Chapitre 1: Mira. •

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J'avais six ans. Six ans et déjà l'envie d'en finir avec la vie. Aujourd'hui, je fêtais mon dix-huitième anniversaire. J'étais prête, ma femme de chambre me coiffait les cheveux en une longue tresse. Ma robe blanche enfilée, j'avais l'air d'une déesse, celle dont tout le monde rêvait d'avoir. Moi, je rêvais d'être quelqu'un d'autre, de ne plus plaire qu'à moi-même, et quiconque qui m'acceptera pour qui je suis. Mais moi, je ne pouvais pas. Je devais être la princesse que tout le monde appréciait. Même si je ne m'appréciais pas, loin de là, pour dire la vérité. On toqua soudain à la porte, me sortant de mes pensées.
- Princesse Mira? Tout est prêt, on vous attend.
- On arrive! dit ma femme de chambre.
Elle s'éloigna de moi et se dirigea vers la porte. Je sortis à sa suite, les deux femmes me guidèrent vers la salle de banquet. C'était le soir, et mes parents, le Roi et la Reine Angéliques, m'avaient organisé, comme chaque année, une réception royale. Mes ailes étaient sagement rentrées. Je me laissais porter par la musique, saluant chaque invité présent.
- Joyeux anniversaire! me soufflaient-ils. Vos cheveux sont magnifiques!
- Merci! je m'exclamais. J'adore votre tenue!
Je levais les yeux intérieurement en rigolant poliment. Qu'ils étaient cons.
- Voici Bartholomée! me dit une femme d'âge mûr.
- Bonjour! le saluai-je en lui faisant signe de la main.
Si seulement ils savaient que les mâles me dégoûtaient... Ces derniers ne me regarderaient pas ainsi, comme si je n'étais bonne qu'à être baisée et utilisée pour mon titre. J'aime les femelles, bande de connards sans cœur! Pas besoin d'une bite pour être heureuse, moi. Je frissonnai à cette seule pensée. Je secouai la tête, répondant négativement à une question. Mon petit frère apparut soudain, me prenant par le bras et me tirant vers nos parents.
- Pas de folie ce soir, Mira, on est là pour fêter ton anniversaire, pas pour te trouver un roi!
- Rabas-joie! riai-je en le remerciant silencieusement.
Notre père engagea une embrasse, je me crispai en me forçant à sourire.
- Joyeux anniversaire, ma chérie!
- Merci papa! dis-je en tentant de m'écarter de lui.
Ma mère aussi me prit dans ses bras, je lui rendis son étreinte.
- Joyeux anniversaire, mon cœur. dit ma mère avec un petit sourire fatigué, mais affectueux.
Elle était malade, et étaient tout de même parvenue à venir pour célébrer mon anniversaire.
- Dix-huit ans, ma fille!
Je lui souris.
- Ton père et moi sommes très fiers.
- Merci, ça me touche beaucoup.
- Merci à toi, Mira. dit le roi.
Je frissonnai. Va te faire enculer!
- Qu'est-ce qu'on disait, tout à l'heure, mon amour? demanda ma mère.
- On voulait te parler de quelque chose, Mira. Nous avons pris la décision de te marier, cette année! Comme ça tu ne seras pas seule à monter sur le trône, dans deux ans, et tu connaîtra déjà ton mari!
J'écarquillai les yeux, mon cœur s'affolant. Non, non, pas maintenant! J'avais encore deux ans, merde! Mais au moins, lui ne me passera plus dessus...
- On va faire l'annonce ce soir! dit Zogan, excité comme une puce.
Je forçai un sourire.
- C'est génial!
Mon regard croisai celui du roi le temps d'une seconde. Une seconde qui me fit frissonner, glaçant mon sang dans mes veines. Aujourd'hui, c'était samedi. Et il savait qu'aujourd'hui, il ne pourrait pas me faire subir sa présence. Même si au fond, il allait toujours être présent. Je me détournai, le cœur tambourinant dans ma poitrine.
- Mira, ça va?
- Oui! souriai-je. Tout va bien. Je suis heureuse d'apprendre cette nouvelle, mais aussi très nerveuse à l'idée de rencontrer mon futur mari!
- Ne t'inquiète pas, on a pensé à tout, ce sera le meilleur mari pour toi!
- Merci maman.
Mon père s'avança et fit tinter sa cuillère contre son verre de cristal bleu. La salle se tut brusquement. Tous les visages des invités étaient tournés vers nous, la famille royale Angélique. Je détestais ce sentiment. Non. Je le haïssais.
- Mesdames et Messieurs! Comme vous le savez tous, aujourd'hui est un jour très spécial pour notre fille Mira! Elle, qui vient d'avoir dix-huit ans, va aussi se voir attribuer un mari!
Une salve d'applaudissements s'éleva, célébrant mon prochain mariage. Mon souffle se fit court, mon cœur se mit à battre la chamade et mes mains tremblaient.
- Respire. murmura ma mère dans mon oreille pointue. Tout va bien se passer.
J'hochai doucement la tête. Je n'avais pas hâte.
- Ce soir! continua notre père. Le nom du prétendant sera révélé! Lui-même ne sait pas qu'il a été choisi comme futur roi!
Je forçai ma respiration à se calmer et je réussis à dissimuler les tremblements de mes mains, mais je ne sus stopper les palpitations de mon cœur tandis qu'une salve d'applaudissements faisait écho aux tressaillements accablés dans ma poitrine. Mon père, malgré son appréciation des applaudissements, y mit fin bien vite.
- Ce choix a été longuement discuté, avec ma Reine. Mais nous avons fini par nous arrêter sur un nom. Celui de Eden de la maison Curran-Katz. Notre fille, Mira, prendra le nom de cette maison lors du mariage.
Un jeune mâle s'avança, le corps trahissant sa timidité, le visage affichant un air sûr de soi. Mais je voyais bien qu'il n'avait aucune envie d'avoir tous ces yeux rivés sur lui. Et moi non plus. Mon père l'invita à se mettre près de moi, ce qu'il fit. Il me sourit légèrement en passant devant moi. Je ne fis que planter mes yeux noirs dans ses pupilles, gardant un air neutre. Ma mère me lança un petit regard. Je soupirai intérieurement. Je savais ce que j'avais à faire. Je plantai un sourire sur mon visage, entrelaçai mes doigts avec ceux de ce Eden dont je n'avais jamais entendu parler, et levai nos deux mains. Surpris, il suivit le mouvement sans problème. Cela signifiait que j'acceptais notre union. Et je me détestais d'obéir aussi aveuglément aux désirs de mes parents. Mais avais-je le choix? Pas tant que ça, au final. Je pourrais les tuer, mais leurs morts ne m'apporteraient rien de plus qu'un deuil inutile, et un petit frère et un royaume sur les épaules. Mon père leva son verre d'alcool.
- Aux futurs Roi et Reine du Royaume Angélique!
L'assemblée répéta ces mots dans une cacophonie qui ne me laissa indifférente. La fête s'ensuivit, mais je ne pus lâcher la main de mon futur mari. Je me devais de retourner dans la foule avec lui pour recevoir les compliments et félicitations de tous ces riches. Puis, vint le temps de manger. La grande table était réservée à la royauté et sa famille. Eden ne mangea donc pas avec nous. Je pus enfin me débarrasser de lui, ne serait-ce que pour quelques heures.
- Vous allez passer quelques jours et nuits ensemble, pour faire connaissance! avait dit ma mère avec enthousiasme.
Le repas s'était passé dans la joie et la bonne humeur, jusqu'à ce qu'on invita les invités à partir. Tous partirent, mais Eden resta avec nous. Évidemment.

