Chapitre 4 : Stuart Blank

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Une nouvelle étape de mon enquête me tend les bras. Aujourd'hui, levé à 6.00h du matin, je me prépare à aller rendre visite au seul homme qui pourrait m'éclairer sur les assassins que je recherche. La vengeance n'est pas si loin, je la sens. Je sors de l'appartement, en veillant à ne pas réveiller Emy, et me dirige, via une voiture louée par InterSpy garée devant chez moi, vers le domicile de Stuart Blank. Sur le chemin, je me repasse différents scénarios en tête. Comment vais-je bien pouvoir accoster cet homme ? D'autant plus que d'après son passé douteux, il doit être autant sur ses gardes qu'un chien de chasse.

J'arrive finalement en face de la demeure de mon hôte, me gare, sors de la voiture, prêt à sortir le grand jeu ! Après avoir cogité durant de longues minutes sur le meilleur plan d'attaque à adopter, j'ai finalement opté pour une approche plus simple, mais sincère. Je suis un espion, c'est vrai, mais honnêtement, je ne serai jamais aussi convaincant qu'en étant moi-même : un homme détruit par la haine qui ne cherche qu'à se venger. En partageant mon témoignage avec Stuart Blank, j'espère bien lui faire comprendre mes intentions. Cette rencontre sera un véritable coup de poker. S'il s'avère que cet homme a été trahi par ses alliés, et qu'il nourrit un dégoût pour ceux qui l'ont envoyé en prison, je pourrai plus facilement obtenir des informations de sa part. Dans le cas contraire, je me retrouverai dans une situation périlleuse. Mais je n'ai pas le choix, je dois tenter le tout pour le tout !

Je m'avance vers le domicile de Stuart Blank, une petite maison délabrée, blanche et craquelée de tous les côtés. Je frappe à sa porte, la boule au ventre, et attends une réponse. De l'autre côté de celle-ci, je peux entendre un homme crier, d'une voix cassée, ressemblant à celle d'un grand amateur de canette de bière, : "C'est qui encore ?! Fichez le camp, je vous ai dit que je ne vous dirai rien ! Je suis libre maintenant, vous n'aurez plus rien de moi !". Quel accueil... Mais je ne m'attendais pas à moins, vu la situation. Je ne perds pas espoir et rebondis, : "Stuart Blank, est-ce bien vous ? On m'a dit que vous pourriez me renseigner par rapport à une affaire concernant des membres humains volés". L'homme répond, : "Eh bah, on t'a mal renseigné mec ! Je ne sais rien du tout ! Dégage de mon porche !". Pas facile à amadouer ce Stuart Blank, mais je dois réessayer, coûte que coûte, : "Je n'ose pas imaginer à quel point cela doit être décevant de se faire trahir par ceux qu'on considérait comme nos alliés. Inutile de le nier Stuart, je sais que votre passage en prison n'était pas dû à l'efficacité de la police ! On vous a planté un couteau dans le dos !". En réaction à ces paroles, j'entends des pas lourds et énervés se rapprocher de la porte d'entrée. Lorsque soudain, l'homme de l'autre côté fini par m'ouvrir, avec une brutalité qui doit sans doute cacher un grand désespoir, : "Qu'est-ce que tu me veux toi, à la fin ? Pourquoi t'es venu jusque chez moi ? Pour m'enfoncer encore plus que je ne le suis déjà ?". Je rétorque, : "C'est sûrement difficile à croire, mais j'ai besoin de vous, comme vous avez besoin de moi. Je sais que vous êtes lié à ces affaires de trafic de membres humains, j'ai lu votre dossier. Mais je vous rassure, je suis loin d'être un pourri de la police. Je suis juste un homme rongé par sa haine, en quête de vengeance". Ainsi, je finis par lui dévoiler les fameux événements qui ont changé ma vie à tout jamais. Du bain de sang au désespoir qui en a découlé, je me suis livré à cet homme que je ne connais même pas. C'est ma seule opportunité d'avancer dans mes recherches. Stuart Blank est la prochaine pièce du puzzle !

Après m'être exposé, comme unique recours, à cet homme, il finit par soupirer, : "Dans la période sombre dans laquelle je vis, rencontrer un petit gars aussi honnête, ça me fait tout bizarre. T'as peut-être pas tort dans ce que tu dis, je pense que ça vaut au moins la peine que je te donne ce que je pourrai te donner. T'as gagné, t'as réussi à me convaincre. Puis de toute façon, au point où j'en suis, si je peux faire quoi que ce soit pour mettre ces pourris dans la merde, je le ferai sans hésiter !". Il m'invite à rentrer chez lui, et nous nous asseyons sur les chaises de sa vieille cuisine qui n'en a plus trop l'apparence. Il commence alors à m'expliquer son passé, : "Tu sais gamin, j'étais en galère, dans une galère que tu n'oserais même pas imaginer. On dit qu'on a toujours le choix, mais c'est des conneries. J'ai trouvé ce petit job qui payait très bien. J'ai commencé en bas de l'échelle, je m'occupais du sale boulot que les grands patrons laissaient aux sous-fifres. Si je dois être entièrement honnête avec toi, je dois aussi t'avouer que j'en ai démembré des centaines de gens. À force, tu sais, on ne se souvient même plus de leur visage. Les petits détails qui hantent nos nuits, qui nous empêchent de trouver le sommeil, finissent par devenir la norme. J'ai donc monté dans cette organisation de salaud jusqu'au "doigt"". Je l'interrompt, : "Jusqu'au doigt ? Comment ça, qu'est ce que vous voulez dire ?". Il enchaîne, : "Ça paraît étrange hein ? Pourtant, quand on y regarde de plus près, ça n'a rien de plus logique. Quand je parle de "doigt", je fais référence à un grade bien particulier dans la pyramide qui compose KnifeKnight, l'organisation chargée de fournir des biens d'exception aux riches collectionneurs du marché noir. Les doigts sont aux nombres de dix, repartis en deux secteurs, chacun d'entre eux étant relié à une des deux mains de l'entreprise. Logiquement, donc, ces deux mains sont reliés aux yeux, via des intermédiaires dont personne ne connaît le nombre. Et enfin, derrière l'élément le plus haut de cette pyramide infernale se cache le cerveau, le grand chef, celui dont on ne connaît pas le nom, celui qui peut éliminer n'importe quel semblable en une fraction de seconde. Le danger que représente KnifeKnight est immense, mais malgré tout, les autorités n'en n'ont même pas conscience. C'est fou, c'est irréel ! Et moi, je me suis laissé emporter dans cette folie. Ils avaient besoin d'un gars à qui faire porter le chapeau. Plusieurs homicides ont été commis, avec, pour chacun, son lot d'erreur. Très vite, les flics ont commencé à remonter petit à petit vers l'organisation. Elle ne pouvait pas se permettre de se faire démasquer, un business comme celui-là ce garde en sécurité. J'ai donc été piégé, comme un débutant, afin de faire taire tous les soupçons sur un potentiel trafic de masse. Ces crimes n'étaient que le résultat d'une folie meurtrière d'un tueur en série. Voilà dans quel rôle ces enfoirés m'ont mis. Tu sais combien de temps je suis resté dans cette cellule ? 30 ans, fils, 30 longues années... Ils m'ont pris ma vie, et c'est pour ça que je te demande de me venger, moi aussi. Je n'arrive pas à l'expliquer, mais il y a un truc en toi qui me fait dire que tu serais capable de faire payer ses pourritures pour leur crime. Va au port de Valzia, c'est là que tu trouveras...". Stuart Blank n'eut pas le temps de finir sa phrase, tué sur le coup par une balle filant à toute allure, et traversant son crâne en une fraction de seconde. Qu'est-ce qui vient de se passer ?! Je suis dans une impasse, un sniper vient d'abattre l'homme à qui je parlais. Il faut que je me sorte de là au plus vite !

Loin de chez moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant