
Parfois, je me demande ce que c'est que d'être jugée laide par la société. Sans ma beauté, Hwan ne m'aurait jamais remarquée ; il n'admire que cela, tout comme ces regards qui me suivent dans la rue, miroirs de mon étrangeté. Je les fuis, car ils ravivent de douloureux souvenirs.
Chaque pensée qui me traverse est un rappel amer de ma singularité ; cette beauté qui me distingue. Je ne cherche pas à me vanter, mais je ne peux nier cette évidence : on m'aime pour mon apparence, ou pour mon cynisme sur le monde ; je ne suis accepté que sous ces traits, une bénédiction inextricablement liée à ses fardeaux.
Je suis une poupée de porcelaine, façonnée avec la minutie d'une orfèvre, avec une matière d'une rareté exquise. À première vue, ma surface lisse est parfaite, captivant et reflétant la lumière, ensorcelant ceux qui s'attardent sur moi, sur mes traits d'une symétrie troublante.
Mais en ouvrant la porcelaine, on découvre un intérieur usé, poussiéreux et sombre, et l'on se détourne, naturellement désintéressé.
À travers le combiné, la voix de Hwan gazouille encore une fois :
— Ryu. C'est encore moi. Je suis désolé. Je te laisse le temps dont tu as besoin, d'accord ?
Ce n'est pas la première fois que je vis cela ; je connais déjà la suite. Il attendra, mais mon silence le ramènera. Il reviendra, rampant à mes pieds, nourrissant l'illusion que je finirai par succomber à son charme. Son obsession l'enchaînant à son fantasme. Ce qu'il convoite, c'est une victoire, un défi où je suis l'enjeu. Il se laisse emporter par le vice, par l'adrénaline.
Je ne lui permettrai jamais de le relever, car s'il y parvient, il se lassera vite de moi.
C'est dans cette réflexion absurde que je réalise : la fragilité de la porcelaine est mon reflet ; je suis aussi fragile que la poupée que je représente, et je dois me faire polir, me faire remarquer, peu importe comment ; sinon, que restera-t-il de moi ? Rien.
La perfection n'existe pas.
Elle peut être méticuleusement sculptée, mais les autres sont simplement éblouis par l'éclat blanc de la porcelaine, ignorant que cette perfection cache une imminente imperfection.
Une fois révélée, l'imperfection devient flagrante, repoussante, et l'on se contente d'admirer la surface, au loin.
Je n'aime pas Hwan ; je n'aime pas l'attention qu'il me porte, mais elle me donne une existence.
À ses yeux, je suis une sublime poupée ; pour ceux qui n'ont pas encore découvert où briser cette porcelaine, je reste une énigme céramique qui nie l'imperfection. Et ce soir, tout le monde admirera l'éclat de la surface, mais aucun ne verra l'intérieur.
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Lumière Noire
FanficL'obscurité aveuglante émet la lumière la plus intense. La lumière de son éclat feint cache des vices méconnus. Dans le noir absolu, les secrets se murmurent, et dans la lumière éblouissante, les cris étouffés perdurent. Le noir et le blanc, bien...