Hier, Aujourd'hui, Demain

Friends to Lovers

Il y a des gestes qui sont d'une curieuse tendresse, d'une attendrissante douceur. Lorsqu'ils ne sont pas réclamés, c'est d'autant plus doux.

Entre eux, il n'y avait pas nécessairement de mots doux, ou alors ils étaient très rares. A l'inverse, leurs mots étaient tranchants, taquins, remplis de malice. Mais ils se montraient d'une terrible tendresse l'un envers l'autre.

Lui, il lui glissait son manteau sur les épaules dès qu'il la voyait frappée de froid.

Elle, elle lui offrait parfois quelques verres, quelques bouchées.

Lui, il lui offrait aussi un café, un verre, un plaisir sucré sans qu'elle ne l'ait spécialement demandé, par pure générosité, voire affection.

Elle, elle s'assurait de son bonheur. Elle lui demandait si ça allait, cherchait à l'aider dans sa vie, elle était présente, autant qu'elle pouvait.

Lui, il lui offrait fleur en gratitude.

Elle, elle lui offrait un immense sourire.

Elle a un sourire magnifique, pensait-il alors.

Il a les plus beaux yeux que je n'ai jamais vus, songeait-elle en retour.

Ses yeux étaient pourtant de cette couleur que 90 % de la population possédait : marron.

Un marron sombre, certes, qui accentuait une certaine grâce, un certain mystère. Non, ce qui était magnifique, c'était le reflet de son âme qu'elle lisait dans ses pupilles.

Elle lui sourit avec malice, il la taquina comme quoi elle cessait d'être aigrie uniquement quand elle voulait.

Avais-je parlé de mots doux, taquins, tranchants, dangereux même lorsque la taquinerie se prêtait à la séduction amicale ? C'était pour rire, bien entendu... A moins qu'il y ait quelque chose derrière cela.

« Faites attention, à force de vous taquiner, vous allez tomber amoureux ». Jamais !

Bien malgré leurs échanges oraux, ils avaient aussi des échanges davantage physionomiques. Des gestes légers, uniques, qui leur appartenaient, et qui trahissaient beaucoup de choses. Quel genre de geste, se demanderait-on.

Des gestes traîtres d'une grande, grande affection. Lui, il s'asseyait, tapait sa cuisse pour qu'elle comprenne qu'elle devait s'asseoir sur ses jambes. Il lui disait de venir s'asseoir à côté d'elle. Posait sa main sur son genou. Elle, elle faisait frôler leurs épaules, elle le bousculait gentiment, elle jouait avec ses cheveux. Lui, il entourait parfois ses épaules de ses bras après s'être glissé dans son dos, riant à son oreille. Parfois, il la fixait, avec un sourire amusé, parfois, elle lui rendait ce sourire, le regardait à la dérobée avec amusement.

Mais non, ils ne s'aimaient pas.

Même lorsqu'il s'assurait qu'elle ne soit pas près des groupes de bourrés, même lorsqu'il l'écoutait quand elle lui disait de se détendre, de respirer, même lorsqu'ils ne parvenaient pas à réviser car ils parlaient trop, même lorsqu'ils se retrouvaient que tous les deux, même lorsqu'elle cherchait à le réconforter à cause de ses déceptions, mauvaises surprises, même lorsqu'il venait la voir, seul, à ses matchs...

Même avec ça, ils ne s'aimaient pas. Pas dans ce sens là.

Jamais.

Idée inenvisageable, impossible.

Pourtant...

Qui sait, après tout ?

Pourtant, elle avait la faiblesse d'espérer. Il était un soft boy, gentil, généreux, attentif, rieur, de bonne humeur, protecteur, avec quelques élans de colère, certes.

Elle se souvenait encore, de cette mauvaise journée qu'il avait passée, où chaque mauvaise réponse, provenant de la mauvaise personne, lui devenait irritante. Où il s'était dressé, les muscles tendus, le regard noir, le ton froid, sec, autoritaire.

Il lui aurait presque fait froid dans le dos, si elle ne l'avait pas connu, il lui aurait fait froid dans le dos. A vrai dire, elle savait qu'elle avait eu un pincement de crainte, car elle le savait assez fort pour blesser.

Mais elle s'était surtout inquiétée de son état. Etait-il si déçu, si mal ce jour-là ? Elle avait eu le coeur tant serré pour lui.

Et pourtant, avec elle, il avait été naturel. Doux, blagueur, malicieux. A l'issue de leurs sessions révisions, des journées passées en sa compagnie, la même pensée revenait inlassablement :

Qu'est-ce que j'aime l'avoir dans ma vie.