« À tous ceux qui doivent feindre et jouer un rôle pour trouver la force de survivre. »
Six ans plus tôt.
Je me tenais derrière l'église, figée, avec l'impression que le monde autour de moi s'était arrêté. J'entendais les pleurs étouffés qui résonnaient à l'intérieur, chaque sanglot perçant le silence comme un écho douloureux. Je ne comprenais pas tout à fait ce qui se passait, mais une partie de moi savait que tout ceci n'était pas innocent.
Ma famille, profondément religieuse, sortit finalement de l'église. Je plaquai un sourire sur mon visage, comme un masque bien ajusté, lorsque je les vis approcher. Leurs visages étaient empreints de tristesse, mais dès qu'ils franchirent le seuil, des sourires apparurent, mécaniques et calculés. C'était une pièce de théâtre dont nous étions les acteurs silencieux, prisonniers d'un rôle imposé.
Derrière eux, j'aperçus deux enfants en pleurs, et un frisson glacé parcourut mon échine. Je compris que ma famille avait sûrement quelque chose à voir avec ce qui s'était passé. Cette prise de conscience creusa un vide en moi, mais je ne laissai rien paraître.
Mon père m'appela, sa voix douce mais impérieuse :
— Иди сюда, моя кукла. (Viens ici, ma poupée.)
J'obéis, le sourire toujours accroché à mes lèvres, et rejoignis mon père et mon frère Elijah. À cet instant, je ressentis toute la pression de leurs attentes et de leurs secrets, comme une cage invisible resserrant son emprise autour de moi.
Chaque sourire forcé, chaque geste était comme un fil de marionnette, une preuve de plus que ma vie n'était qu'une façade bien orchestrée. Derrière ces sourires brillants, je savais qu'il se tramait des choses sombres. J'étais un pion sur leur échiquier, manipulée sans relâche dans un jeu de pouvoir et de tromperie.
Nous étions rentrés à la maison, la tension presque palpable dans l'air, bien que le calme apparent régnât dans le salon. Je me trouvais sur les genoux de mon frère Elijah, sentant sa présence imposante comme une ombre persistante derrière moi. Une ombre que je ne pouvais ignorer, peu importe combien je tentais de détourner mes pensées. Il glissait parfois ses doigts le long de mes bras, un geste qui semblait à la fois réconfortant et inquiétant.
De l'autre côté de la pièce, mon père était installé sur son canapé dédié, une posture qui témoignait de son autorité incontestée. Il semblait absorber les images diffusées sur la télévision. Nous regardions tous les informations, une habitude familiale qui me paraissait presque rituelle, une performance calculée.
Le journaliste, d'une voix professionnelle et mesurée, relatait un incident tragique survenu dans le quartier huppé de Kensington, à Londres.
— Nous venons d'apprendre que ce matin un incendie dévastateur a ravagé une résidence, coûtant la vie à tous les membres de la famille Wilkerson, à l'exception de leurs enfants, qui se trouvaient miraculeusement à l'extérieur de la maison au moment du drame. Les enquêteurs cherchent encore à déterminer les causes de l'incendie, bien que des sources indiquent qu'il pourrait s'agir d'un accident. Les enfants survivants ont été placés sous la protection de familles d'accueil, tandis que la communauté est sous le choc, s'interrogeant sur les circonstances entourant cette tragédie.
Je sentis un frisson parcourir la pièce, comme si les murs eux-mêmes retenaient leur souffle.
Je jetai un coup d'œil vers mon père. Sa main était posée sur son menton, ses yeux fixant l'écran avec une intensité qui me glaçait le sang. Ses regards étaient froids et sombres, semblables à des abysses insondables qui cachaient des secrets que je n'osais imaginer.
Soudain, deux gardes de mon père entrèrent précipitamment dans le salon sans frapper, leurs visages marqués par la panique. L'un d'eux se pencha pour chuchoter quelque chose à l'oreille de mon père, et je le vis écarquiller les yeux. Tout se passa très vite : mon père se leva brusquement et quitta la maison, ses mouvements empreints d'une urgence silencieuse. Elijah se leva à son tour, me laissant seule sur le canapé.
Leurs silhouettes disparurent par la porte d'entrée, et je restai là, une sensation de vide m'envahissant peu à peu. Mon père était parti, et il n'est jamais revenu ni donné de nouvelles. Étrangement, je n'ai jamais ressenti de tristesse face à son départ soudain.
Elijah se tourna alors vers moi, un sourire énigmatique sur le visage. Il murmura :
— Не плачь, (ne pleure pas).
Je savais que je devais feindre la tristesse, me conformer à l'image qu'ils attendaient de moi. Je m'efforçai de faire couler quelques larmes, simulant la douleur d'une perte que je ne ressentais pas vraiment.
Mon frère passa doucement sa main dans mes cheveux, un geste à la fois apaisant et possessif. Je laissai ma tête se poser sur son torse, le visage dissimulé, arborant un masque de neutralité. Dans cette intimité forcée, je me sentais à la fois protégée et prisonnière.
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EMPTY DOLL
RandomAmy, lycéenne de dix-huit ans est reconnue pour son sourire éclatant et sa joie apparente, d'où sa popularité. on peut croire que sa vie est parfaite. Cependant, derrière cette façade se dissimule un profond mal-être. Après avoir été trahie par Cale...