Chapitre 18

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Désormais tous collés aux fenêtres, ils observaient la scène en silence, sans un mouvement. Comme paralysés. L'armée qui se dressait devant eux faisait froid dans le dos. Le frère du roi avait réussi l'exploit de créer la plus grande armée inter espèce jamais connue. Des monstres en tout genre - dragons, hydres, trolls, Morker, et tellement d'autres encore - hurlaient à la lumière de la nuit, n'en pouvant plus d'attendre.

Ils n'avaient pas bougé d'un cil depuis la frappe de la barrière. Ils attendaient quelque chose. Après des minutes qui semblèrent durer des heures, Aysia réussit enfin à détacher son regard de ce qu'elle voyait comme son pire cauchemar. Elle sortit de sa chambre d'un pas lourd et rejoignit ses coéquipiers dans la suite d'à côté. Eux aussi se trouvaient dans le même état qu'elle.

Lorsqu'ils remarquèrent enfin sa présence, les trois hommes se retournèrent de concert pour faire face à la jeune fille. L'émotion qui transparaissait dans les yeux des deux guerriers pourtant si calmes d'habitude faillit la faire perdre pied. Elle qui les voyait comme invincible. Elle se retrouvait désormais face aux faiblesses de chacun et ne savait pas vraiment comment s'y prendre. Il fallait qu'elle reste forte. Elle s'approcha de la fenêtre et rejoignit ses compagnons. Son regard croisa alors celui d'Angoon. Une peur profonde l'avait envahi et il tremblait de tous ses membres. Aysia hésita un moment avant de glisser sa main dans celle de son ami et la serra fort pour lui transmettre tout son courage. Ils se tournèrent en simultané vers l'extérieur comme attiré par une curiosité implacable.

Les soldats s'activaient sur les remparts. Mais ils avaient beau être formé personne n'était prêt à ce genre d'attaque. Aysia fut alors elle aussi prise d'un élan de panique. Elle n'était pas à la hauteur face à ce genre d'ennemi. Elle ne s'y était d'ailleurs jamais préparée. Le royaume tout entier allait se faire massacrer ainsi que tout l'espoir qui y restait. Nous allons échouer. Ces mots résonnèrent dans l'esprit de tous comme un électrochoc les paralysant de terreur. Même de vaillants guerriers comme Edmun et Tsaarik ne pouvaient affronter une telle armée.

Toutes leurs illusions d'une vie meilleure tombaient à l'eau. Le monde qu'ils connaissaient ne serait plus jamais comme avant. Pourtant Aysia venait d'en faire la découverte. Tous ces moments partagés lui avait fait découvrir tant de chose qu'elle ne soupçonnait même pas. Mais tout allait s'effondrer. La vie ne faisait décidemment pas de cadeau. Elle en avait déjà fait plusieurs fois l'expérience. Cependant cette fois-ci l'obstacle semblait insurmontable.

A ce moment même, un valet fit irruption dans la pièce. Il semblait à bout de souffle et les traits de son visage étaient tirés par la panique.

- Le roi désire vous voir ! réussit-il à articuler entre deux respirations. De toute urgence !

Ses mots semblèrent sortir les quatre compagnons de leur torpeur. Ils se regardèrent tour à tour comme s'ils sortaient d'un mauvais rêve, puis d'un signe de tête entendu emboîtèrent le pas au valet. L'homme leur fit traverser des dédales de couloir à toute allure. Mais comment faisait-il pour se repérer dans un tel endroit ? Cette fois-ci ils ne prirent pas le temps d'admirer les décorations qui ornaient les murs.

Finalement ils se retrouvèrent face à l'immense porte qui donnait sur la pièce dans laquelle ils avaient eu leur entretien avec le roi quelques heures plus tôt. Le valet l'ouvrit avec une délicatesse inattendue et les invita à entrer. Le roi se tenait debout, droit comme un I, face aux immenses baies vitrées. Les mains croisées dans le dos il semblait extrêmement soucieux.

Les nouveaux venus s'approchèrent de quelques pas mais le roi ne cilla pas. Son regard semblait fixer un point précis. Aysia se posta à ses côtés et suivit la direction qu'il fixait. Elle mit un moment à remarquer et dut plisser les yeux pour le voir. En effet, un homme se tenait à la tête de l'armée, droit et fier sur son cheval il semblait regarder dans leur direction et affichait un sourire narquois que même la distance qui les séparaient ne parvenait à masquer. La jeune fille n'eût pas besoin de mots pour comprendre de qui il s'agissait. C'était Golrick. Le frère du roi qu'il avait condamné à l'exil il y a près de vingt ans. Il était bel et bien de retour, et plus puissant que jamais.

