Il pleut à flot. L'orage arrive. Les habitants du village sont tous réfugiés dans leurs habitations. La nuit commence à tomber sur les maisonnettes de pierre et les commerces sous les arcades. Le premier éclair surgit, déchirant le ciel. Deux soldats se jettent hâtivement dans la taverne et en ressortent assez vite, un homme entre les mains.
Son front ruisselle de pluie. Ses yeux bruns ambrés sont perdus dans la brume. Il respire fort, la bouche ouverte. Ses moustaches, élégamment recourbées, et sa longue barbe descendant jusque dans son cou font perler gouttes à gouttes la pluie. Il porte un large capuchon et un chapeau de pèlerin est accroché à sa ceinture de cuir. Sa tunique tombe sur ses cuisses et ses larges bas le rendent un peu bouffis. Son portrait se termine par des chaussures plates en cuir dont la pointe rebique légèrement.
Les soldats le guident à travers les habitations, essayant de s'abriter de l'orage le plus possible. Au détour de la forge, un homme à forte carrure et aux cheveux longs liés dans un chignon les observe passer avec inquiétude.
Après avoir traversé un dernier pâté de maisonnettes, ils s'engouffrent tous les trois dans un tunnel faiblement éclairé par des torches déjà noires de cendre et presque totalement calcinées. Ils prennent le sombre tunnel jusqu'au bout, vers une lumière légèrement plus forte que celles du tunnel.
Ils débouchent alors dans une luxueuse salle de réception avec de nombreuses dorures. Le haut plafond de plusieurs mètres de haut est ornementé de moulures à l'esthétique gothique. De grandes colonnes de marbre soutiennent ce merveilleux plafond enluminé. Dans le fond de cette grande salle semblant être une galerie se trouve un majestueux trône.
Debout, dressé devant ce trône d'or et d'argent, se tient un jeune homme d'une vingtaine d'années. Il a pris le pouvoir peu après le décès de son père. Le Gouverneur est un jeune homme au teint rosé et aux cheveux d'un roux flamboyant. Ils sont attachés en de courtes tresses barbares et s'accordent parfaitement avec le rouge vermillon de sa cape honorifique de velours et d'hermines.
De grandes et longues tables ont été dressées pour accueillir un fastueux banquet. Les mets les plus goûteux apparaissent sous les yeux du prisonnier et le vin coule à flot. De grands rires las résonnent dans la pièce.
Voyant ses soldats arriver, il fait cesser tout agissement de la fête.
Pourquoi vient-on interrompre ma glorieuse réception ? clame Le Gouverneur d'un ton grave.
Voici l'homme que vous nous avez fait chercher Sire.
C'est le Troubadour. Seulement, nous l'avons trouvé caché à la taverne.
Le regard du Gouverneur se pose alors sur le prisonnier. Le regard du prisonnier semble scruter chaque partie du visage de son interlocuteur.
Mettez-le aux geôles, c'est là qu'est sa place, et là seul. Vous ne l'en sortez que lorsque je vous l'indiquerai.
Sans plus de mots, les deux soldats traînent l'homme alors en furie vers un autre tunnel bien plus sombre. Arrivés au point le plus sombre du tunnel, ils descendent un escalier, toujours dans les cris de rage du prisonnier.
En bas de l'escalier se présente un long couloir. Des portes en barreaux de fer couvre les murs du tunnel à intervalle régulier. Au centre du tunnel, un grand puits de lumière donne directement sur la lune. Les gardes ouvrent l'une des grilles et précipitent le détenu dans la pénombre de la cellule. Puis ils s'en vont, fermant la cellule derrière eux.
Super, je vais crever de faim sans musique dans une vieille cellule qui pue la mort !
Le prisonnier, encore déboussolé, s'avance dans le fond de la cellule. Ici, aucun clair de lune n'apparaît pour permettre la visibilité. Mais une flamme timide semble briller. Le prisonnier aux longues moustaches découvre alors deux autres prisonniers, blottis l'un contre l'autre.
La première est une jeune femme au fine courbes et aux yeux à la fois sombre et lumineux, comme deux galaxie d'or. L'autre est un homme légèrement plus grand que sa camarade, des yeux verts bleu perçant et des épaules bien dessinées. Leurs cheveux sont semblables : de longues tresses de cheveux qui donnent l'impression d'un cheveu très épais.
Le nouvel arrivant s'incline humblement en se présentant :
Mon nom est Mathieu. Mais je suis souvent nommé Le Troubadour par notre Gouverneur. Je sais que j'ai été enfermé pour avoir prodigué ma musique au monde.
Je suis Sabrina, explique la jeune femme, se levant. J'ai moi aussi été enfermée pour ma musique.
L'homme s'étant ci présenté saisit la main tendue de la jeune femme et se baisse pour poser un humble baisemain sur le dos de celle ci, qu'il libère ensuite. Mathieu se tourne ensuite vers l'ombre du camarade de la belle jeune femme.
Je me fais appeler Killian, dit-il. Je suis un peu comme le frère de Sabrina. Et on avait un duo ensemble, donc on a été enfermés ensemble en même temps.
Il sourit doucement à leur nouveau camarade et, d'un geste de la main, l'invite à venir auprès de la lueur du feu avec eux. Ils s'assoient en silence autour des petits branchages enflammés.
Un homme à l'allure d'une grande cigogne passe devant la cellule. Éclairé par le rayon de lune, son armure de plaque d'acier recouvrant son torse reluit. Ses yeux de la couleur de la terre séchée sont partiellement cachés par sa chevelure de la couleur des plumes du plus foncé des corbeaux. À travers les barreaux, il observe le trio, les entendant discuter. "Musique"... Ce mot résonne en lui comme une douce mélodie. Il a toujours voulu exercer cette noble profession. Mais le sort en a décidé autrement lorsqu'il a été choisi pour faire partie de la garde du Gouverneur.
Je vous libérerai tous les trois, annonce dans son cœur le jeune soldat.
Comme l'ayant entendu, Mathieu s'approche de la grille de la cellule. Ils se trouvent tous les deux nez-à-nez. Une flamme nouvelle vient de jaillir dans le cœur du soldat-cigogne. Il plante son regard dans celui de Mathieu.
Tu veux mon cul l'emplumé à me regarder comme ça ? le défie Mathieu
Le soldat affiche alors un regard déterminé et regarde autour de lui, s'assurant que personne ne le surprendra.
Fais moi jouer et vous serez libres, annonce t-il à demi-voix.
C'est comme si tu avais déjà les instruments dans les mains.
Étonnés par ce silence mélodieux, Killian et Sabrina approchent à leur tour, venant encadrer Mathieu. L'homme-cigogne tire lentement les barreaux pour ne pas les faire grincer. Les trois prisonniers sortent à la hâte. Ils suivent le soldat dans un petit dédale qui les fait déboucher dans le tunnel par lequel était entré Mathieu. Une fois retournés côté village, le soldat se présente enfin tout en les guidant à travers les maisonnettes.
Je m'appelle Nicolas. Oubliez mon rôle de soldat, je démissionne. J'ai toujours voulu être musicien.
Ça me va ! lance Mathieu.
Nicolas en tête, ils se dirigent vers une maisonnette éloignée, du côté de la forge et de l'atelier de menuiserie. Il leur ouvre la porte de la maison et les invite à entrer.
Soyez ici chez vous mes amis ! annonce Nicolas.
Il leur fait visiter la maison : la cuisine et l'espace de vie dans une pièce au rez-de-chaussée, la salle d'eau également, les WC à l'arrière de la maison et les chambres au sous-sol. Il y en a trois. Nicolas a déjà la sienne, Sabrina et Killian ont une chambre pour eux et Mathieu prend la dernière.
Je sens qu'on va être bien ici, pense-t-il tout haut.
En effet, pour le moment ils sont en sécurité. Mais que se passera t-il quand les soldats verront leur fuite ? Et la désertion de Nicolas ? Pour se changer les idées, il monte préparer à manger pour tout ce petit monde, après avoir demandé l'autorisation de Nicolas bien entendu. Sa première proposition sera une soupe de poireaux et de potirons, de quoi éveiller les papilles de chacun.
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La Maisnie Hellequin - Fanfiction
Fiksi PenggemarRetournons aux origines fantastiques de ce superbe groupe de musique