Chapitre 2

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Kaelan Darkwood se réveilla à l'aube, le réveil déchirant le silence paisible de sa chambre. Il resta un moment allongé, les yeux fixés au plafond, ressentant déjà le poids de la journée à venir. Une légère brume de confusion flottait dans son esprit, ses pensées noyées par le verre de whisky de la veille.

Après une douche rapide et un petit-déjeuner pris en silence, il embrassa distraitement sa femme, Clara, et leur fils, Julien, avant de quitter la maison pour se rendre au travail.

Le trajet jusqu'à l'entreprise locale où il travaillait comme comptable était une routine en soi. Les mêmes rues, les mêmes feux de signalisation, les mêmes visages fatigués des autres conducteurs, comme une mélodie répétitive, monotone mais inévitable. Kaelan garait sa voiture sur le parking et se dirigeait vers l'entrée du bâtiment, saluant poliment ses collègues sans réellement prêter attention à leurs réponses.

En entrant dans son bureau, un espace exigu partagé avec trois autres comptables, Kaelan s'assit à son poste de travail. La lumière donnait à la pièce une ambiance froide et impersonnelle. Il alluma son ordinateur et consulta les e-mails de la nuit, un rituel quotidien qui marquait le début de sa monotonie.

La matinée s'écoulait lentement, ponctuée par le cliquetis des claviers et les conversations murmurées de ses collègues. Kaelan se plongeait dans les feuilles de calcul, les bilans et les rapports financiers, son esprit trouvant un semblant de paix dans la précision des chiffres. Mais même cette tranquillité fragile était souvent perturbée.

« Darkwood, dans mon bureau ! »

La voix tonitruante de Mr. Harper retentit soudainement, coupant net la concentration de Kaelan. Son supérieur était un homme corpulent, toujours impeccablement vêtu, avec un air de supériorité qui suintait de chaque pore de sa peau. Harper se délectait de son pouvoir, et Kaelan était l'une de ses cibles favorites.

Kaelan se leva lentement et se dirigea vers le bureau de Mr. Harper, une pièce spacieuse et luxueusement décorée, contrastant avec les bureaux ordinaires des employés. Harper se tenait derrière son bureau en acajou, un sourire méprisant étirant ses lèvres.

« J'ai regardé vos rapports de la semaine dernière, » commença Harper, jetant un dossier sur le bureau devant lui. « Des erreurs partout. Franchement, je me demande si vous êtes même qualifié pour ce poste. » Il se pencha en avant, ses yeux fixant ceux de Kaelan avec une intensité malveillante.

Kaelan serra les poings, luttant pour maintenir son calme.

« Je m'excuse, Mr. Harper. Je vais corriger ces erreurs immédiatement. »

Harper éclata de rire, un rire qui résonnait de manière désagréable dans la pièce.

« Bien sûr que vous allez les corriger, Darkwood. Et faites-le rapidement, sinon je trouverai quelqu'un qui le fera. »

Avec un geste de la main, il indiqua à Kaelan de sortir, comme s'il ne valait même pas la peine de continuer la conversation.

Rongé par la colère et l'humiliation, Kaelan retourna à son bureau, ses collègues évitant soigneusement son regard. Il se remit au travail, corrigeant frénétiquement les erreurs pointées par Harper, même s'il savait qu'elles n'étaient même pas de son fait. Chaque correction était une piqûre de rappel de sa position subalterne, de son incapacité à s'élever au-dessus de cette situation.

La pause déjeuner arriva comme une bénédiction. Kaelan sortit du bâtiment, profitant de l'air frais pour apaiser ses nerfs en pelote. Il s'assit sur un banc dans le parc adjacent, regardant distraitement les enfants jouer et les gens passer. Mais même dans ces moments de répit, les pensées sombres ne le quittaient pas. Le monde autour de lui semblait distordu, comme vu à travers le prisme d'un rêve étrange et lointain, où les couleurs étaient ternes et les ombres plus profondes.

Après le déjeuner, la journée reprenait son cours, chaque heure se fondant dans la suivante sans le moindre éclat. Les chiffres étaient son quotidien, mais ils ne parvenaient plus à le rassurer comme avant. La frustration bouillonnait en lui, alimentée par chaque interaction avec Harper, par chaque regard condescendant de ses collègues.

En fin de journée, Kaelan rassembla ses affaires, éteignit son ordinateur et quitta le bureau. Le trajet de retour à la maison se fit dans un silence assourdissant, ses pensées tournant en boucle autour des mêmes frustrations, des mêmes désirs inavoués. Il voyait les réussites des autres, leurs vies épanouies, et se demandait pourquoi la sienne était si différente. Les néons des panneaux publicitaires clignotaient comme autant de tentations, des promesses de vie meilleure, de liberté, mais toutes semblaient hors de portée.

En rentrant chez lui, Kaelan fut accueilli par la douce chaleur de sa maison, mais même cela ne parvenait plus à apaiser son esprit tourmenté. Il gara sa voiture devant sa maison et resta un moment assis dans l'habitacle, fixant le volant sans vraiment le voir. La lumière dorée du crépuscule illuminait le quartier, projetant des ombres longues et mélancoliques sur les façades des maisons. Il prit une profonde inspiration, cherchant à apaiser la colère qui grondait en lui, puis sortit de la voiture.

En entrant dans la maison, Kaelan fut accueilli par le doux parfum d'un repas en préparation. Clara était dans la cuisine, vêtue de son tailleur élégant. Directrice marketing dans une grande entreprise, elle avait gravi les échelons grâce à son intelligence et à sa détermination. Son succès était une source de fierté pour elle, mais pour Kaelan, c'était une blessure ouverte. Il la regardait, admiratif mais aussi jaloux de ses accomplissements. Clara semblait flotter au-dessus de ses frustrations quotidiennes, évoluant dans un monde où elle avait le contrôle, un monde fait de présentations éclatantes et de réunions brillantes.

« Salut, » dit Clara en souriant, sans lever les yeux de sa casserole. « Comment s'est passée ta journée ? »

Kaelan marmonna une réponse vague, trop fatigué pour dissimuler son mécontentement. Il se dirigea vers le jardin, espérant trouver un moment de calme. Mais là, une autre scène attisa sa colère. Leur fils, Julien, était en admiration devant le voisin, Mr. Anderson, un homme imposant avec une belle voiture de sport rutilante. Anderson riait et discutait avec Julien, l'initiant aux mystères du moteur avec une assurance et une bonhomie qui faisaient défaut à Kaelan.

Julien, les yeux brillants d'admiration, lança à son père :

« Papa, tu as vu la voiture de Mr. Anderson ? Elle est incroyable ! Il m'a même dit qu'il me laisserait faire un tour avec lui un de ces jours ! »

Kaelan sourit faiblement, mais à l'intérieur, la jalousie bouillait. Il voyait en Anderson tout ce qu'il n'était pas : fort, confiant, charismatique. Chaque éclat de rire de son fils, chaque regard admiratif lancé vers le voisin, étaient autant de poignards dans son cœur déjà meurtri par les échecs et les humiliations.

Il monta à l'étage, chaque pas résonnant dans le vide de la maison, et entra dans sa chambre. La pièce, bien que confortablement aménagée, lui semblait désormais étrangère et froide. Il s'assit sur le bord du lit, la tête entre les mains, essayant de maîtriser la tempête de sentiments qui faisait rage en lui. Les murs semblaient se refermer lentement, étouffant ses cris silencieux.

Les souvenirs de sa journée défilaient dans son esprit : les remarques acerbes de Mr. Harper, les sourires condescendants de ses collègues, et enfin, la réussite éclatante de sa femme et l'admiration de son fils pour un autre homme. Ces pensées tourbillonnaient, alimentant une frustration qui ne trouvait aucune issue. Les lumières de la rue filtraient à travers les rideaux, projetant des motifs chaotiques sur les murs, comme des ombres dansantes d'une réalité qu'il ne pouvait plus supporter.

Kaelan se sentait piégé dans sa propre vie, un spectateur impuissant regardant les autres réussir là où lui échouait. Il se leva et se dirigea vers la fenêtre, observant la rue en contrebas. Les lumières des maisons voisines s'allumaient une à une, chaque foyer vibrant d'une vie propre et épanouie. Mais dans l'ombre de sa maison, Kaelan sentait ses rêves et ses espoirs s'étioler.

Devil Like MeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant