Chapitre 5

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- Bonjour Mademoiselle Hernandez, comment vous sentez-vous depuis septembre dernier ?

Impossible de répondre à cette question sans éveiller le moindre soupçon sur mes cauchemars.

Encore une fois, j'étais allée voir ma psychologue sagement conseillée par ma meilleure amie : Éléa Nielsen.

J'ignore pourquoi je suis ici, sachant que je ne révélerais rien d'essentiel.

Peut-être que l'encens qui diffuse du patchouli dans les airs me fait du bien malgré tout ou alors j'apprécie particulièrement de jeter mon argent par les fenêtres.

Perdre mon temps et mes maigres économies en charmante compagnie d'une dame aux cheveux poivre et sel, il doit y avoir pire.

Toujours compatissante, Madame Cortès réitère sa question d'un regard appuyé.

- Pas plus mal. éludais-je

- Et Lydia ?

Mon cœur se glaça à l'entente de son si doux prénom.

Garde la tête froide Zara. Ne panique pas. Ne panique pas.
Trop tard.

Des frissons parcoururent mes avant-bras, comme si la fenêtre s'était ouverte soudainement et que le froid s'engouffrait dans la pièce.
Je fus prise de spasmes. Incontrôlables. Mes lèvres charnues tremblèrent de terreur et mes dents firent de même.

La sensation de perdre le contrôle fourmilla dans mon ventre.
Je me mis à hyperventiler, tirant sur mon pull corail devenu trop étriqué.

C'est à ce moment-là que la psy. dû se rendre compte de mon comportement anormal.

Elle me parla, sûrement. Je n'en suis pas certaine.
Ma tête commença à vriller.

Je vois des étoiles. Peut-être que je meurs, mais je ne le pense pas. Cela serait trop simple de mourir maintenant : dans un cabinet pour aller mieux.

La dame me secoue. J'ai peur qu'elle fasse une crise cardiaque en me ramenant sur Terre.
Elle est si gentille que je m'en voudrais même dans l'au-delà.

J'essaye de m'apaiser par mes propres moyens, ceux qui restent à ma disposition : ma petite voix intérieure et mon reste de self-control.

Je suis en train de faire une crise d'angoisse. conscientisais-je
Je ne suis actuellement pas en danger et Lydia non plus.
Tout cela va s'arrêter dans quelques minutes.

Tout va bien Zara. TOUT va bien.

Petit à petit, je reviens à moi.
Je me redresse du sol sur lequel j'avais chuté.

Madame Cortès me tend un verre d'eau, son chignon est tout ébouriffé et ses traits tirés d'inquiétude.

- Merci, chevrotais-je, je pense que l'on va arrêter là. Je vous recontacterais pour un prochain rendez-vous.

Et sans un "au revoir", je fuis dans les rues de Copenhague.

L'air frais écorche mes poumons mais je me force à inspirer, mon regard embué de larmes parcourant les alentours.

Les bâtisses me dominent de leurs couleurs insolites comme un grand arc-en-ciel me surplombant.

Tout va bien.

Nouvelle inspiration.
Le københavns havn m'émerveille tout autant qu'il y a six ans, avec ces grands navires nordiques qui glissent, paisibles, sur la mer.

Ici, les habitants ont un sourire -ridé pour beaucoup- placardé sur le visage, peu importe qu'il vente ou que la boulangerie soit fermée.
Ils hébergent les étrangers avec plaisir et ne te demanderont jamais pourquoi ta peau est plus cramée que la leur.

Les Copenhaguois sont comme ça, sans aucune prise de tête, perchés sur leur vélo des années 1900.

Un ange passe et je me sens mieux.

Ma fille a besoin de moi. Sois forte Zara.

Je suis humaineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant