Chapitre 2

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" Du sang souille mes mains et mes vêtements. Le portrait abstrait et criminel de mon amour se dessine, des taches sombres éclaboussant son doux visage.

— Je t'aime Alvaro. Je t'aime. larmoyais- je la gorge écorchée par tant de malheurs

Il me sourit de ses lèvres ensanglantées et dans un dernier élan de vitalité me serra dans ses bras protecteurs.

—  Je te protégerais toujours ma fleur des îles.

Mais soudain, ses traits se fermèrent, brisant sa promesse écourtée et son corps imposant devint lourd, froid, en ce mois de juin.

La fraîcheur du parquet pénétra mes côtes, et bloquée contre celui-ci, forcée à respirer l'odeur nauséabonde que dégage le cadavre de mon amour agonisant, je crus vomir.

Mais on ne vomit pas, on ne vomit plus après avoir subi tant d'horreurs en une si courte vie.

Mon ouïe se troubla et mes pensées convulsèrent en attendant l'arrivée anarchique de gyrophares bleus.

Au secours, je vous en supplie ! Venez m'aider..."

Je me réveille en sursaut, haletante.

Doucement, mes iris au travers de mes grands cils noirs s'habituent à la réalité, dépeignant le portrait de ma chambre et de mes draps froissés.

C'était un cauchemar Zara. Tu es en sécurité. Tu es en sécurité.

Une perle de sueur descend dans mon dos. Cruellement froide.

Je jette un coup d'œil angoissé à mon réveil -posé tranquillement sur ma table de chevet- qui clignote 3 h 14.

Par réflexe, ma main glisse dans le tiroir du dessous et tâtonne à la recherche d'une boîte cartonnée puis s'en saisit.
Le somnifère s'approche de mes lèvres mécaniquement, mais pour une fois, j'esquisse un geste de recul.

Non, pas ce soir.

Me levant précipitamment en jetant le comprimé à la poubelle, je me dirige vers ma penderie murale.

Quelques minutes plus tard, mon pyjama licorne est troqué pour une robe en mousseline et me voilà sortie de mon immeuble, la fraîcheur nocturne me mordant la peau.

Le point positif de vivre dans un appartement plus petit que nécessaire dans le centre-ville de Copenhague est typiquement sa proximité avec les bars et night club. Me voilà donc arrivée à peine en deux enjambées au Storslået.

J'ouvre la porte et la musique m'engloutit, inondant chaque courbe, chaque cauchemar par ses intonations tectoniques.

Le rythme augmente, la foule se mouve en masse et les rejoignant, je me dirige vers le bar, sautillante car enfin réconfortée par la fuite de ma solitude.

Tonight is the night, we'll fight 'til it's over
So we put our hands up like the ceiling can't hold us
Like the ceiling can't hold us

Les percussions font trembler mon cœur en souterrain, l'affolent pour une raison bien plus agréable que ces pensées récurrentes qui me hantent.

—  Hey Zara, qu'est-ce que tu fais là ?

Juan sûrement déjà bien éméché se tient comme il le peut devant moi, un sourire charmeur aux lèvres.

Et putain quelles lèvres ! Rosées à point, gourmandes, moqueuses... Mais je ne me farcis pas mes amis. Trop compliqué.

— Comme toi, je viens danser tranquillement dans une boite de nuit. soulignais-je en commandant une vodka coca

— Tu as compris ce que je veux dire... Tu as des cernes de trois mètres de long querida. Autrement dit, tu n'as rien à foutre ici.

—  Fiche-moi la paix Juan.

—  Tu as des ennuis ? insista t-il

C'est fou à quel point cet homme décuve vite.

— Non, je m'amuse justement, roucoulais-je en ondulant mon bassin jusqu'à la piste de danse depuis laquelle un beau brun me fait de l'œil.

Lorsque son regard agrippe le mien, je lui envoie un baiser volant, joueuse.

Plus tes problèmes sont conséquents plus tu devras sourire pour les cacher.

All over the world, she's known as a girl
To those who are free, their minds shall be key
Forgotten as the past, 'cause history will lastGod is a girl, wherever you are

Le liquide de mon alcool coule dans ma gorge et brûle mes sanglots impromptus.

Je suis magnifique. Je suis forte. Je ne montrerais jamais mes faiblesses. Je suis la meilleure actrice qu'il soit et ô grand jamais je ne demanderai de l'aide.

Nohr -c'est son petit nom- ne semble pas dans son état normal mais moi non plus donc il me semble n'y avoir aucun problème jusqu'à ce qu'un mètre quatre-vingt-dix de muscles vienne rugir :

—  Dégage tes sales pattes de son arrière-train avant que je ne te pète les phalanges.

Punaise Juan ! Pourquoi tant de mauvaise humeur ?

Je suis certaine que cette voix caverneuse est la sienne même l'esprit embrumé par la boisson.

Bon, apparemment Nohr ne tenait pas beaucoup à moi puisqu'il déguerpit d'un pas claudiquant comme sil avait le diable aux trousses.

— Tu viens de faire fuir mon prétendant. boudais-je faussement

— Chut, tiens toi tranquille. Tu es extenuée.

Sa poigne chaude se glissa sur mon ventre pour me maintenir sur mes pieds jusqu'à la sortie de la boite puis il m'enfila sa veste en cuir.

— Juan, tu es trop adorable quand tu fais l'ours mal léché. bredouillais-je, la fatigue de ma nuit écourtée me rattrapant déjà au galop.

- Je sais querida, allez dors maintenant. Tu es en sécurité, je te le promets.

Sécurité. Sécurité. Sécurité.

Je suis humaineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant