Chapitre 4

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— Et pointé et piqué.

La voix de Madame Petrova résonnait dans la vaste salle de danse, autoritaire mais moins terrifiante que celle de ma mère. Les murs étaient tapissés de miroirs reflétant chaque mouvement, et le sol en bois poli craquait légèrement sous nos pas.

— Non, non, Elena, dit-elle en s'approchant de moi, ses yeux perçants fixés sur mes pieds.

Madame Petrova, une femme d'une cinquantaine d'années, toujours impeccablement coiffée, portait un chignon serré et une tenue de danse noire qui épousait parfaitement ses formes athlétiques. Elle s'approcha de moi avec la grâce d'une panthère, ses yeux clairs et perçants ne me quittant pas des yeux.

Elle saisit violemment ma jambe et la tendit au maximum, ignorant ma grimace de douleur. La future crampe se faisait déjà sentir. Une fois satisfaite de l'étirement de ma jambe, elle s'attaqua à mon dos, le faisant craquer sans ménagement. Elle tapota ensuite mon ventre pour me signaler de le gainer, une habitude qui m'irritait profondément.

La salle de danse, spacieuse et lumineuse, était parée de barres en bois le long des murs, et une grande horloge ancienne y indiquait l'heure. Mes propres vêtements, un justaucorps rose pâle et un collant blanc, me serraient inconfortablement.

J'avais horreur de la danse classique. Je souffrais trop à chaque séance, une torture que j'endurais depuis mon enfance lors de mes cours particuliers avec Madame Petrova.

— Elena, faites un effort. Ce sont des pas que mes toutes petites danseuses maîtrisent déjà, dit-elle sur un ton de sermon.

— Super, en même temps elles n'ont pas une mère comme la mienne, murmurai-je, inaudible.

— Tu as dit quelque chose ? demanda ma professeure de danse en me regardant droit dans les yeux.

Je secouai la tête négativement, signalant un refus de répondre. Si seulement j'avais eu le courage de dire à ma mère que je voulais arrêter à mes quinze ans. Peut-être serais-je encore ici, mais au moins, j'aurais eu le cran de m'opposer et de la défier.

Madame Petrova me relâcha finalement, me jetant un regard perçant avant de se redresser.

— Reprends depuis le début, ordonna-t-elle d'un ton sévère.

Je repris ma position, m'efforçant de masquer la douleur et la frustration qui bouillonnaient en moi. La musique reprit, remplissant la salle d'une mélodie douce mais implacable, et je recommençai à danser, chaque mouvement un effort douloureux pour satisfaire les exigences de ma mère et de ma professeure.

L'entraînement se poursuivit ainsi, interminable, chaque correction de Madame Petrova étant une nouvelle épreuve à endurer. Le temps sembla s'étirer à l'infini, chaque minute pesant lourdement sur mes épaules.

Finalement, la séance prit fin. Je me courbai en une révérence rigide, les muscles endoloris et l'esprit épuisé.

— Tu peux partir, Elena, dit Madame Petrova. N'oublie pas de pratiquer chez toi.

— Oui, Madame Petrova, répondis-je d'une voix lasse.

Je sortis de la salle de danse, la lumière du jour m'aveuglant un instant. Chaque pas loin de cette salle me semblait une libération, mais je savais que ce n'était qu'une trêve temporaire. Les attentes et les exigences de ma mère ne disparaîtraient jamais vraiment, et je devais trouver la force de continuer à jouer ce rôle imposé.

Après avoir quitté la salle de danse, je retournai à la maison, un immense manoir aux murs de pierre recouverts de lierre, reflétant une grandeur austère et imposante. En franchissant la porte d'entrée massive en chêne, je fus accueillie par le silence oppressant des lieux. Les vastes couloirs ornés de tableaux de famille semblaient murmurer les attentes et les pressions qui pesaient sur moi.

MARQUISAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant