Chapitre 5 : Le Chant des Sirènes

13 0 0
                                    

Le matin apporta avec lui une lumière dorée, enveloppant le jardin d'un éclat mystique. Eliza, étendue dans le lit moelleux de sa chambre d'hôte, se réveilla doucement, encore enveloppée dans les souvenirs de la nuit précédente. Le parfum des fleurs nocturnes flottait encore dans l'air, rappelant l'intensité des émotions qu'elle avait partagées avec Gabriel. Chaque pensée, chaque image la ramenait à ce jardin ensorcelant, où la réalité et le rêve semblaient se fondre en une harmonie troublante.

Elle se leva, sentant ses muscles tendus de la veille, mais une énergie nouvelle pulsait en elle. Elle s'habilla rapidement, son esprit plein de questions, et se dirigea vers le jardin, désireuse de revoir Gabriel, de continuer cette exploration à la fois spirituelle et physique qu'ils avaient entamée.

Le jardin l'accueillit avec son calme habituel, ses feuilles scintillant sous la rosée matinale. Elle suivit les sentiers sinueux, ses pas la guidant presque instinctivement vers la clairière où la statue de la déesse se dressait majestueusement. Mais à mesure qu'elle avançait, une mélodie douce, presque imperceptible, commença à résonner à ses oreilles. C'était une musique envoûtante, une sorte de chant lointain qui semblait provenir du cœur même du jardin.

Eliza s'arrêta un instant, tendant l'oreille pour mieux discerner ce chant. Il était à la fois mélancolique et captivant, empli de promesses voilées et de désirs inavoués. Intriguée, elle se laissa guider par ce son, ses pas la menant hors des sentiers balisés vers une partie du jardin qu'elle n'avait encore jamais explorée.

La végétation autour d'elle devenait plus dense, les branches des arbres formant une voûte naturelle qui tamisait la lumière du soleil. Le chant, quant à lui, se faisait plus fort, plus clair, et semblait maintenant l'entourer de toutes parts. Eliza pouvait distinguer plusieurs voix, féminines, se mêlant en une harmonie envoûtante qui faisait vibrer l'air même.

Elle déboucha enfin sur une autre clairière, plus petite et plus intime que celle de la statue. En son centre, une fontaine en pierre jaillissait doucement, son eau cristalline créant une musique apaisante qui se mariait au chant mystérieux. Autour de la fontaine, un cercle de plantes inconnues, aux fleurs d'un bleu profond, semblait respirer en rythme avec la mélodie.

Eliza s'approcha de la fontaine, ses pas résonnant sur le sol de pierre. Elle s'accroupit au bord de l'eau, observant son reflet trouble se mêler à celui des fleurs environnantes. Le chant s'éleva alors en intensité, comme une invitation, une prière douce et insistante.

Elle tendit la main, ses doigts effleurant la surface de l'eau. Une sensation étrange la traversa alors, comme si l'eau elle-même cherchait à entrer en elle, à s'immiscer dans ses pensées, ses émotions. Des images fugaces apparurent dans son esprit : des visages de femmes qu'elle ne connaissait pas, des silhouettes dansantes, des rires légers et mystérieux.

Submergée par cette expérience, elle recula légèrement, le cœur battant. C'était comme si le jardin, à travers cette fontaine, cherchait à communiquer avec elle, à lui montrer quelque chose d'important. Mais quoi ?

Un mouvement à la périphérie de sa vision la fit sursauter. Gabriel apparut à l'entrée de la clairière, son regard sombre et pénétrant fixé sur elle. Il s'approcha lentement, sa présence imposante coupant le chant comme une lame tranchant le silence.

"Tu as trouvé la source," dit-il doucement, sa voix teintée d'une gravité inhabituelle.

Eliza se redressa, ses sens encore engourdis par la musique. "Quelle est cette fontaine, Gabriel ? Pourquoi ce chant... pourquoi m'appelle-t-il ?"

Gabriel l'observa en silence, ses yeux sondant les siens. Puis, avec une délicatesse surprenante, il prit sa main et l'attira doucement vers le bord de la fontaine. "Cette fontaine est l'un des plus grands secrets du jardin. Elle est le cœur même de cet endroit, un lieu où les forces anciennes se concentrent, où les âmes des gardiennes du jardin communiquent avec ceux qui en sont dignes."

"Les gardiennes ?" répéta Eliza, son esprit tentant de saisir la portée de ces mots.