✢✢✢

Nous étions assis sur mon lit, à l'opposé l'un de l'autre, mon regard planté sur lui. La chambre était plongée dans l'obscurité, tamisée par quatre bougies. Leurs flammes dansaient doucement, déformant l'ombre de nos visages. Il n'osait lever les yeux. Je ne pouvais arrêter de le fixer. Je ne pouvais arrêter de le détester.
- Tu sais parler? demandai-je soudainement.
Il leva la tête, ses yeux rencontrant enfin les miens. Il avait des yeux de couleur miel. Je tentai un sourire, qui s'évanouit bien vite, laissant le silence s'installer à nouveau.
- Oui. dit-il. Bon anniversaire, je ne te l'ai pas encore souhaité.
J'hochai la tête doucement. Il ne prenait même plus la peine de cacher son air timide.
- Merci. Tu parles pas beaucoup.
- Je n'ai rien à dire.
- T'as raison, sauf que tu vas faire partie de la famille, donc faut qu'on parle.
- Alors parle... Je n'ai rien à dire.
- Bon. Moi c'est Mira.
- Je sa...
- Ta gueule, j'essaye d'être sympa.
Il soupira en baissant la tête, avant de la relever.
- D'accord. Je m'appelle Eden.
Je penchai la tête légèrement sur le côté, intriguée malgré ma répugnance pour lui.
- D'ailleurs, ce n'est pas nom fille ça?
Il haussa les épaules.
- J'en sais rien. Mais c'est mon nom.
- T'aime quoi dans la vie?
- Heu... Toi d'abord.
- Pff t'es pas drôle. J'aime bien lire.
- Ah, moi aussi.
- C'est pas trop ennuyant, pour un mâle, de lire?
- Non... Pas pour moi, en tout cas. J'aime bien marcher en forêt, aussi.
- J'aime bien voler.
Un silence s'installa à nouveau. Il tordait et tripotait ses mains nerveusement, le visage à nouveau baissé.
- T'as quelque chose à me dire? demandai-je.
- Oh, heu non...
Il évitait mon regard.
- Menteur.
- Les femelles me font peur. Tu me fais peur.
- Pourquoi?
- Il est dit que tu as un pouvoir très puissant, et j'ai peur que tu l'utilises sur moi.
- C'est interdit. Je ne connais même pas mon pouvoir, alors comment pourrais-je l'utiliser sur toi? Au fait, t'as quel âge?
- Vingt ans.
- J'aime pas les mâles. dis-je. Vous me dégoûtez.
Je fronçai le nez. Il me regarda curieusement.
- T'aimes pas les mâles? Donc t'aimes les femelles?
- C'est bien mieux. Je ne t'aimerai jamais, Eden, mets toi ça bien dans le crâne.
- J'aime les mâles. avoua-t-il après une seconde de silence.
Je le regardai, surprise, avant d'éclater de rire.
- Bon, ça va alors! Y a peut-être une chance que je t'aime bien, au final!
Il posa un regard abasourdi sur moi.
- T'es... Folle. Personne veut d'un mari gay.
- C'est mieux qu'un mari qui ne veut que te baiser. Puisque je ne peux pas avoir de femelle à mes côtés, je prends ça, putain je crois que je t'aime bien, finalement!

War of the lost CorbelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant