[Le Jugement des Âmes] Horizon

Chapitre 1

Media : Storm (crédit : BEWILDERBARK sur Artfight)

  Les chats étaient l'espèce dominante du Continent.

  C'était une réalité évidente, indiscutable et indiscutée, que tous les intéressés s'évertuaient à continuer d'appliquer. Ils ne se trouvaient aucun prédateur notable sur leur terre, voire même quasiment aucune menace. Il y avait bien les aigles, dans les montagnes à l'est, mais le relief était de toute manière si escarpé que personne n'habitait là-bas. Parfois, les rapaces s'aventuraient jusqu'aux plaines un peu plus à l'ouest, et faisaient éventuellement quelques victimes parmi les tribus de chats qui y vivaient, ce qui toutefois ne devait pas être une mince affaire étant donné la vivacité de ces habitants des landes, mais ce n'étaient que des cas isolés et rares. Et surtout, la grosse majorité des chats habitaient la forêt, complètement à l'ouest du Continent, dans une société simple et régie par l'ordre des Ailes d'Argent, gardienne de la paix.

  Ce n'était pas un gouvernement à proprement parler, plus une sorte de police qui s'assurait que les conflits étaient réglés et que l'ordre prospérait. Par ailleurs, ils n'avaient pas vraiment d'emprise sur les tribus des plaines.

  La principale fierté des Ailes d'Argent résidait en l'égalité entre tous qui régnaient sur la forêt. Cela avait été quelque chose de compliqué, mais désormais cette égalité faisait partie de la vie de chacun, et personne ne la contestait. À vrai dire, le plus grand obstacle à cet idéal avait été les capacités magiques de chacun. Grâce à l'action globale, aucun système de caste basé sur la magie n'avait pu se mettre en place.

  En effet, le Continent était parcouru de flux magiques qui affectaient les chats, donnant à chacun une capacité bien spécifique. La magie était quelque chose d'assez abstrait pour les chats du Continent, mais ils connaissaient tout de même ses mécanismes globaux.

  La magie était un flux, un courant qui se moquait de la matière ou des forces naturelles telles que la gravité, traversant en conséquent les chats en continu, de même que tous les êtres vivants du Continent. Ce qui différait avec les félins, c'était que dans le corps de ces derniers était censé se trouver ce qu'ils qualifiaient d'« entonnoir », selon les dires un morceau solide de magie qui permettait de donner une forme bien précise à ce flux particulier, se matérialisant par une capacité spécifique activée à volonté, accompagnée d'une aura colorée enveloppant le corps du félin. Ce qui était un peu dérangeant, c'était que personne n'avait jamais retrouvé aucun desdits entonnoirs dans le corps de quiconque, ce qui en faisait quelque chose de très flou et incertain. Mais tout le monde se satisfaisait de cette explication. Par ailleurs, l'usage répété de l'entonnoir avait pour effets secondaires une fatigue subite, et afin d'éviter ce désagrément, l'usage de magie ne faisait pas plus partie du quotidien que ça, et ça convenait parfaitement à tout le monde.

  Personne ne s'en plaignait.

  Néanmoins, l'action qui nous intéresse n'a à voir avec tout cela que les Ailes d'Argent, car elle se déroule dans leur bâtiment assigné, situé à peu près au centre de la forêt, et plus précisément dans la grande salle centrale. Cette dernière était circulaire, en forme de dôme très haut et élancé, constitué de planches de bois clair et d'ornements dorés. Des ouvertures vers le haut des murs faisaient office de fenêtres, laissant passer la lumière et l'air, participant à rendre l'atmosphère claire, légère et chaleureuse. Un petit bassin de pierre blanc trônait au milieu de la pièce pour la rendre moins vide, car c'était en effet le seul mobilier qui s'y trouvait. De grandes ouvertures cette fois-ci tout en bas des murs donnaient sur de larges couloirs ou parfois directement l'extérieur, et quelques chats les empruntaient parfois.

  La pièce était relativement bruyante. Quelques dizaines de chats l'occupaient, la plupart discutaient entre eux sans se préoccuper de ce qui les entouraient.