Chapitre 5 et Fin.

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Ce n'était pas de coutume que l'empereur Kurokawa ne se soucie du confort de ses sujets. Les voir périr au sommet de son trône ne lui faisait ni chaud ni froid. À vrai dire, le pouvoir, c'était plutôt tiède et réconfortant.
Le pouvoir faisait tourner des têtes, mais peu de personnes seraient réellement capables d'endosser ses contraintes. Braver le rejet de ses semblables, la solitude. Il était plus facile de monter sur un trône tout en sachant que personne ne nous attendait en bas. À vrai dire, Izana, malgré son caractère repoussoir, sait qu'il n'était pas dans ce cas de figure. Cela va même plus loin : au fond de lui, il est conscient qu’il ne sera jamais empereur. Déjà, il était plutôt réaliste, alors au risque de se voir sur les bancs de pôle emploi comme son grand frère, il ne se projetait pas vraiment. La deuxième raison était un peu plus honteuse car,  même si c’était rare qu’il le montre au grand jour, Izana se souciait toujours de son entourage. Il se montrait seulement très maladroit dans l'expression de ses sentiments. Sans parler de sa mauvaise foi à toute épreuve qui l’empêchait de conserver certaines amitiés.

Cette phrase d’introduction est donc partiellement fausse. Izana se souciait de ses proches, toujours. Les actes ne suivaient juste pas toujours.

Kaku stressait. Il ne restait plus que deux minutes avant la sonnerie et il pourrait partir déjeuner. Malheureusement, l’heure avant le repas était toujours compliquée pour lui. Il ne savait jamais comment se comporter seul, assis dans le coin d'une table à 6. Il n’avait pas vraiment peur de manger seul, mais il avait toujours cette impression qu’on le jugeait et cela le mettait plutôt mal à l’aise.

Il leva la tête de son cahier de maths pour déchiffrer l’horloge, en constatant qu’elle n’était même pas à l’heure, il voulut soupirer. Mais à peine il exhala l’air que le son infernal de la sonnerie se fit entendre.

Il rangea ses affaires avec douceur, comme s’il faisait le moins de bruit possible.

Lorsqu’il passa le pas de la porte, en dernier,  le garçon eut la peur de sa vie. Quelqu’un venait de lui agripper le bras violemment, le forçant à se retourner. Brièvement, les conseils d’Izana fusèrent dans son esprit - il devait se montrer digne, ferme même ! - mais son instinct de survie prit le dessus : il se confondit en excuse honteusement.

Le garçon qui l’avait abordé le regardait faire, ennuyé au possible. Au bout d’un moment, il eut marre de voir cette grosse victime de Kakucho paniquer à cause de sa faiblesse palpable. Alors il prit la parole d’un voix monotone :

— Tiens, il tendit le bras en sa direction, paume ouverte. C’est de la part D’Izan– De l’empereur Kurokawa excuse-moi.

Le messager de fortune parut hésiter, il fixa les alentours puis, la terreur passa sur son visage. Il reprit en sortant un petit papier de sa poche qu'il lut, transpirant et balbutiant :

— Ô noble Kaku, je suis ici en simple intermédiaire car vous avez l'incommensurable honneur d’être convié à la cérémonie de couronnement de l’empereur. Cette invitation a été spécialement confectionnée par le génie et l'adresse de notre vénéré empereur car vous êtes un invité de marque.

Et il lui remit l'enveloppe en mains propres avant de s’enfuir sans demander son reste.

C’était une enveloppe normale, celle dans lesquelles on reçoit le courrier important mais pas assez. Celles en lot de 50, à trois euros au supermarché. Il y avait écrit, en minuscule “pour Kaku” à l’endroit de l’expéditeur et “De la part du vénéré Izana, ton ami.” à l’endroit du destinataire, en lettres majuscules.

Kakucho connaissait parfaitement l’écriture d’Izana. Cette manière de surélever les t et d’amaigrir les e, il l’avait reconnu en parcourant les lignes du récit d’Izana. C’était l’écriture de Ran. Son ventre se noua. Un invité de marque ? On se payait sa tête en plus…

Ran-des-neiges ou La galette du roi [Ranzana]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant