Chapitre 32 - Jessica

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15e jour de thérapie

Ce soir-là, je n'ai pas réussi à trouver le sommeil. Les paroles d'Abigail résonnaient dans ma tête, sa voix et son regard rempli de détresse ne pouvaient quitter mon esprit. J'ai essayé de comprendre ce qui l'avait poussée à agir ainsi, à craquer comme elle l'avait fait, mais je n'ai pas réussi.

Abigail était un mystère pour moi.

Je devais être en train de fixer le plafond depuis des heures, et c'est alors que j'ai entendu un bruit. Désormais, dès que j'entendais le moindre grincement, j'allais à la fenêtre. C'est ce que j'ai fait.

Abigail se tenait en bas, une poignée de cailloux dans la main, la tête levée vers ma chambre. Elle venait de m'en lancer un. Sur le moment, il n'y avait que deux hypothèses plausibles : soit elle était encore ivre, soit elle était aussi folle que moi.

— Abigail ? ai-je murmuré assez fort pour qu'elle m'entende.

Dans sa réaction, elle m'a semblée remise de ses émotions, mais j'ai préféré ne pas tirer de conclusions trop hâtives.

— Viens, a-t-elle dit. Viens avec moi.

— Ça va pas ? Tu as vu l'heure qu'il est ?

— Viens, a-t-elle répété. Tu tu souviens quand tu m'as demandé d'être ta cavalière ?

— Oui, et c'était bête, je n'aurais jamais dû.

Elle m'a souri.

— Ma réponse est oui. Je veux l'être.

J'ai froncé les sourcils, doutant encore de la lucidité de ses paroles. Je me suis penchée sur le cadran de ma fenêtre pour essayer de discerner un brin de folie dans ses yeux, mais il n'y avait rien. La nuit noire ne laissait rien paraître, et le lampadaire ne m'aidait pas davantage.

— Abigail, le bal est déjà passé.

— Je sais, a-t-elle dit d'une voix amusée. Je te parle de notre bal. Rien qu'à nous deux.

Un sourire est apparu sur mes lèvres malgré moi. S'il n'avait pas été cinq heures du matin, que les championnats n'étaient pas dans quelques heures, qu'elle n'avait pas bu comme un trou au vrai bal et que j'avais oublié ce qu'elle avait dit sur moi, sa proposition m'aurait plus que tenté. Mais là, j'avais le droit d'être réticente à son idée.

— Tu ne peux pas partir, il y a les championnats et...

— Non, m'a-t-elle coupée. Je n'irai pas.

— Tu... n'iras pas ?

— Je n'irai pas.

— Abigail, tu es certaine que l'alcool est bien redescendu ? Tu commences à me faire peur, là.

— Je suis sérieuse. J'ai pas envie d'y aller. Et tu sais de quoi j'ai envie ? D'être avec toi. Alors dépêche toi de venir avec moi.

Sa voix est devenue soudainement autoritaire. C'était un ordre, définitivement. Abigail aimait qu'on dise oui à tous ses caprices et, évidemment, j'ai dévalé les escaliers à toute vitesse, en prenant quand même le soin de me faire la plus discrète possible.

Comment pouvait-elle prendre une telle décision que de ne pas participer aux championnats ? C'était son rêve, elle l'a toujours dit, tout le quartier et tout le lycée le savait et allait être présent. J'avais prévu d'aller la voir, en me cachant certainement derrière l'un des distributeurs, mais je serais venue. Alors apprendre cela, c'était comme recevoir une claque.

— Bon, ai-je dit une fois en bas, et pouvant désormais voir qu'il n'y avait rien de changé sur son visage et que ses yeux étaient parfaitement dans les normes. Tu vas m'expliquer.

MeurtrieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant