Chapitre 5

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         Après un petit déjeuner aussi copieux que le souper de la veille, nous reprîmes l'ascenseur jusqu'aux sous-sols, ou nous passerions le gros des trois prochains jours. Leur salle d'entraînement était deux fois plus vaste que celle du deux, et pourtant nous entraînions près de cent élèves, pas vingt-quatre. Les autres districts étaient arrivés assez tôt. Certains tremblaient en voyant le profil de Jaffery, Thread ou Hunter. A côté des tributs du trois ou du huit, ils avaient l'air de véritables colosses. Pour ma part je me focalisais sur quelque chose de bien plus intéressant qu'une bande de gamins terrifiés: les armes. Des montagnes de poignards et de couteux aux lames cruellement incurvées, de haches, épieux et épées de toutes formes, des poids de cinquante kilos et des masses hérissées de pointe, des arcs et mêmes des arbalètes, bien que cette arme soit très rarement présente dans une arène. Tout ce qu'un tribut de carrière pouvait possiblement se représenter. Des structures d'escalade et des parcours d'agilité culminaient à trois mètres au dessus du sol. Des salles closes permettaient un entrainement individualisé. On pouvait combattre contre des entraîneurs, des mannequins, et même des hologrammes. De véritables kiosques imitaient des parcelles de forêt. Les ateliers de survivalisme apprenaient aux tributs à faire du feu, chasser, se camoufler, identifier les plantes comestibles et celles dont une simple bouchée vous était mortelle...

Une odeur de viande grillée un peu écœurante attira mon attention. En hauteur, les juges étaient confortablement installés dans de larges fauteuils rouges et festoyaient en nous regardant d'un air intrigué. Seneca Crane, le haut-Juge, occupait la place centrale. C'était un bel homme d'une quarantaine d'années, qui serait responsable du dynamisme des Jeux. Autrement dit, il prendrait la décision de dévaster une partie de l'arène par une tornade ou de provoquer un petit massacre avec un lâcher de mutation génétique si l'envie lui en prenait. Pour cette raison, il était sans doute la personne qui m'effrayait le plus pour l'arène. Un ennemi que je ne pouvais combattre. Une épée de Damoclès constante.

Une femme à la peau noire, jeune et athlétique, Atala, nous rappela brièvement les règles. Pas de combats entre tributs. le déjeuner se passait à la cafétéria avec l'ensemble des tributs. Et surtout, l'enjeu final: la note, entre 1 et 12, que nous attribuerait le jury lors de l'évaluation finale. Dès qu'Atala nous laissa débuter, le district un partit vers le stand des épieux. Hunter M'entraîna et je regardais le reste des tributs, indécis, se balancer maladroitement d'un pied sur l'autre d'un air gêné. Évidemment, ils n'avaient pas l'habitude de ce genre d'endroit.

-Dès qu'on sera avec le un, on ne pourra plus se séparer de la journée. Pour que les Juges considèrent notre alliance. il est important que ça ait l'air solide. Y a t-il quelque chose que tu veux essayer d'abord?

-On devrait se séparer. Pour observer les autres. on leur flanquera la frousse plus tard.

Jaffery luttait à mains nues contre un entraîneur, déjà essoufflé par les assauts du géant. La fille du douze, Ivy, grattait des morceaux de bois dont se dégageaient une mince fumée. la petite Odinah, recroquevillée derrière un mannequin, avait ramené ses genoux contre elle. De temps en temps ses petits yeux scrutaient la salle d'un regard perçant.

Je m'installais dans la file d'attente pour le lancer de couteau, déjà bien rempli. A côté, la fille du quatre, recouverte de son abondante chevelure, tordait des racines pour former de petits hameçons. Le résultat était plutôt convaincant.

Quand vint mon tour, je lançais mon set de six couteaux dans des mannequins. Les plus proches étaient à cinq mètres, les plus loin à vingt. Chaque lame frappait sa cible avec précision, sans efforts. Avec le temps, lancer était devenu aussi naturel que respirer. Quand je reculais, le tribut derrière moi s'écarta légèrement. je lui cédais ma place en essayant de na pas le terroriser. Mais à ce moment là il y eut comme un bruit de grenouille écrasée. Tout le centre se retourna vers le ring ou des Pacificateurs se précipitaient. Jaffery venait de sauter à pieds joints sur le ventre de son entraîneur.

Leven Dehlilah : les 85èmes Hunger GamesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant