Chapitre 1

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Le soleil se levait doucement, projetant une lumière dorée à travers les rideaux de la cuisine. Cléa s'assit à  table, ses yeux encore lourds de sommeil. Lou, sa mère, s'affairait déjà, préparant le petit déjeuner avec une énergie qui contrastait avec la torpeur matinale de Cléa. La table était garnie de croissants, de confiture, de fruits frais et de céréales, une véritable corne d'abondance matinale.

Cléa saisit une pomme et un croissant, espérant profiter de ce moment de calme avant que sa journée ne commence réellement. Mais Lou n'était pas du genre à laisser passer une occasion de faire des remarques.
"Tu devrais vraiment faire attention à ce que tu manges, Cléa,crachat Lou d'un ton qui se voulait doux mais qui laissait transparaître une critique sous-jacente.
Cléa mordit dans sa pomme, tentant d'ignorer la remarque.

"Je sais, maman."
"Non, je ne pense pas que tu comprennes vraiment," poursuivit sa mère en versant du café dans une tasse. "Tu as pris du poids ces derniers temps. Ce n'est pas bon pour ta santé."
Cléa sentit un nœud se former dans son estomac. Elle n'avait pas envie de discuter de son poids ce matin, ni d'aucun autre matin d'ailleurs.

"Je vais bien, maman. Je fais de l'exercice et je mange équilibré."
Lou haussa les sourcils, sceptique.
"Manger équilibré ne signifie pas se goinfrer de croissants tous les matins. Tu devrais opter pour des fruits ou des yaourts nature."

Cléa prit une grande inspiration, tentant de garder son calme.
"Un croissant de temps en temps ne va pas me tuer."

"Non, mais ce n'est pas qu'une question de croissant. C'est une question de mode de vie. Tu devrais vraiment te concentrer sur ta santé, et cela commence par ton alimentation."
Cléa posa son croissant, soudainement dégoûtée. Elle avait toujours été en lutte avec son image corporelle, et les remarques constantes de sa mère n'aidaient en rien.
"Je fais de mon mieux, maman."
"Faire de ton mieux n'est pas suffisant si tu ne vois pas de résultats, répliqua-t-elle, tranchante. Tu dois être plus disciplinée. Regarde-toi dans un miroir et demande-toi si tu es vraiment satisfaite de ce que tu vois."
Ces mots frappèrent Cléa comme un coup de poing. Elle baissa les yeux, évitant le regard perçant de sa mère.
"Pourquoi est-ce que tu me dis tout ça ?" demanda-t-elle, la voix tremblante.
"Parce que je t'aime et que je veux le meilleur pour toi," répondit Lou, adoucissant légèrement son ton. "Mais parfois, il faut être honnête pour aider les gens à s'améliorer."
Cléa se leva brusquement, la chaise raclant le sol.
"Je n'ai pas besoin de tes remarques pour m'améliorer. J'ai besoin de ton soutien."
Lou la regarda, déconcertée.
"Je te soutiens, Cléa. C'est pour ça que je te dis tout ça."
"Non, tu me critiques. Constamment. Et ça me fait mal, lâcha la jeune fille, les larmes commençant à remplir ses yeux. "Tu ne vois pas à quel point tes mots me blessent."
Lou soupira, exaspérée.
"Tu es trop sensible, Cléa. La vie est dure. Si tu ne peux pas supporter un peu de critique constructive, comment vas-tu affronter le monde réel ?"
Les larmes coulaient maintenant librement sur les joues de Cléa.
"Je veux juste être acceptée pour ce que je suis, pas constamment poussée à être quelqu'un d'autre."
Lou resta silencieuse un moment, comme si elle cherchait les mots justes. Mais au lieu de réconfort, ses paroles furent comme du sel sur une plaie ouverte.

"Accepter ce que tu es ne signifie pas renoncer à devenir meilleure. Pense à ta santé, à ton avenir."
C'était la goutte d'eau. Cléa se précipita hors de la cuisine, montant les escaliers deux par deux. Elle se jeta sur son lit, sanglotant, le visage enfoui dans l'oreiller. La porte de sa chambre claqua derrière elle, coupant court à toute tentative de réconciliation.

Lou resta en bas, perturbée mais incapable de comprendre pleinement l'impact de ses mots. Pour elle, ses remarques étaient motivées par l'amour et le souci du bien-être de sa fille. Pour Cléa, elles étaient une source constante de douleur et d'insécurité.

Plus tard dans la soirée vers 22h00
Dans sa chambre, Cléa se laissa aller à ses larmes, chaque sanglot la rapprochant d'une prise de conscience douloureuse : ce qu'elle désirait plus que tout, c'était l'acceptation et l'amour inconditionnel de sa mère. Mais au lieu de cela, elle se sentait jugée et insuffisante. Elle finit par s'endormir, épuisée, espérant que le lendemain serait différent, même si elle doutait que cela soit possible.

La lumière du matin se fit plus intense, inondant la chambre de Cléa. Mais dans son cœur, il n'y avait que l'ombre des remarques acerbes de sa mère, pesant lourdement sur son esprit déjà fragile.

Dans la chambre, Cléa se redressa lentement, ses yeux rouges et gonflés. Elle regarda autour d'elle, son univers personnel, son refuge. Les murs étaient tapissés de photos et de dessins, des souvenirs de moments heureux, des éclats de sa personnalité qu'elle chérissait. Pourtant, même ici, elle ne se sentait pas totalement à l'abri des jugements de sa mère.

Elle se dirigea vers le miroir accroché à la porte de son placard. Son reflet la renvoyait une image familière mais désespérément imparfaite à ses yeux. Elle caressa du bout des doigts les contours de son visage, cherchant à y trouver une trace d'acceptation. La balance dans un coin de la pièce semblait la narguer, un rappel constant des attentes de sa mère.

Cléa se laissa tomber sur son lit, ses pensées tourbillonnant dans sa tête. Elle se souvenait des nombreuses fois où elle avait essayé de suivre les conseils de sa mère, de se plier à ses exigences en matière de régime et d'exercice. Mais chaque tentative se finisaitpar un sentiment d'échec et une frustration grandissante. Elle se demandait pourquoi il était si difficile pour Lou de simplement l'aimer telle qu'elle était.

Lou, de son côté, nettoyait machinalement la table, son esprit ailleurs. Elle se remémore ses propres luttes avec le poids et l'apparence. Les critiques qu'elle avait subies dans sa jeunesse, les efforts incessants pour correspondre à une certaine image. Elle voulait épargner à Cléa ces souffrances, mais elle réalisait de plus en plus qu'elle risquait de reproduire le même schéma douloureux.

Un bruit léger se fit entendre à l'étage, sortant Lou de ses pensées. Elle hésita un instant, puis monta les escaliers. Arrivée devant la porte de Cléa, elle frappa doucement.
"Cléa, puis-je entrer ?"

Aucune réponse. Lou tenta d'ouvrir la porte, mais elle était verrouillée.
"Cléa, s'il te plaît, je veux juste parler."
De l'autre côté, Cléa se redressa, essuyant ses larmes.
"Va-t'en, maman. Je ne veux pas te parler."

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