Et si... Petite Écume ❧ ᴺᴼᵁᵛᴱᴸᴸᴱ

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  Par un jour particulièrement froid de la Saison des Feuilles Mortes, une belle chatte au pelage gris-bleuté avançait péniblement dans la neige, à la limite de son territoire. On pouvait se demander ce qu'une reine faisait là, à gratter le sol gelé de ses pattes meurtries par le froid, puis à retourner sur ses pas jusqu'à un autre trou. Ce n'est que si l'on s'approchait d'un peu plus près que l'on pouvait remarquer trois petites boules de poils, gigotant faiblement et lançant des petits miaulements de détresse à la femelle, leur mère. Celle-ci prit l'un de ses chatons, au même beau pelage gris-bleuté, dans sa gueule et entreprit de le déplacer vers le trou qu'elle avait creusé. Une fois que le premier petit fut protégé du froid, elle fit de même avec la deuxième, elle aussi grise avec des reflets bleus. Lorsqu'elle revint vers le troisième de ses chatons, une jeune femelle à la fourrure blanche tachetée de gris perle, elle constata que celle-ci semblait plus affaiblie que les autres. Cela brisa le cœur de Lune Bleue. Car oui, c'était bien de la puissante guerrière du Clan du Tonnerre qui essayait non sans mal d'emmener ses chatons vers la frontière avec le Clan de la Rivière, que l'on devinait quelques mètres plus loin. Ils n'étaient qu'à quelques pas de la rive, si près d'y arriver ! Elle savait pourtant le risque qu'elle leur faisait courir. Petite Écume, sa fille, la dernière à être transportée, en était bien la preuve : le froid peut considérablement diminuer les forces d'un chaton.

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  Petite Écume avait froid. Depuis qu'elle, son frère, sa sœur et leur mère étaient partis du camp pour aller jouer dehors, elle n'avait cessé d'espérer qu'ils pourraient bientôt rentrer. Ils avaient marché très longtemps, trop longtemps. Ses coussinets étaient gercés à cause de la neige sous ses pattes, ses vibrisses commençaient à gelé et avec le blizzard, elle ne voyait pas plus loin qu'à quelques mètres devant elle. Tout son être était glacé, il lui semblait que plus jamais elle ne connaîtrait un temps doux et clément. Depuis quand le fait de respirer était-il devenu si difficile ? Elle n'avait même plus la force de trembler, elle voulait juste se reposer, blottie contre sa mère, et téter tranquillement dans la pouponnière. Lune Bleue les déplaçait à présent de trou dans la neige en trou dans la neige, de sorte à ce qu'ils aient un peu moins froid, mais la jeune chatte n'était même plus sûre que cela serve à quelque chose. Après un énième déplacement, elle décida de fermer les yeux quelques instants. Elle avait tellement sommeil... Sa marche dans la neige l'avait épuisée. C'était si bon de ne plus avoir à lutter contre la température extrême ! Elle se laissa aller encore un peu plus. Le froid l'engourdissait, mais elle ne s'en préoccupait plus. Elle soupira doucement et sentit son esprit partir lentement à la dérive.

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  « Petite Écume ! Petite Écume ! »

Le chaton entendit les miaulements paniqués de sa mère et sentit les coups de langue frénétiques qu'elle lui donnait. Bizarrement, elle ne ressentait plus le froid ni la faim. Mais pourquoi sentait-elle son âme à l'abris et en sécurité si son corps était toujours à l'extérieur, dans cet environnement hostile ? Comme pour lui amener une réponse, elle entendit une voix, plus apaisée que ceux de Lune Bleue, lui murmurer : 

« Petite Écume, réveille toi !

— Qui es-tu, demanda la jeune chatte en ouvrant les yeux et en découvrant une adulte qui semblait tout droit descendue du ciel, et pourquoi y a-t-il des étoiles sur ta fourrure ?

—N'aie pas peur, ronronna la femelle. Je m'appelle Pelage de Neige, je suis venue pour t'encourager. Ton heure n'est pas encore venue, ma petite. Reste auprès de Lune Bleue encore un peu. »

C'est ainsi que Petite Écume remarqua qu'elle avait l'air d'être sortie en dehors de son corps. En effet, elle pouvait se voir elle-même, allongée dans la neige, entourée de son frère et sa sœur qui miaulaient faiblement. Sa mère était penchée au-dessus du corps de la jeune chatte et poussait des cris de lamentation qui lui brisèrent le cœur : 

« Petite Écume ! Qu'ai-je fait ? S'il te plaît, réveille-toi ! Juste de l'autre côté de la rivière, tu sera au chaud, en sécurité. Ton père s'occupera de toi, je te le promets. Oh, ma brave, ma minuscule fille... »

  Le chaton releva les yeux vers Pelage de Neige :

« Je veux retourner auprès de ma mère, de Petite Brume et Petit Silex !

— Tu peux y retourner, lui murmura la guerrière-étoile. Tu deviendra une fierté pour les Clans et le bonheur de ton père. Va, maintenant... »

Son père ? Petite Écume ne le connaissait pas. Dans le camp, il y avait toujours eu des rumeurs comme quoi il s'agissait de tel ou tel guerrier du Clan du Tonnerre. L'un d'eux en particulier s'occupait toujours gentiment des petits de Lune Bleue. Mais celle-ci s'était toujours contentée de dire qu'il s'agissait d'un chat exemplaire, un guerrier modèle. Qu'importe, elle allait peut-être enfin savoir ! Elle devait vite retourner auprès de ses proches ! 

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  Le chaton s'approcha de son corps, qui paraissait à présent détendu et non plus aux prises du froid. Elle effleura le bout de sa truffe, et se sentit comme transportée... Puis, elle ouvrit difficilement les yeux. Elle ressentait à nouveau la morsure du froid, et la neige sous ses pattes. Le regard de sa mère s'éclaira et la reine se mit à la lécher plus vigoureusement qu'elle ne l'avait jamais fait. Petite Écume ronronna et se blottit contre elle. Ils pouvaient désormais tous se remettre en route vers la frontière du Clan de la Rivière...

  Quelques mètres plus loin, ils commencèrent à distinguer une silhouette qui semblait les attendre. En se rapprochant encore, Petite Écume réalisa que celle-ci appartenait à un chat : un beau matou musclé au pelage brun clair. Il se présenta aux chatons et discuta quelques minutes avec sa mère. Elle eut juste le temps d'entendre son nom avant de plonger dans le sommeil, épuisée comme elle l'était. La petite femelle avait la certitude que lorsqu'elle se réveillerait, tout cela ne lui semblerait plus être qu'un mauvais rêve. Et peut-être même que le mâle si puissant qui était venu à leur rencontre dans la neige serait à ses côtés. Comment s'appelait-t-il déjà ? Cela lui revenait, bien que difficilement : Cœur de Chêne.