À peine la cérémonie terminée que les festivités avaient commencé. Les jeunes mariés avaient passé un bon moment à faire le tour de tous les convives afin de les remercier chaleureusement pour leurs présents et vœux de bonheur. Félix avait affiché son sourire le plus sincère possible mais il n’avait pas résisté à l’irrépressible envie de jeter de petits regards aguicheurs à son amant. Il espérait d’ailleurs réussir à obtenir une petite entrevue avec lui après le repas, lorsque tout le monde serait plus ou moins occupé et repu.
L’immense salle à manger avait été décorée de nombreuses gerbes de fleurs blanches, roses et violettes. L’argenterie la plus belle avait été nettoyée et elle brillait de milles feux sur les larges tables ornées de bouquets, de chandeliers dorés et d’assiettes en porcelaine les plus chères du marché. Tout cet étalage de richesses était bien entendu le moyen de montrer aux invités qu'ils ne se trouvaient pas chez n'importe qui, le duc avait visiblement l’intention de jouer dans la cour des grands de ce monde. Le repas qui fut servi aux convives était digne des festins princiers et il aurait été difficile pour un étranger d’imaginer qu'il puisse s'agir du mariage d'un duc et de la fille d'un marquis.
Félix profita du copieux dîner pour faire bonne figure auprès des autres invités. Bien qu’ayant peu d’amis proches, il avait bonne réputation et sa grande richesse en faisait également une personne qu’il valait mieux garder dans ses petits papiers. Il se retrouva assis aux côtés du comte de Chanin, dont il trouva la compagnie bien plus intéressante que les bals qu’il pouvait organiser.
Lorsque le marquis aperçut Chan se lever et quitter la salle seul, il s’excusa auprès du comte en prétextant vouloir prendre l’air pour le suivre. De son côté, Hyunjin n’avait rien manqué de la scène et discrètement, il s'éclipsa à son tour.
Félix trouva le duc sur l’une des petites terrasses à l’arrière du château, là où il ne semblait y avoir aucun passage. Il avait peut-être eu envie de prendre un peu de temps pour lui après avoir passé la journée à côtoyer du beau monde plus pour la forme que par réel intérêt.
— Ne devriez-vous pas vous trouver en compagnie de votre chère et tendre épouse ?
Chan sursauta lorsque la voix grave et séductrice de Félix se faufila au creux de son oreille. Il fit un pas de côté afin d’imposer une distance raisonnable entre eux.
— J’avais besoin de me retrouver un peu seul, loin de la foule et du bruit. Et vous, le repas n’est pas à votre goût ?
La marquis esquissa un sourire enjôleur, il se mordit la lèvre inférieure et se plaça face à son hôte. Il s’assura que personne ne pouvait les voir et tendit la main pour jouer avec une décoration de sa veste de cérémonie.
— Disons que j’ai surtout hâte de passer au dessert…
Chan s’éclaircit la gorge et détourna immédiatement le regard. Il repoussa doucement la main de Félix et s’efforça de rester courtois à son égard.
— Je pense que ça ne sera pas possible, j’ai désormais des obligations envers ma femme.
— Pff ! Votre femme ? Elle a l’air un peu godiche, et terriblement ennuyante en plus de ça ! Une prude que ses parents ont dû garder au couvent pendant ses jeunes années, que va-t-elle bien pouvoir vous apporter ?
La duc fronça les sourcils, il n’appréciait guère la manière dont Félix parlait de son épouse, mais il le connaissait assez pour savoir que s’il se montrait trop virulent avec lui, il serait capable de créer une véritable esclandre devant toute l’assemblée. Il valait mieux se montrer diplomate.
— C’est un très bon parti, et elle me fera des beaux héritiers, c’est tout ce que je recherche. Et vous devriez commencer à vous soucier de ces choses là également, le temps passe et vous ne serez pas éternel. Les coucheries à droite et à gauche, cela va un moment, mais il faut savoir mettre le plaisir de côté et embrasser son devoir de chef de famille.
— De belles paroles que vous récitez sans conviction, voilà tout. Vous comme moi savons que vous ne tiendrez pas plus de quelques semaines sans ma langue experte. Et une fois que vous serez passé une ou deux fois entre les cuisses de votre prude de femme après votre nuit de noces, je suis certain que je vous verrais revenir en me suppliant de vous soulager comme je sais si bien le faire.
Pour appuyer ses dires, Félix s’approcha de nouveau et s’humidifia les lèvres tout en palpant l’entrejambe de Chan.
— Il suffit, vous vous doutez bien que ce n’est ni le lieu ni l’endroit. Et je vous prierai d’arrêter de parler de ma femme de façon aussi condescendante. Vous ne connaissez rien d'elle, pourtant vous avez une piètre estime de sa personne. Elle ne mérite pas d'être considérée de la sorte. J'espère que ça n'est que la peine qui vous fait proférer de telles paroles, je vous ai connu bien plus agréable et tolérant.
Il balaya le bras du marquis d’un revers de main qui trahissait sa déception et, pour couper court à cette conversation stérile, il s’intéressa aux bruits provenant de l’intérieur.
— Je dois retourner auprès de mes invités, à plus tard monsieur le marquis.
Il le salua poliment et fila aussi vite que possible.
— C’est cela monsieur le duc ! Courrez faire bonne figure devant votre belle famille ! Mais moi vous ne me trompez pas ! Je sais ce que vous êtes, ce que vous aimez et ce dont vous avez besoin…
Il baissa progressivement la voix puisque Chan ne pouvait de toute façon plus l’entendre.
— Vous reviendrez mon cher Chan, oh oui, vous reviendrez vers moi, que vous le vouliez ou non.
Félix prit le temps de prendre un grand bol d’air frais, il frissonna lorsque une légère brise s’éleva dans la nuit. Il expira tout l’air de ses poumons pour tenter de remettre son masque habituel, le masque de la bienséance en société, avant de tourner les talons et de retourner à table. Ce qu'il ignorait, c'était que, tapis dans l’ombre, dissimulé derrière un épais arbuste taillé dans une forme excentrique, le vicomte de Valème n’avait rien manqué de la scène.
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La vengeance du marquis ~ [EN COURS]
FanfictionFélix, marquis de Tarac, vit très mal le mariage de son ami et amant Chan, duc de Basir. Bien décidé à mettre fin à cette union, il mandate Hyunjin, vicomte de Valème, afin qu'il assassine la duchesse. Aveuglé par ce besoin de vengeance, le marquis...