CHAPITRE 1

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11 SEPTEMBRE 1988

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-          Un jour, j’aurai une fille et elle s’appellera Joséphine ! s’exclama Betty d’un ton convictionnel.

D’un mouvement du pied, Charlie fit pivoter sa chaise et se retourna vers elle, en levant ses grands yeux bleus au ciel.

-          Et si tu as un garçon, il s’appellera Emett… c’est compris ! Maintenant, donne-moi le mascara que tu tiens en otage depuis une demi-heure !

Elle tendit la main dans l’attente du fameux mascara. Son sourcil gauche levé et l’air mauvais qui flottaient sur son visage pâle, montraient son fort agacement vis-à-vis du comportement enfantin de son amie.

-          Allez Betty !

-          Viens le chercher toi-même ! Je suis trop faible pour bouger.

Betty n’était pourtant pas du genre mou ou inactif. Mais aujourd’hui, plus que jamais, elle se sentait amorphe et totalement dénuée d’énergie. Charlie se levait d’un bond, avant de lui arracher l’objet des mains et de se rasseoir à sa coiffeuse.

-          Tu es lourde, Betty…

Comme si elle lisait dans ses pensées, elle ajoutait d’un air compatissant.

-          Les rentrées, ça n’a jamais été ton truc. Pas vrai ?

« Quelle perspicacité ! » pensa son amie. Pour toute réponse, elle se laissa tomber sur le grand lit à baldaquins et recouvrit son visage d’un oreiller, qu’elle entoura de ses bras frêles.

Elles entraient toutes les deux en neuvième année.

Si Charlie avait attendu ce moment tout l’été, cette perspective n’enchantait pas particulièrement Betty. Elle ne s’était jamais sentie à sa place à l’école, et cela, quel que soit le domaine. Elle adorait pourtant écrire, et était passionnée de littérature. Mais elle avait beau se donner toutes les peines du monde, la sensation que cela ne serait jamais suffisant, envahissait constamment son esprit.

Elle repensait aux vacances, qui avaient été incroyables. Aux après-midi à faire du skateboard près du sentier et aux soirées passées à siroter des smoothies, sur les banquettes rouges du seul dîner de la ville. Tous ces moments semblaient à présent bien loin derrière elle.

-          L’été me manque… dit-elle songeuse à Charlie, qui se maquillait toujours

-          L’été n’est pas terminé… mais je crois comprendre ce que tu ressens.

C’était un mensonge bien-sûr. Elle ne comprenait pas ; personne ne pouvait comprendre ce qu’il se passait dans la tête de Betty à cet instant précis.

-          Allez, essaie de voir le côté positif des choses et souris un peu, ajouta-t-elle

Comme si elle avait vu un fantôme, Betty se redressait immédiatement, outrée.

-          Tu viens vraiment de dire « le côté positif des choses », je n’ai pas mal entendu ?

-          Qui sait, tu vas peut-être rencontrer un sosie de Christopher Atkins, tu vas te marier avec et vous aurez beaucoup d’enfants ! - s’exclama Charlie en se levant

Elle n’avait pas mentionné Christopher Atkins par hasard, au contraire. La simple évocation de ce nom suffit à arracher un sourire à celle qui se rêvait secrètement en Emmeline Lestrange.

-          On t’a déjà dit que tu avais un don pour remonter le moral à autrui ?

-          Tout le temps ! Maintenant debout, nous allons être en retard !

LE RAYON VERTOù les histoires vivent. Découvrez maintenant