Chapitre 12 - Jessica

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6e jour de thérapie

— Le soir-même, dis-je finalement, le ton calme mais chargé d'émotion, j'ai voulu m'endormir avec de la musique dans les oreilles, mais j'ai pas pu.

J'ai entendu des pleurs. Au début, j'ai cru qu'ils provenaient de mes écouteurs, mais après vérification, ils n'en étaient pas la source. Intriguée et assez préoccupée, je me suis rapprochée de la fenêtre, guidée par cette triste mélodie. C'est là que je l'ai vue, Abigail, les bras dépassant du cadran, le regard perdu dans le vide. Son visage était marqué par de la tristesse, les joues rougies et les yeux gonflés. Elle n'a pas remarqué ma présence tout de suite, trop absorbée par ses pensées.

L'inquiétude s'est emparée de moi. En l'espace de quelques jours, je l'avais vu dans cet état déjà deux fois, et deux fois plus que depuis le jour où je l'ai rencontrée. J'ai eu mal pour elle alors que je n'en connaissais même pas la raison. Lorsque j'ai essayé de lui parler, elle s'est tout de suite braquée, en me disant qu'elle allait bien. Elle est partie sans me laisser le temps de renchérir.

Mon instinct a pris le dessus. Je ne pouvais pas la laisser seule dans cet état, même si cela signifiait faire des choses insensées.

Sans faire de bruit, j'ai dévalé les escaliers et me suis précipitée dehors, portant désormais l'échelle à bout de bras. Je n'avais jamais fait une telle chose et mon cœur me le faisait bien savoir, mais Abigail allait mal. J'aurais été égoïste de ne pas chercher à l'aider.

J'ai grimpé, non sans mal, jusqu'à arriver devant sa fenêtre, les mains tremblantes. Elle était assise sur son lit, la tête dans les mains. J'ai réfléchi un instant à ce que j'étais en train de faire mais, avant que je ne puisse faire marche arrière, elle a levé sa tête vers moi, comme si elle avait senti ma présence. En une seconde, son expression est passée de la surprise à la colère.

— Qu'est-ce que tu fais là ? a-t-elle murmuré d'une voix remplie d'agacement.

Je n'avais pas de réponse toute prête. Je ne pouvais pas moi-même justifier mon action, alors j'ai opté pour la vérité.

— Tu m'as menti.

Elle m'a fixée avec une intensité égale à la mienne.

— Et alors ? Tu penses que c'est une raison pour venir à ma fenêtre ? T'es complètement folle, Jessy.

— Oui, je sais, ai-je dit avec un haussement d'épaules.

Elle s'est pincée les lèvres, regrettant visiblement ses paroles.

— Désolée, c'est pas ce que je voulais dire.

— Je sais, t'inquiète pas. Par contre j'aimerai bien que tu m'aides à monter, mes bras commencent à lâcher.

Elle a poussé un soupir exaspéré, s'est tapée la tête d'une main avant de me la tendre, tout en pestant en silence.

— Si mes parents te voient, on est mortes.

— Je me ferai aussi discrète que possible, ai-je assuré en mettant finalement le pied sur son parquet.

Ça, c'était sans compter sur ma maladresse.

Même si je me suis voulue discrète, cette dernière ne pas pas épargnée. Mes pieds ont trébuché et, dans l'espoir de me rattraper, j'ai heurté sa lampe de chevet qui s'est renversée en même temps que moi sur le sol.

Abigail a éclaté de rire, ses mains pressées contre sa bouche pour en contenir le son.

— Tout va bien, ai-je dit dans un murmure, en me frottant la tête. Rien de grave.

MeurtrieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant