Ran-des-neiges ou La galette du roi [Ranzana]

Chapitre 3

Les paupières encore tourmentées par le sommeil, Kakucho Hitto se hissa de ses draps et, attendit assis sur son matelas, que le temps passe, las.
Las de la vie, las du bonheur, las de la tristesse…
En fait, il avait activé son mode déprime pour faire barrage au choc dû à la reprise des cours après les vacances de Noël.
Kaku était un jeune garçon brun, il avait onze ans et il était en classe de sixième.
Son ami le plus proche mais aussi le plus compliqué le forçait à faire pousser ses cheveux. "Pour qu'il attire de la meuf dès son plus jeune âge", disait-il. Cependant, oups, le petit Kaku avait déjà un amoureux secret.  C'était son copain le plus proche, ce Izana, justement. Mais ce dernier était en classe de troisième et dans quelques mois il allait partir au lycée avec son enfoiré de petit ami.

D'un naturel calme, un peu timide, et réservé, le brun n'avait pas d'ami et ses camarades de classe avaient peur de lui car il semblait différent. Peur qui se transformait malheureusement en harcèlement, en isolement du petit brun.
Tandis que Izana lui disait de chérir cette différence et de cracher à la gueule de tous ceux qui oserait parler de son physique, de son caractère, de sa personne de manière péjorative, Kakucho lui, ne voulait blesser personne, et surtout, il ne voulait pas être méchant. Après, il se sentait coupable.
Il se souvenait encore en maternelle quand il avait refusé à une fille de lui passer la petite trottinette et du sentiment infâme de culpabilité qui l'avait envahi. Il en ressentait encore un pincement au cœur.
Il n'était plus jamais monté sur ces trottinettes en maternelle.

Sa maman l'appela à travers la maison pour le réveiller, elle pensait sûrement qu'il n'avait pas entendu son réveil.
Mais son appel fut une bonne chose. Cela le sortit temporairement de ses pensées.

Au collège, il était tout seul la plupart du temps. Il y avait seulement un autre gamin de son âge qui lui parlait parfois à la récré ou en permanence  lorsque Izana et sa bande d'amis n'étaient pas là. Oui, car l'isolement que subissait Kakucho était fortement souligné par le fait que les mecs – des troisièmes qui plus est – les plus flippants de l'établissement traînaient avec lui dès qu'ils le pouvaient.
Kaku soupçonnait même Izana de faire accroître délibérément la terreur autour de son nom auprès des sixièmes pour les dissuader de lui faire du mal d'une quelconque manière. Bien sûr, c'était l'effet inverse. Kakucho souffrait de la solitude, d'être rejeté par les gens de son âge, de ses semblables presque. Izana ne remarquait rien, car il associait bizarrement la solitude au pouvoir et au respect.

Et puis son amour impossible n'arrangeait rien. Toujours à s'afficher avec Ran, ce Izana de merde. Tout le bahut était au courant pour leur couple et une multitude de rumeurs circulaient. Izana adorait lui raconter les derniers ragots qu'il avait entendu à son sujet, comme si lorsque les gens parlaient de lui le rendait encore plus vivant. C'était étonnant. Si un tiers des rumeurs circulant sur Izana étaient à son sujet, Kaku arrêterait sûrement l'école.

Kakucho s'observa brièvement dans le miroir de la cuisine, son regard s'arrêta sur un nouveau bouton sur son visage. Pré-adolescence de merde. Il cacha un peu sa cicatrice de ses cheveux qu'Izana le forçait à laisser pousser et sortit.
Lui qui pensait ne pas avoir faim. Dès qu'il posa un pied sur le sol, son ventre gargouilla. Mais il l'ignora.

Ses jambes courtes le faisaient marcher machinalement.
Il se trouvait petit, moche et bête.
Izana lui disait qu'il était en pleine croissance, qu'il allait sûrement le dépasser vu comme sa mère était grande, qu'il avait une bouille a graille, et qu'il était vraiment le dernier des imbéciles pour penser ne pas être intelligent. Il finissait souvent sur une question ouverte comme "D'ailleurs nous pouvons nous questionner sur la signification de l'intelligence… " Izana se sentait tellement intelligent et le petit sixième le regardait toujours comme la réincarnation de Socrate.