Chapitre 3

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Félix était d'une humeur massacrante ce matin-là, il remuait rapidement sa petite cuillère dans sa tasse en porcelaine.

— Monsieur, vous allez abîmer le fond de la porcelaine ! s'écria Sana.

Le marquis souffla mais obtempéra, il retira le couvert et le jeta brusquement sur la table. Sana s'empressa de venir nettoyer les dégâts, le café risquait de laisser des traces sur la jolie nappe.

— Du courrier ? aboya Félix.

— Des devis pour les travaux des écuries, expliqua Jisung, et une lettre de votre grand-tante. Voulez-vous les consulter tout de suite.

— Non, ça peut attendre. Rien d'autre ?

Les jours avaient passé, et pas une seule nouvelle de Chan. Pas la moindre invitation non plus pour assister à des mondanités. Félix s'ennuyait à mourir dans son domaine. Il avait certes profité de son temps pour lire et faire quelques promenades à cheval et quelques parties de chasse, mais le duc lui manquait. Il avait très envie de le voir, et de lui faire tout un tas de choses. Au-delà du fait qu'il était son amant, Chan était également un de ses très bons amis, le seul même peut-être. Alors pourquoi ne lui donnait-il aucune nouvelle ? C'était bien la première fois qu'il restait silencieux aussi longtemps. Etait-ce à cause du baiser qu'il lui avait offert lors du bal du comte de Chanin ?

— Le comte de Chanin a écrit, répondit justement Jisung, il vous remercie d'avoir assisté à son bal et espère que vous aurez l'occasion de vous revoir car il estime ne pas avoir pu vous consacrer assez de temps.

Félix pouffa, il se fichait bien du comte de Chanin, il n'avait rien d'intéressant à lui apporter.

— Il y a également une lettre du duc de Basir, il...

— Pourquoi ne l'as-tu pas dit plus tôt ? s'écria Félix en se levant précipitamment de sa chaise. Que dit-il ?

— Je ne sais pas monsieur, vous nous avez toujours formellement interdit d'ouvrir tout courrier provenant du duc.

— Oui, oui, c'est vrai. Peu importe, apportes-moi cette lettre.

Jisung s'exécuta. Il tendit l'enveloppe encore scellée et le coupe papier à son maître qui s'empressa de l'ouvrir. Il déplia le morceau de papier comme si sa vie en dépendait et se mis à dévorer les mots du regard. C'était bien l'écriture de Chan, peut-être allait-il s'excuser de ne pas lui avoir donné de nouvelles depuis un moment. Il avait sans doute été particulièrement occupé, il était duc, avait un domaine immense à gérer, Félix pouvait comprendre cela.

"Cher marquis de Tarac, vous serez sans doute surpris de la raison qui m'amène à vous écrire aujourd'hui. En effet, j'ai l'honneur et la joie de vous convier à mes noces..."

Les mots se déformèrent sous les yeux de Félix, l'encre devint floue et illisible. Il posa vivement la lettre sur la table et se frotta frénétiquement le visage avant de reprendre le papier et de recommencer à lire depuis le début.

— Vous vous sentez mal monsieur ? s'inquiéta Jisung.

Il avait bien remarqué la vitesse à laquelle le visage de son maître avait perdu de ses couleurs, ce courrier devait donc être porteur d'une nouvelle particulièrement désagréable. Il aida Félix à s'asseoir et fit signe à Sana de lui amener un verre d'eau. La marquis l'accepta d'une main tremblante et but quelques gorgées. Il envoya valser la lettre d'un revers de main et se massa les tempes.

— Lis-la, dis-moi si j'ai bien tout compris, ordonna-t-il à Jisung.

Celui-ci se saisit du morceau de papier à moitié chiffonné par les doigts crispés de son maître. Il parcourut l'ensemble du document et le résuma.

— Le duc de Basir vous convie à ses noces, il va épouser la fille du marquis des Marives.

Un grand fracas résonna dans la salle à manger qui ne manqua pas d'arracher un cri d'effroi à Sana. Félix venait de se lever d'un bond, bousculant la table et renversant par la même occasion tout ce qui se trouvait dessus. La jeune femme s'approcha timidement pour nettoyer les dégâts et récupérer les morceaux de porcelaine cassée avant que son maître ne se blesse dans cet accès de colère.

— Le marquis des Marives cherche tellement à se hisser dans la société qu'il marierait sa fille à n'importe quel duc ! Cet idiot ! Comment le duc de Basir n'a-t-il pas pu voir clair dans son jeu ? Il s'est fait avoir !

Il n'arrivait pas à croire que Chan allait se marier, et surtout pas qu'il lui annoncerait après qu'il avait enfin osé faire un premier pas vers lui lors du bal. Félix l'avait embrassé pour lui prouver qu'il ressentait quelque chose de bien plus fort pour lui que de la simple amitié. Jisung jeta un regard interrogateur à Sana, il ne savait pas si la question leur était adressée ou s'il s'agissait d'une question rhétorique. Il patienta quelques instants avant de se permettre de réagir.

— Monsieur, le duc de Basir est largement en âge de se marier, il est même étonnant qu'il ne l'ait pas fait plus tôt.

— M'annoncer ça, à moi, son ami, par une simple lettre ! A-t-il si peu d'estime envers ma personne !

— Mademoiselle Mina est un très bon parti monsieur, ajouta Jisung, elle est la fille unique du marquis et héritera donc de toute sa fortune. De plus sa dot devait être on ne peut plus conséquente.

— On dit également qu'elle est particulièrement jolie, se permit Sana.

— C'est vrai, jolie, riche et en âge pour se marier.

— Faites préparer mon carrosse.

— Monsieur ?

— Tout de suite, je dois voir le duc.

— Monsieur, vous ne pouvez décemment pas vous rendre chez le duc de Basir sans prévenir. Si vous voulez nous pouvons...

Jisung s'interrompit lorsqu'il croisa le regard noir de son maître, mieux valait ne pas le contredire.

— Bien monsieur, je préviens le cocher. Quel costume désirez-vous porter pour vous y rendre ?

En voilà une question qu'elle était pertinente, Félix se devait de se présenter à Chan dans une tenue des plus désirables, il n'était peut-être pas trop tard pour faire annuler cette union et renvoyer cette fille de marquis de là où elle était venue.





***


Et voilà pour le chapitre de cette semaine, il est un peu court, désolée :')  Mais j'espère qu'il vous aura quand même plu <3

La vengeance du marquis ~ [EN COURS]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant