Chapitre 1 - Jessica

153 11 5
                                    

1er jour de thérapie


J'ai toujours voulu guérir. Peut-être que cela ne se voit pas, mais c'est la vérité. La raison pour laquelle je suis assise dans le bureau de Mme Nichols, ma psychologue, est donc évidente : je veux guérir.

Dépressive, c'est ce que je suis depuis mes quatorze ans. Mes parents étaient persuadés que j'avais besoin d'aide, alors ils ont pris rendez-vous chez notre médecin traitant, qui nous a redirigé vers un psychologue, M. Kelley, qui lui-même nous a conseillé un psychiatre, pour enfin me retrouver à nouveau chez ce même psychologue.

En bref, j'étais un cas désespéré destiné à mourir.

Ce qu'il y a de pire, c'est qu'aujourd'hui j'en ai dix-sept et que je ne me suis jamais sentie aussi perdue. Comme quoi, les thérapies, ça n'aide pas tout le temps.

Je ne l'aimais pas, M. Kelley. Il ne faisait que renforcer mon sentiment - certes fondé - que j'étais nulle, instable et sans avenir. Mais Mme Nichols, étrangement, je l'aime bien.

— Comment tu te sens, Jessica ?

Sa voix est aussi bienveillante qu'habituellement. Elle n'est pas très vieille, l'âge de ma mère peut-être. Des petites rides encadrent sa bouche et viennent adoucir son regard, et elle est toujours très élégante, habillée de l'un de ses nombreux costumes, si ce n'est les quelques jours où elle s'autorise à mettre une robe.

J'ai accepté de suivre cette thérapie uniquement parce qu'elle me l'a demandée. Même si je n'en avais pas l'envie, je n'ai pas pu lui refuser. Elle a toujours été là pour moi et m'a toujours écoutée. Elle fait son travail, et j'aime les gens qui font leur travail. Alors je dois me lancer.

— Je crois que je suis prête, dis-je doucement.

Elle incline légèrement la tête et me sourit, un sourire qui veut dire qu'elle a enfin réussi à me faire céder.

— Prends tout le temps dont tu as besoin. Tu n'es pas obligée de tout me raconter aujourd'hui, on va y aller petit à petit.

Je hoche la tête.

Mon regard se perd à travers la fenêtre, réflexe que j'ai pris depuis notre premier rendez-vous. J'ai toujours eu du mal à regarder les personnes dans les yeux, par manque de confiance en moi d'après mes parents. Le problème est que, parfois, Mme Nichols s'en amuse et se cale exactement à l'endroit que je fixe. Lorsque je bouge la tête, elle se déplace s'empresse de suivre le rythme, ce qui me fait à chaque fois rire.

Mais elle ne le fait que lorsqu'elle est d'humeur taquine, et je ne pense pas qu'elle sera après que je commence à me livrer.

— Je dois aussi vous raconter les détails qui ne sont pas vraiment importants ?

— Je veux surtout entendre les détails. Ils peuvent contenir des réponses que tu ignores.

Tout en retenant un sourire, je fixe le sol.

— Très bien, comme vous le voulez.

Je prends une profonde inspiration.





— Tout a commencé un jeudi, il pleuvait des trombes et nous nous étions réfugiés dans les couloirs du lycée.

C'était la pause. Il y avait beaucoup de bruit, encore plus que d'habitude. Il faut dire que la météo ne nous a pas aidé ce jour-là.

Je me suis précipitée à mon casier sans réel but. J'aimais l'ouvrir et plonger ma tête à l'intérieur, histoire que l'on pense que je cherchais quelque chose, alors qu'en réalité j'attendais simplement que le temps passe et que la sonnerie retentisse. Je n'avais pas vraiment d'amis, donc il fallait que je m'occupe d'une manière ou d'une autre.

MeurtrieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant