Chapitre 5

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Je ne ressemble à rien.


And that's ok.


Car la douleur me rappelle que je vis, et c'est déjà une bonne surprise au vu de la journée que je viens de me coltiner.


Le manque d'eau chaude a écourté mes ablutions.


Heureusement pour mon compte en banque maigrelet, le jeu de clés de rechange était inclut  dans mon contrat, disponible et gratuit (!).

Je me demande si l'air surpris de la fille de l'agence avait plus à  voir avec mon état calamiteux ou à la découverte à mes côtés d'un apollon ensanglanté. Autant pour ma réputation de célibataire endurci.

On ne notera d'ailleurs pas la galanterie du personnage, qui s'est engouffré dans ma douche sans même faire semblant de me demander mon avis, une fois arrivés.


Bien enveloppée dans le tissu moelleux de ma serviette de bain, enfin propre dans ma toge blanche, je rassemble mon courage pour jeter un coup d'oeil au miroir embué. Je hausse le nez, le menton levé.


Je m'attends au pire, mais c'est forcément mieux qu'il y a quinze minutes. Souffle, allez, ça va le faire.


Autour de mon nez, la peau est marbrée de reflets violacés, et de petites varices serpentent sous mes narines : l'hématome est en train de couler. Dans quelques jours, je ressemblerai à un raton laveur dépressif.

Mes paupières sont gonflées, et mon cou et mes épaules sont décorés d'une ribambelle de petits bleus et d'égratignures.


Je t'en ficherai, moi, de sauter de 8m. À travers une fenêtre en plus.


C'était ça où Fleurion avec un fusil, remarque.


Mon poignet gauche a doublé de volume, et mes avant-bras sont couverts de coupures. C'est déjà un miracle qu'elles ne soient pas trop profondes malgré la gueule des éclats de verre.

Le reste va à peu près.

La vapeur s'évapore doucement, la condensation fait perler les carreaux du mur, je déguste ce calme comme un grand vin après une piquette.

Trônant dans un coin de la salle de bain, le petit tas de nos vêtements repose misérablement. Sang, verre, vomissures, jus de poubelle et tache de cafés, c'est simple, tout est à jeter. Plutôt à brûler, même. L'odeur s'est à peu près dissipée sur le chemin, mais le souvenir traumatique de ce qu'il y avait dans cette poubelle et qui a donc touché (grincement de dents) le tissu est indélébile, sa simple évocation réveille un goût acide au fond de ma gorge.


Allez, quand il faut, il faut.


Le panneau coulisse.

Sur ma minuscule résistance, une casserole d'eau commence à frissonner. Mais je m'en détourne très vite, car une chaleur m'envahit soudain, comme si mes pommettes s'embrasaient.

Demi-tour, droite, je retourne aussi sec la salle de bain.


Mais qu'est-ce qu'il fout torse nu ?

Reverse Mafia BossOù les histoires vivent. Découvrez maintenant