Gabriel hocha la tête. "Oui, les femmes qui, à travers les âges, ont veillé sur ce jardin, l'ont nourri de leur énergie, de leur amour. Elles continuent de vivre ici, à travers cette fontaine, et leur chant est un appel, une invitation à rejoindre leur cercle."

Eliza sentit un frisson la parcourir. "Et moi ? Pourquoi est-ce que je ressens cet appel ? Que veulent-elles de moi ?"

Gabriel serra doucement sa main, son regard s'adoucissant. "Elles t'ont choisie, Eliza. Elles voient en toi quelqu'un qui peut comprendre ce jardin, qui peut l'aimer et le protéger comme elles l'ont fait. Mais pour cela, tu dois accepter de les laisser entrer en toi, de t'ouvrir à elles."

Eliza se sentit tiraillée entre la peur de l'inconnu et l'excitation de découvrir un mystère aussi ancien. Elle regarda Gabriel, cherchant dans ses yeux une réponse, une assurance. Mais ce qu'elle y trouva fut encore plus troublant : un mélange d'affection profonde et de respect pour ce qu'elle représentait désormais.

"Que dois-je faire ?" demanda-t-elle finalement, sa voix tremblant légèrement sous le poids de la décision à prendre.

Gabriel lui sourit, un sourire qui exprimait à la fois fierté et tristesse. "Tu dois te laisser porter par leur chant. Te laisser aller, sans résistance. Elles te guideront."

Eliza se tourna vers la fontaine, son cœur battant à tout rompre. Elle inspira profondément, essayant de calmer la tempête d'émotions qui grondait en elle. Puis, lentement, elle ferma les yeux, se concentrant sur le chant qui résonnait encore dans l'air.

Elle sentit alors une chaleur douce l'envelopper, comme une caresse invisible. Le chant devenait de plus en plus clair, chaque note pénétrant en elle, résonnant dans chaque fibre de son être. Des images floues se formèrent dans son esprit : des visages de femmes, belles et fortes, des scènes de rituels anciens, des danses sous la lune.

Puis, soudainement, tout devint limpide. Elle se trouvait au milieu d'un cercle de femmes, chacune d'elles portant une couronne de fleurs et un regard empli de sagesse et de mystère. Elles la regardaient avec bienveillance, l'accueillant silencieusement parmi elles.

Eliza ressentit alors un flot d'émotions l'envahir : de l'amour, de la protection, et un désir profond de se connecter à ces femmes, de faire partie de ce cercle sacré. Elle comprit alors que ce qu'elles lui offraient n'était pas seulement la connaissance du jardin, mais aussi une part de leur force, de leur essence.

Les femmes l'entourèrent, formant un cercle parfait. Elles se mirent à chanter, leurs voix s'élevant en une mélodie ancienne, une mélodie qui résonnait au plus profond de l'âme d'Eliza. Elle se laissa emporter par ce chant, sentant son esprit se libérer, son corps se détendre, comme si elle était en train de fondre dans cette énergie collective.

Et puis, tout devint clair, éclatant de lumière. Les visages des femmes s'éclaircirent, révélant leur identité, leur histoire. Elles étaient les gardiennes du jardin, les protectrices de ce sanctuaire de vie et de désir. Chacune d'elles avait un lien intime avec la nature, un lien qu'elles transmettaient maintenant à Eliza.

Eliza sentit une vague de chaleur, de puissance, traverser son corps. Les chants, les images, les émotions se mêlèrent en elle, créant une harmonie parfaite, un équilibre nouveau. Elle n'était plus seulement une visiteuse dans ce jardin, elle en était maintenant une partie intégrante, une gardienne à son tour.

Quand elle rouvrit les yeux, elle était de nouveau dans la clairière, Gabriel à ses côtés. Il la regardait avec une intensité nouvelle, une reconnaissance de ce qu'elle était devenue.

"Tu as réussi," murmura-t-il, sa voix emplie de respect.

Eliza hocha doucement la tête, encore sous le coup de ce qu'elle venait de vivre. Elle se sentait différente, plus forte, plus connectée à ce jardin, à cette nature qui l'entourait. Et elle savait maintenant que sa mission ici n'était pas seulement de restaurer ce jardin, mais de le protéger, de veiller sur lui comme les gardiennes l'avaient fait avant elle.

Gabriel lui tendit la main, et elle la saisit sans hésitation, sentant leur lien se renforcer, se solidifier. Ensemble, ils quittèrent la clairière, marchant côte à côte, le chant

Le jardin interditOù les histoires vivent. Découvrez maintenant