Chapitre 4

14 3 5
                                    



Je crois qu'il a bien fallu 5 secondes à l'assemblée pour intégrer ce qui venait de se passer.

5 secondes de silence béni, qui permirent aux retardataires de lever le nez de leurs assiettes, et aux regards des autres de remonter lentement le long du canon de l'arme que tenait l'une de leurs PROFESSEURS.


Passait-elle une particulièrement mauvaise journée ? Le Rectorat avait-il finalement eu raison de sa santé mentale ? Était-ce une hallucination collective provoquée par l'un des mélanges alchimiques des "mixologues" du BDE ?


Je voyais mes condisciples cogiter à plein régime. L'un d'entre eux dut y aller un peu fort car il s'effondra en hyperventilant.


Bien sûr, le calme ne dura pas.


- PERSONNE NE BOUGE, surtout pas vous deux !-


Merci pour les projecteurs, mademoiselle, mais je crois que malgré votre professionnalisme , ça , c'était une erreur.


La cantine implosa.

Un quart des étudiants se mit soudain à vociférer, à hurler, et à courir vers la sortie opposée à la folle avec un flingue. Il y eut plusieurs crises de larmes, ou de panique, peut-être les deux. Derrière son comptoir en inox poli, persuadé d'avoir affaire à une scène de foire planifiée, Mr. Bernard, en cuisine, vomit un torrent d'injures d'un racisme décomplexé à la foule en délire.

Parmi ceux qui ne fuyaient pas, certains se réfugièrent sous les tables, non sans avoir envoyé valser plateaux, assiettes et carafes remplies au passage. Au moins deux personnes jetèrent d'ailleurs en direction de Mme Fleurion des assiettes qui explosèrent au sol à cinq mètres d'elle, constellant son impeccable tenue d'éclaboussures de purée lyophilisée.


Je crois que cela n'améliora pas son humeur.


Le degré d'inclinaison de ses sourcils, mesure quantitative de la violence verbale dont elle était disposée à faire preuve, s'inclinait dangereusement proche de la zone "génocide de ta lignée".

Enfin, un dernier groupe balança une chaise sur la baie vitrée, dans l'espoir affiché de pouvoir s'échapper par la fenêtre. Sauter du premier étage, ce n'est pas comme dans les films, mais la chaise rebondit misérablement, avant de retomber sur l'un d'eux, qui se mit à pleurer.


BANG.


Le monde se figea un instant.


Elle venait de tirer en l'air.


Mes oreilles sifflaient.


Puis le chaos repris, en pire.


J'eus soudain une très bonne idée du torse de mon nouvel ami, car il venait de me saisir pour s'abriter derrière l'un des piliers en béton, contre la vitre.


Derrière nous, les zouaveries continuaient, un concert de hurlements, de pleurs, d'appels téléphoniques paniqués à la police, aux parents, aux amis, et des éclats de voix autoritaires de Mme Fleurion,  qui tentait de se frayer un chemin dans un essaim hystérique de 1ere année (son registre lexical se rapprochant de celui de M. Bernard).

Reverse Mafia BossOù les histoires vivent. Découvrez maintenant