- Alors il y est parvenu, murmura le roi d'une voix d'outre-tombe.

Ces mots qui décrivaient pourtant parfaitement la réalité furent l'effet d'un coup de poignard à Aysia qui sentit ses derniers espoirs s'envoler.

- J'aurai dû le condamner à la forêt des morts dès le début, je n'ai fait que le rendre plus puissant, se reprocha le roi.

- Ce n'est en rien votre faute, intervint Edmun jusque-là un peu à l'écart. Vous avez choisi d'épargner votre frère, c'est tout à fait normal, n'importe qui aurait fait pareil à votre place. Les décisions qu'a prises votre frère ne sont pas le vôtres, vous n'avez pas à payer pour cela.

Les propos du guerrier étaient durs mais vrai. Le roi le savait, il n'y était pour rien, cependant la culpabilité continuait de le ronger. Ses décisions passées avaient tout de même influencé les évènements d'aujourd'hui et laisserait une marque indélébile.

Après avoir pris une grande inspiration, le roi se tourna lentement vers eux et observa un à un chacun des aventuriers. Ils étaient forts et courageux, leur détermination semblait inébranlable. Pourtant, ce soir, une large fissure semblait les avoir affectés laissant paraître au grand jour les faiblesses qu'ils s'efforçaient de cacher.

- Nous avons cependant encore une chance, commença-t-il en relevant la tête. Nous avons renforcé la sécurité du donjon d'où nos plus puissants mages s'affairent à garder la barrière magique en place. Personne n'a le droit d'entrer ni de sortir. Et même si Golrick parvenait à déjouer toute la sécurité, nous ne cèderons pas sans combattre. Toute nos forces armées sont réunies ici, en ces murs et sont prêtes à combattre jusqu'à la mort au nom d'Iselgarde. Mais en attendant, vous devez partir, il faut que vous continuiez votre quête, elle est primordiale pour la victoire du royaume. Les gemmes ne doivent en aucun cas tomber entre les mains de Golrick. Et rappelez-vous, il a besoin des trois pierres réunies pour pouvoir les utiliser, faites en sorte que cela n'arrive pas.

Le roi avait parlé avec tant de ferveur et d'enthousiasme qu'il réussit à redonner un peu de leur espoir aux aventuriers. Ils n'étaient de toute façon pas prêts à abandonner. Ils acquiescèrent pas des signes de têtes solennels.

- Je ne voudrais surtout pas briser l'ambiance, loin de moi cette idée... Mais comment comptez-vous sortir d'ici sans se faire écrabouiller par une armée de monstres sanguinaires ? s'écria Angoon au désespoir de ses compagnons.

- Il doit y avoir un passage secret, gros bêta ! répondit Aysia en lui assenant un coup de coude amical.

Le dirigeant sourit largement devant les deux adolescents et s'empressa de répondre.

- Il existe bel et bien un réseau de tunnels souterrains qui permet de sortir du palais en toute discrétion, il vous mènera plus au sud, en sécurité, ainsi vous pourrez continuer votre quête. Aloïssa connaît ces souterrains dans leurs moindres détails, elle fera une guide parfaite.

La jeune femme soutint les propos du roi d'un signe de tête, elle semblait prête à tout pour protéger son royaume. Toute sa vie elle n'avait rêvé que de ce moment où elle pourrait rendre à sa patrie la dette qu'elle avait envers elle.

C'est à ce moment que les quatre compagnons se rendirent réellement compte des vêtements que portait le roi. Il revêtait une armure de combat, elle brillait de mille feux. Elle n'avait pas dû servir énormément. La guerre n'avait plus fait rage en Iselgarde depuis des décennies. C'était probablement sa première fois au combat.

- Vous... vous allez vous battre ? demanda Aysia qui imaginait déjà le champ de bataille violent et meurtrier.

Le dirigeant baissa les yeux, visiblement aussi angoissé que la jeune fille.

- Partez maintenant, avant qu'il ne soit trop tard, dit-il gravement. Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour défendre Iselgarde.

- Bonne chance, lancèrent les aventuriers avec la même mine défaite.

Aloïssa les invita à la suivre et ils sortirent de la pièce d'un pas lourd. Ils ne pouvaient plus faire marche arrière.

la légende des pierres sacrificiellesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant