CHAPITRE 53

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Tout est dur, sombre et mort. Le spectacle qui se passait devant les yeux de notre héroïne n'était que catastrophe et désolation. Le ciel était bas, et la brume épaisse, qui tourbillonnait en un cri déchirant, pesait sur les étendues des débris et de poussière. Le soleil couchant semble également s'effacer, arraché par un désespoir frappant.

Avançant en faisant abstraction du rayon souffreteux qui parcourait tristement la cité urbaine perdue, Nina crut entendre un écho. S'éveillant non loin d'elle, sa curiosité l'emporta sur la raison. Ce son, semblable à une chanson, laissait entendre une morne plainte.

Foulant le sol blanchit par un amas poussière, elle empressa ses pas, guidée par la peur de l'immensité d'un ciel austère et froid. D'un œil inquiet, elle regardait rapidement ses alentours, comme on pourrait attendre la nuit qui ne viendra jamais.

Perçant les courants de poussières qui s'élevaient jusqu'à la voûte céleste, Nina fronça les sourcils lorsqu'elle vit un arbre silencieux s'imposer au centre des gravats. Atteignant les 500 mètres de hauteur, la jeune femme finit par baisser sa tête impressionnée.

Elle ne connaissait aucun arbre capable d'atteindre cette taille. Et à en juger par son diamètre et ses racines profondément ancrée, l'arbre devait être au moins âgé de cinq à six mille ans ; si ce n'était pas plus... 

Tout en observant ce mastodonte, Nina fut frappée par quelques détails. Même si l'arbre est totalement dépourvu de feuille, il ne semblait pas mort puisque de la mousse verdoyante poussait sur ses énormes racines. De plus, on pouvait repérer sur deux ou trois de ses branches, de jolis bourgeons dorés.

En s'approchant un peu plus de l'arbre, elle poussa un hoquet de choc lorsqu'elle vit des symboles similaires aux Runes tracées sur le sol de la salle où elle avait discuté avec Azraël.

« Mais qu'est-ce que ? » murmure-t-elle.

Intriguée, elle monta tant bien que mal sur l'une des racines basses de l'arbre et approcha sa tête pour mieux distinguer les Runes. Seulement, à peine avait-elle posé son pied sur le bois dense que des rires sinistres percèrent les chants de la brise froide.

Légèrement paniquée, Nina se figea et observa frénétiquement autour d'elle.

« Qui est là ?! » crie-t-elle.

Tombant sur le sol les mains en avant, elle perdit l'équilibre lorsqu'elle sentit une masse la poussée par derrière. Criant de peur, elle essaya de puiser de la force mais ne parvint finalement pas à utiliser ses pouvoirs.

Affolée, elle se réfugia en plaquant son dos contre l'une des racines de l'arbre et observa attentivement les alentours.

« Nous savons ce que tu cherches » dit une voix rauque et cassée.

« Oui ce que tu cherches... » dit une autre voix plus douce et rieuse.

Fermant les yeux pour tenter de calmer les battements de son cœur, Nina respira doucement, tout en essayant de se concentrer sur les paroles des voix mystérieuses.

« Devant l'Éternité tu n'es qu'une jeune pousse. Mais fait attention !... » la voix glaciale fit frissonner son corps.

« Oui attention !... » murmura une troisième voix tout aussi sinistre que les deux autres.

« Si tu ignores les sanglots de la terre, du ciel et des ténèbres, tu mourras, ô tu mourras telle la vie éteinte des rayons couchants des astres solaires... »

Apeurée par ces révélations étranges et mystérieuses, Nina finit par sortir de sa cachette et sursauta lorsque trois silhouettes se tinrent à côté d'elle. Malheureusement pour elle, la brume épaisse l'empêchait de distinguer l'apparence exacte des silhouettes. La seule chose dont elle était certaine était la caractéristique féminine des trois voix.

Un petit rire fit écho dans les courants glacés, et Nina ne sut pas si son frisson était dû au froid ou à l'aspect sinistre de ce rire.

« Au dehors, la paix et le silence sont profonds. Mais de loin en loin, des lys étranges germent dans vos âmes. Un printemps farouche s'annonce, et les miroirs des esprits sont témoins des drames qui tapissent dans l'ombre. Le mal se joue du větö. Cependant, les rois de la balance ne sont pas impliqués. Près de toi, tes bienfaits sont souvent oubliés. Ta morsure est pourtant moins cruelle que l'ingratitude d'une flamme esseulée. Vois ce que tu engendres et engendreras, si tes actions sont guidées par la froideur de la haine ou la chaleur de l'amour »

Au fur et à mesure de leurs paroles, les silhouettes s'effacèrent pour ne laisser place qu'à un brouillard épais et à une brise fraîche. Peinant à regarder l'extrême affliction du paysage, elle finit par détourner les yeux, peinée.

Elle se sentit de nouveau seule, plongée dans ce décor dévasté et en ruine. Encore confuse, elle se tourna à nouveau vers l'arbre et plaça sa main sur les Runes qui semblaient gravées dans les veines du bois.

Tout en pensant à sa famille, elle sourit, le cœur emplit d'amour. Elle ne devait pas se laisser aller au chagrin. Et en cet instant, elle ferma les yeux pour faire le vide et ne penser qu'à des choses positives. 

Sans qu'elle ne puisse le voir, les Runes se mirent à briller d'une lumière dorée aveuglante. Déroutée face à ces rayons lumineux, elle plaça sa main droite sur ses yeux et détourna le regard. Puis, quand la lumière fut moins intense, son souffle se coupa lorsqu'elle observa les alentours.

Autrefois ravagée, la cité reprit vie en un instant. Les immeubles et les maisons étaient de nouveau sur pied, et la nature en accord avec la vie urbaine, resplendissait de bonheur. Heureuse de voir ce magnifique spectacle, Nina sentit que ses forces l'abandonnaient. Épuisée, elle s'allongea sur la mousse fraîche de l'arbre qui s'accordait parfaitement avec l'air chaleureux de ce nouveau ciel printanier.

Las, elle ferma doucement les paupières. Puis, lorsque sa vision devint flou de sommeil, et que ses sens l'abandonnèrent, elle crut entendre un chant mélodieux avant de tomber dans les bras de Morpheus.

« Partout mille âmes se réveillent. Mille oiseaux croisent dans le ciel. Chantent sans fin leur symphonie. Mais la nuée les engloutit... » *

*NDA : Extrait du poème Avril et la mort de Guillaume de Lacoste Lareymondie (2020).

Âme-soeur de sa Majesté [Tome1] _ Le Lycaon et l'agneauOù les histoires vivent. Découvrez maintenant