Chapitre 6 : L'Acidité de la Culpabilité

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ZAÏON

— Ta garde ! Ta garde !

Lune relève ses mains au niveau de sa poitrine, coudes repliés en une position tonique. Son front est couvert d'une pellicule de sueur et ses tresses orangées, pleines de frisottis remuent dans son dos.

— Voilà, mieux ! Repousse-moi, allez ! Voilà, voilà ! N'oublie pas ta garde.

À l'aise dans son ensemble ocre moulant, elle adapte ses mouvements, suivant consciencieusement les consignes de sa professeure d'auto-défense, une grande blonde aux muscles tracés. Lune n'a commencé les cours qu'il y a peu, mais a déjà bien progressé. Son planning prévoit deux entraînements par semaine ; mardi et jeudi après-midi.

— Allez, on recommence !

Les deux jours après mon accident ont vu disparaître mon oppressante migraine et même si la zone de mes points de suture est encore douloureuse, je n'ai aucune autre séquelle. Excepté que j'ai passé presque 24h sur 48 à dormir et qu'à mon réveil le dimanche, les couleurs m'ont paru différentes, plus saturées, les sons plus stridents et les odeurs omniprésentes. En tant qu'Acharnel, je suis né avec une sensibilité accrue, mais c'était comme si le choc l'avait encore accentuée. J'ai pu contacter la doc du chantier, via Rissane, qui m'a rassuré. Deux options : cela passera d'ici quelques semaines ou j'ai développé une version sensorielle du « syndrome du savant ». Je n'ai pas encore tranché sur ce que je préférais, car bien qu'une audition et une vue améliorées pourraient s'avérer utiles pour le travail, les odeurs sont plus entêtantes.

Du pan de mur où je me tiens immobile, les odeurs de transpiration des deux femmes et leurs parfums respectifs me parviennent distinctement. Un déodorant à la vanille épicée pour Lune et un mélange d'agrumes pour Tally, sa professeure.

— C'était une bonne séance, la complimente celle-ci en s'épongeant le visage d'un coup de serviette. Tu as fait des progrès.

L'air printanier s'infiltre par la fenêtre pour me titiller le nez de senteurs florales et d'humidité. Il a plu ce matin. Ma cliente s'approche de moi sans m'adresser un seul regard et se penche pour récupérer sa gourde. Elle en boit plusieurs gorgées avant de déclarer :

— Pouvoir mettre au tapis des gens comme Verquet est une excellente source de motivation.

Je perçois l'éclat de leurs rires ricocher sur les quatre murs de la salle de sport privée des Belfeuil.

— Toujours s'il s'agit de défense, rappelle Tally avec une pointe de sévérité.

— Il me menaçait de son horrible doigt !

Je n'ai pas pu m'empêcher de sourire quand, toute fière d'elle, Lune lui a expliqué son altercation de la veille avec Ultris Verquet. Le « poisson Verquet » comme elle s'est plu à l'appeler. En temps normal, j'aurais eu vent de cette histoire dès le début de mon service, mais ma cliente a décidé de me bouder. Pas de conversations ni de recherche au magi-droïde. Mon « je vais bien » envoyé hier soir à minuit a été trop tardif.

— Attend, je te raccompagne à l'entrée, adresse-t-elle à Tally alors qu'elle quitte la salle, son sac sur une épaule.

— Pas la peine, je connais le chemin. Continue tes étirements. À jeudi !

— À l'heure et de bonne humeur ! répond Lune avant de laisser son sourire faner sur son visage rougi par l'effort.

La porte automatique claque derrière la professeure.

Ma cliente s'étale au sol, bras et jambes en étoile et reste ainsi sans mot dire. Elle ferme les yeux, sa poitrine se soulève au rythme de sa respiration.

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⏰ Dernière mise à jour : Oct 20 ⏰

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ACHARNEL | Cet Amour Maudit [SOUS CONTRAT D'ÉDITION]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant