Kaelan savait qu'il avait embrassé une destinée sombre, abandonnant toute rédemption possible. Il n'était plus l'homme qu'il avait été, mais une ombre, une entité forgée par la douleur et la vengeance. Il avait troqué son humanité contre le pouvoir, sa bonté contre la cruauté.
Un soir, alors qu'il contemplait la ville depuis le balcon de sa demeure luxueuse, Kaelan réalisa l'étendue de sa transformation. La ville était à ses pieds, illuminée par les lumières des bâtiments et des rues. Mais au lieu de trouver satisfaction dans cette vision, il sentit un vide profond en lui, une absence d'accomplissement véritable. Les visages de Clara et de Julien flottaient encore dans son esprit, des fantômes de son passé qu'il ne pouvait chasser.
Il se tenait là, dans son costume impeccable, taillé sur mesure, le vent frais de la nuit caressant son visage. Le parfum de l'air nocturne, mêlé de pollution et de végétation, remplissait ses narines tandis qu'il contemplait la ville en contrebas. Les gratte-ciels élancés, les avenues illuminées, et les lumières scintillantes des véhicules formaient un spectacle éblouissant, une mer de joaillerie à ses pieds.
Mais pour Kaelan, cette splendeur n'était qu'une toile de fond pour ses pensées sombres. Il se rappelait les rires de Julien, les sourires de Clara, des moments simples et heureux qui semblaient appartenir à une autre vie, une vie qu'il avait arrachée lui-même de ses mains pour devenir L'Ombre.
Il savait qu'il ne pouvait plus revenir en arrière, que son chemin était tracé dans les ténèbres. Kaelan marcha lentement à travers la pièce, ses chaussures en cuir noir impeccablement lustrées résonnant doucement sur le parquet. Il s'arrêta devant une grande cheminée en marbre, où un feu crépitant répandait une chaleur réconfortante. Les flammes dansaient, projetant des ombres mouvantes sur les murs, comme un reflet de son propre cœur tourmenté.
Kaelan se tourna vers un petit meuble à côté de la cheminée, il alluma une lampe en laiton, sa lumière douce éclairant les papiers devant lui. Assis dans son bureau, Kaelan contemplait les rapports de ses dernières victoires. Les noms de ses ennemis barrés d'un trait rouge, signe de leur défaite. Pourtant, une étrange sensation d'incomplétude l'envahissait. La vengeance qu'il avait tant cherchée ne lui apportait plus la satisfaction attendue. En feuilletant les pages, il tomba sur une vieille photo de Clara et Julien. La réalisation le frappa comme un coup de poing : malgré tout son pouvoir, il n'avait pas retrouvé la paix intérieure. La vengeance avait dévoré son âme, laissant un vide immense que même la mort de ses ennemis ne pouvait combler. Costume Blanc l'avait transformé à jamais.
Un jour, lors d'un rendez-vous dans le quartier chic de la ville, Kaelan se retrouva face à Clara et Julien. Les rues étaient animées, bordées de boutiques de luxe et de cafés élégants. Les vitrines scintillaient sous les lumières du soir, reflétant le passage des piétons élégamment vêtus.
Kaelan marchait d'un pas assuré, entouré de ses gardes du corps en costumes sombres. Chaque mouvement était calculé, chaque regard surveillait les alentours avec une vigilance implacable. Alors qu'il passait devant une vitrine de bijouterie, un éclat de rire attira son attention.
Il s'arrêta net, son cœur battant soudainement plus fort. Il aurait reconnu ce rire entre mille. Là, devant la vitrine, se tenaient Clara et Julien, riant et discutant. Clara, toujours aussi élégante, portait une robe chic qui épousait parfaitement ses nouvelles formes. Elle était enceinte... enceinte d'un autre. Kaelan repoussa ses émotions au plus profond de lui-même. Julien, maintenant adolescent, avait grandi, ses traits juvéniles marqués par une assurance nouvelle. Il reconnaissait certains de ses traits en lui, comme ses yeux vifs derrière une paire de lunettes.
Kaelan sentit une vague de nostalgie et de douleur l'envahir. Ses gardes du corps, surpris par son arrêt brusque, se mirent immédiatement en alerte, leurs regards scrutant la foule à la recherche de la menace invisible qui avait arrêté leur patron.
Clara et Julien, attirés par le mouvement soudain, tournèrent la tête et leurs regards croisèrent celui de Kaelan. Il y eut un instant de silence suspendu, un moment où le temps sembla s'arrêter. Clara plissa les yeux, comme si elle voyait une ombre familière, mais les traits durcis et le regard froid de Kaelan étaient ceux d'un étranger.
Julien, ses yeux brillants d'une curiosité mêlée de crainte, regarda l'homme devant lui sans le reconnaître. Il y avait une lueur d'incompréhension dans son regard, comme s'il essayait de se rappeler où il avait déjà vu ce visage.
Pour Kaelan, la douleur fut aiguë, comme une lame glacée transperçant son cœur. La peur et le dégoût qu'il lisait dans leurs yeux étaient un rappel cruel de tout ce qu'il avait perdu. Il réalisa alors, trop tard, que la déchéance l'avait non seulement transformé en monstre, mais qu'elle l'avait aussi privé de toute humanité.
Il fit signe à ses gardes de continuer, détournant le regard et réprimant l'envie de courir vers eux, de leur expliquer, de leur demander pardon. L'Ombre ne pouvait montrer de faiblesse. Il serra les poings, ses ongles s'enfonçant dans ses paumes alors qu'il se forçait à avancer, ses pas lourds de regret et de douleur.
Clara et Julien le regardèrent s'éloigner, une expression de confusion et de malaise sur leurs visages. Ils ne savaient pas qu'ils venaient de croiser Kaelan, l'homme qu'ils avaient autrefois aimé et connu. Pour eux, il n'était plus qu'une silhouette menaçante dans la foule.
Assis au comptoir, Kaelan fixait son verre de whisky, ses pensées tourbillonnant entre son passé et son présent. Le barman lui resservit un verre, emporté par l'histoire.
« Qui était cet homme que vous appelez Costume Blanc ? Il n'avait pas de nom ? »
« Il ne me l'a jamais dit. »
Le barman, intrigué, haussa les sourcils.
« On dirait un fantôme. »
Kaelan sourit, un sourire teinté de tristesse et de compréhension.
« Vous avez raison. Mais je ne pense pas qu'il s'agissait d'un fantôme. »
Le barman observa Kaelan, cherchant à comprendre l'homme derrière les mots. Mais l'Ombre ne laissait plus rien transparaître. Il porta le verre de whisky à ses lèvres, savourant le goût brûlant du liquide, le bruit ambiant du bar, les conversations étouffées, la musique douce en arrière-plan. Il chantonna le nom de la chanson du bout des lèvres.
« Devil... like me... »
VOUS LISEZ
Devil Like Me
Mystery / ThrillerDans un bar à l'ambiance jazz, un homme mystérieux connu partage son histoire avec le barman, révélant une transformation sombre et dévastatrice.