Chapitre 7 : Liés par la souffrance

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Je suis en train de vivre une soirée de folie. Moi qui avais accepté d'y venir juste pour faire plaisir à Emy, je ne suis pas déçu. Seulement, Véronica n'a pas l'air de se plaire autant que ma jeune colocataire blonde et moi-même. En larmes, à l'autre bout de la pièce, elle semble avoir besoin d'aide. Je sais très bien que je prends le risque de me faire immédiatement stopper, étant donné toute l'amitié que Véronica éprouve pour moi... Mais je ne peux pas la laisser toute seule, je ne sais que trop bien à quel point la solitude peut être insupportable.

Je marche vers elle, tout en réfléchissant à ce que je pourrai bien lui dire. Je vais me faire remballé, c'est sûr ! J'ai intérêt à trouver une approche convaincante. Surtout qu'elle ne me porte pas dans son cœur. Mais la jeune fille que je vois là-bas n'a pas le même visage que celle que j'ai rencontré à l'appartement. J'arrive à proximité de ma colocataire aux cheveux noirs, tout en déposant ma main avec un mélange d'incertitude et de volonté de la rassurer, : "Tout va bien, Véronica ?". Finalement, je n'ai pas réussi à trouver mieux. Rien de plus banal, mais d'après la réaction de la principale intéressée, il n'en fallait pas plus que ça. Elle me répond, séchant ses larmes, la goutte au nez, : "Qu'est-ce que tu fais là toi ? Laisse-moi toute seule. J'ai pas besoin qu'on vienne me réconforter. De toute façon, personne ne peut comprendre ce que je vis, même Emy...". J'avoue qu'elle me fait de la peine. J'ai beau être retissant quant à son comportement avec moi depuis que l'on se connaît, je ne peux pas résister aux larmes d'une jeune femme, peu importe la façon dont elle me parle. Je sens que je peux peut-être la réconforter, malgré nos différences. Je tente ma chance, : "Tu as raison, je ne sais pas ce que tu ressens, et je ne pourrai jamais le savoir. Mais je peux sans doute écouter ce que tu as à dire, et faire tout mon possible pour être une oreille attentive sur laquelle tu peux te reposer. Je sais que tu ne me portes pas dans ton cœur, mais ça, ça m'est bien égal. Et si je n'ai pas la prétention d'avoir les mots justes pour t'aider, je peux au moins te montrer que tu n'es pas seule dans tes tourments". Une fois de plus, comme si cela devenait une habitude, je me livre de nouveau à une personne que je connais à peine, à propos de ce que j'ai vécu par le passé. Seulement, cette fois, mon objectif n'est pas de faire avancer mon enquête. Seulement de faire tout pour réconforter une jeune fille qui pourrait peut-être devenir une amie.

Une fois toute l'horreur que j'ai pu vivre racontée, une fois toute l'histoire dévoilée, je marque un temps d'arrêt, faisant tout mon possible pour ne pas craquer. C'est vrai après tout, je suis là pour aider Véronica, pas pour me donner en spectacle. Mais sa réaction m'émeut malgré tout. Comme si j'avais devant moi une nouvelle personne, elle me tape dans l'épaule, et pousse un léger soupire, : "Ben tu vois, je pense que je me suis trompée sur ton compte. C'est vrai que tu ne peux pas ressentir ce que je ressens en ce moment, mais c'est pareil dans l'autre sens. Pour être honnête, pour moi, ça ne faisait aucun doute que tu étais un gosse de riche, sans soucis à se faire dans la vie. Je pensais que tu n'avais rien vécu, mais je me suis plantée sur toute la ligne. J'ai du mal avec les gens en général, je pense que ce n'est pas difficile à constater. Mais toi, tu es monté dans mon estime".

Alors que je ne pensais pas que cela puisse arriver un jour, Véronica m'adresse directement la parole. Et en plus, pour faire son mea-culpa. Inimaginable, mais assez touchant. Malgré le fait qu'elle ne soit pas à l'aise avec les autres, elle s'est ouverte à moi. Je m'apprête à m'exprimer à mon tour, lorsqu'elle m'interrompt, : "Par contre, ne va pas trop vite hein. Ça ne veut pas dire qu'on va devenir les meilleurs amis du monde. Mais c'est un bon début". Elle me tend son poing, comme un premier pas vers une nouvelle amitié, comme si nous étions liés par les souffrances passées nous ayant rendu plus forts. Je tends mon poing à mon tour, et nous nous checkons, en nous regardant bien droit dans les yeux, un sourire très léger aux lèvres, comme pour montrer mutuellement notre respect. Véronica enchaîne, : "Tu sais, ça m'a touchée ton histoire. À ta place, je ne pense pas que j'aurai pu me relever comme tu l'as fait. Tu avais raison dans ce que tu disais, je me sens moins seule maintenant. Tu t'es livré à moi, et franchement, ça fait du bien de voir qu'il y a encore des gens entiers dans ce monde de plus en plus pourri. Je respecte les gens comme toi qui décident de ne pas se laisser piétiner par les horreurs qu'ils ont pu vivre. Et si tu as eu le courage de me parler comme tu l'as fait, je veux te rendre la pareille".

Nous nous levons, et commençons à marcher dans l'immense jardin de la villa. Et c'est sous les cris des étudiants déchaînés, et des pulsations des enceintes, que Véronica me raconte son passé peu ordinaire, : "Si je me renferme à ce point, et si je déteste les gens, ce n'est pas pour rien, tu dois t'en douter. Ils n'en valent pas la peine, ils ne méritent pas que je fasse le moindre effort pour eux. Quand j'en avais besoin, quand j'étais seule avec mon petit frère, personne n'a bougé son cul pour venir nous aider. On a dû se démerder, même si je ne mangeais pas toujours à ma faim, même si j'aurais voulu pouvoir m'acheter de nouveaux vêtements, le bonheur de Paul passait avant tout le reste. On n'avait pas le choix, la seule famille qui nous restait, c'était nous deux. Après cette journée, rien n'a plus été pareil. Le jour où nos parents ont disparu, sans laisser aucune trace. Je ne compte plus le nombre de fois où l'on m'a dit de me faire une raison, qu'ils nous avaient abandonné, et que je devais l'accepter. Mais je n'ai jamais pu y croire, je les connaît mieux que personne, ils n'auraient jamais fait ça à leurs enfants ! Les gens me dégoûtent, au lieu de t'aider à aller de l'avant et à t'en sortir, ils te poussent dans le fond du trou et te jettent de la terre pour que tu ne puisses pas en sortir. C'est une image, mais ça ne reste pas loin de la vérité. Je donnerai tout ce qui me reste pour savoir ce qu'il s'est passé ! Mais c'est peine perdue, la seule lueur d'espoir que j'avais n'a mené à rien du tout. J'ai même été trouver la police pour les persuader d'ouvrir une enquête sur cette piste infime que je détenais. Mais rien, absolument rien. Ce gars en costume, qui avait l'air bizarre, il avait complimenté ma mère sur ses yeux, et mon père sur ses mains puissantes. C'est vrai qu'ils étaient si beaux les yeux de Maman, d'un rouge écarlate comme on en voit très rarement. Et aux côtés de Papa, quand il me tenait la main, je me sentais invincible. Ce sont ces particularités qui ont spécialement attirées le regard de cet homme étrange. Puis le lendemain, alors qu'ils sortaient manger au restaurant, mes parents ne sont jamais revenus à la maison. Aucun témoin, aucune trace d'enlèvement, rien qui ne pourrait nous guider sur la raison de cette disparition. Sauf cet homme. Je ne me souviens plus exactement d'à quoi il ressemblait. Les seuls détails qui restent gravés dans ma mémoire : son tatouage dans la nuque, montrant un couteau enroulé d'une rose épineuse, avec un œil au centre de la lame, et sa fonction. Il s'était présenté comme étant un agent de la société de transport de marchandise PolExport. Mais évidemment, ces quelques informations n'ont pas suffi à éclaircir une piste vers la cause de l'enlèvement de mes parents. J'ai été obligée de renoncer. Je n'avais pas assez d'éléments pour trouver une réponse". Je m'arrête d'un coup sec, bouche bée. C'est impossible... Ça ne peut pas être vrai... Je dois me tromper ! Des yeux spéciaux, des mains hors du commun, un tatouage faisant référence à un œil. Voilà une nouvelle pièce du puzzle qui vient de s'ajouter devant moi. Seulement, la situation n'est pas aussi facile. Dois-je annoncer à Véronica que la disparition de ses parents est liée à une organisation criminelle inconnue des renseignements ? Et surtout, si je décide de lui dire, comment le faire ? Je pensais que nos passés nous liaient, mais à ce point, je n'aurais jamais pu l'imaginer...

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⏰ Dernière mise à jour : Jul 10 ⏰

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