Ivy - Séoul, 29 octobre 2024

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 Vingt-six jours que l'on s'ignore mutuellement. Il est trop borné pour m'écouter, je suis trop blessée pour faire le premier pas.

J'ai mal. Je pensais avoir eu mal lorsque Samantha nous avait menti, à Orlando, sur ce qu'elle avait fait avec Austin. Mais cette trahison, celle dont il est responsable, fait encore plus mal.

Je croyais bêtement qu'on était quelque chose, tous les deux. Après Manchester, après Munich, après Copenhague, après Noosa Heads et Brisbane... Je croyais que lui aussi, ressentait ce que je ressens. Au présent, même si j'ai arrêté de me raccrocher à une illusion.

Je ne pourrai jamais arrêter de l'aimer. Pas après toutes ces années, pas après ces dernières semaines, pas après avoir découvert que nos âmes souffraient de la même façon.

Même Jack, le moins observateur de tous, a remarqué l'état dans lequel je suis. Sûrement parce qu'Austin semble être en proie au même.

Rose me réconforte tous les soirs, avant de rejoindre Ethan dans la chambre qu'ils partagent à chaque fois. Et dès qu'elle me laisse seule, je pleure.

Je pleure, parce que j'ai tout perdu. Ma meilleure amie est morte, et elle me détestait. Mes parents ne me parlent plus. Mia et Lea ont trop de choses à faire à Miami pour m'appeler tous les jours. Isaac passe son temps libre enfermé dans sa chambre pour se reposer. Ethan et Rose partent à la découverte des nouvelles villes, rient trop fort, s'aiment trop fort. Jack préfère rester avec Austin. Et Austin préfère me repousser plutôt que de me croire.

Je n'ai plus rien, si ce n'est l'envie de retourner à Miami pour reprendre ma vie d'avant. Pour oublier l'année entière, les cris de la foule à chaque concert, les cris des groupies qui attendent sous les fenêtres des hôtels, les cris qui résonnent dans mon crâne pour me rappeler ma solitude.



Il est midi lorsque je décide d'émerger et de me défaire de la douceur des draps contre ma peau. Nous avons quitté la douceur du printemps australien pour l'automne asiatique et ses températures plus fraîches il y a plusieurs jours déjà, et je peine encore à accepter d'enfiler un pull fin au lieu d'un débardeur.

Je râle parce que le soleil brille trop fort. Je râle parce que mes règles ont débarqué. Je râle parce que mes cernes s'élargissent. Je râle, parce que je pensais être seule dans la suite alors qu'Austin est toujours présent. Toujours aussi beau.

— Salut, lance-t-il depuis le canapé calé dans un coin.

Je l'ignore comme je sais si bien le faire désormais. Je prends le dernier biscuit restant dans le placard de la kitchenette, je sors sur le petit balcon pour le déguster et reprendre mon souffle, et je laisse mon regard se perdre sur les immeubles en face, sur les façades sud-coréennes, sur les oiseaux qui sont libres de voler où bon leur semble.

Et je me retrouve prise au piège entre un corps massif et une rambarde en fer forgé. Deux bras de part et d'autre de ma taille, deux mains posées à quelques centimètres des miennes.

— Je suis désolé, Ivy.

La voix du batteur est douce. Calme. Posée. Et ne me berne pas.

Alors je ne dis rien. Je reste muette face à la ville qui grouille de monde, où se mêlent klaxons des voitures et discussions animées qui se répercutent entre les tours pour venir jusqu'ici.

— Parle-moi, s'il te plaît, ajoute-t-il en se penchant un peu plus, son visage à quelques centimètres du mien.
— Non, soupiré-je enfin, lorsque le mot s'échappe et vient voleter entre nous.
— Non ?

Je secoue la tête et pince les lèvres, refusant de craquer. De le laisser gagner. D'arrêter de résister et de lui dire tout ce que je pense de lui.

Qu'il est beau quand il sourit pour de vrai. Qu'il l'est encore plus lorsqu'il rit. Que, parfois, tard dans la nuit, quand ma tête bourdonne de pensées qui ne devraient pas exister, il m'arrive de repenser à toute nos conversations en Australie, à ses secrets qu'il a décidé de me partager, à ses mots qui m'ont permis de faire baisser mon degré de culpabilité. Que je déteste Samantha pour m'avoir fait croire à tous ces mensonges, pour m'avoir empêché de rêver, juste un peu, qu'il ressentait la même chose, et que je crève d'envie de lui hurler que je l'aime à m'en déchirer les cordes vocales.

This Feeling they Call...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant