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J'ai pris une décision difficile, une de celles qui vous tordent l'estomac. J'ai choisi de m'éloigner des filles, pour leur propre bien, même si leur absence me poignait déjà. Aujourd'hui, comme chaque semaine, toutes les premières années ont EPS ensemble. Pour ma classe, c'était badminton. Mon jumeau et moi étions dans la poule des meilleurs. Les filles, elles, étaient reléguées aux deux derniers terrains, loin derrière. J'aurais pu rester avec elles, les encourager, mais leur niveau était tellement bas que ça n'aurait rien changé pour moi. Pire, ça m'aurait frustrée au point de devenir insupportable, et je travaille dur pour changer ça !

Hier soir, après ma douche, j'ai méthodiquement dressé une liste des sports où Aston pourrait se casser les dents. Canoë-kayak, hockey sur glace, rugby, gymnastique, VTT... Rien que du technique, de quoi le mettre en difficulté. Parce que soyons honnêtes, je ne pouvais pas lui demander directement où étaient ses faiblesses. Mais entre nous, la famille c'est fait pour se soutenir, non ? C'est pourquoi, pour la semaine à venir, j'ai proposé à Seb de m'utiliser comme il le voulait, dans les limites du raisonnable. J'ai déjà tout planifié : samedi, direction la montagne pour du VTT et du canoë. Mercredi, ce sera patinoire, et bien sûr, je les observerai discrètement. J'ai même demandé à Kévin s'il pouvait organiser une session de rugby aujourd'hui pendant le temps libre, avec Aston. Le seul point noir ? La gymnastique. Là, je ne savais pas trop comment m'y prendre. Mais on verra bien.

J'étais tellement concentrée sur mes propres matchs que j'ai complètement oublié le rugby ! J'ai demandé une pause à la prof pour aller boire un coup et voir ce qu'il se passait sur le terrain. En sortant du gymnase, qui se trouve tout en haut de l'école, je dévale les escaliers à toute allure, cherchant une fenêtre ouverte donnant sur le terrain. Et là, le choc : tout le monde était à terre. Ils dormaient ? Soudain, je vois une silhouette courir avec le ballon. Pas de doute, c'était Aston. Qui d'autre pourrait briller comme ça ? Je descends encore et trouve une fenêtre mieux placée. Juste au moment où je détourne les yeux, tout bascule. Un gars en maillot rouge plaque Aston au sol, lui arrache le ballon et file vers la ligne d'essai, soutenu par ses coéquipiers. Le coup de sifflet retentit. Fin du match.

Je reste figée, fixant le joueur en rouge qui enlève son casque. C'était comme dans un film. Même en sueur, il dégageait quelque chose de magnétique. Et là, surprise ! Je m'étais trompée. Mon crush ultime, celui que j'avais dans la tête depuis des semaines, c'était lui, le gars en rouge. Il retire son maillot, révélant un t-shirt bleu clair qui épouse parfaitement son torse sculpté. Ses abdos, ceux que j'avais effleurés plus tôt, étaient là, bien visibles. Je soupire, mon cœur tambourinant, et retourne au gymnase.

Mais tout le monde range déjà. Le cours est fini, alors que j'étais en plein match contre Alexi ! Je cherche la prof pour comprendre ce qui s'est passé, mais elle est introuvable. Sur le tableau, en rouge, je vois que j'ai déclaré forfait. Mon cœur se serre. Je n'étais absente que 13 minutes ! Juste trois minutes de trop, mais ça suffit pour un forfait. C'est pire qu'une mauvaise note ! Dans cette école, on nous apprend à nous battre jusqu'au bout, alors abandonner, c'est inacceptable. Une rage sourde monte en moi. Je me retiens de hurler à l'injustice, mais c'est tout juste.

L'après-midi arrive, et la colère ne me quitte pas. En cours de Chant, impossible de me concentrer. En Musique, je me tiens à l'écart des instruments fragiles, préférant frapper doucement sur le triangle. En Cuisine, je mets du plastique dans le four par accident, complètement ailleurs. Mais ce n'était rien comparé à ce qui m'attendait en Couture. Sentant venir la catastrophe, je file à l'infirmerie. Ma création, due dans deux semaines, ne survivrait pas à mon état actuel.

L'infirmerie était grande, mais je tombe directement sur l'infirmier en entrant. Je lui tends mon badge, m'allonge et tente de me calmer en faisant mes devoirs. Demain, je vais observer les gars à la patinoire avec Mia, la fille de la meilleure amie de ma mère. On se connaît depuis toujours, élevées presque comme des sœurs. Nos mères sont inséparables, tout comme nous.

En anglais, Monsieur Jean nous a demandé de faire un arbre généalogique. Mais combien de générations faut-il remonter déjà ? Franchement, je n'ai pas le temps ni l'envie de me compliquer la vie. Je note papa, maman, les grands-parents que je vois à peine, et mes frères. Voilà, c'est suffisant. Je le referai proprement à la maison. Il me reste 15 minutes avant la fin des cours. J'aurais pu avancer mes maths, mais l'idée me fatigue rien que d'y penser. Je soupire en refermant mes affaires. Faire mes devoirs m'avait calmée !
     - Personne n'y croit, Tiana, murmuré-je en me redressant.

Je sors de l'infirmerie, prête à quitter cette journée derrière moi. Je traverse le lycée, un établissement qui déborde de luxe et de prestige à chaque coin. Les murs sont ornés d'art moderne, le sol en marbre brille sous la lumière des lustres suspendus. Je passe devant la bibliothèque, une véritable caverne de savoirs précieux, et continue jusqu'à la cour intérieure. Ici, les jardins sont impeccables, parsemés de sculptures élégantes et de fontaines paisibles. Les élèves discutent tranquillement sur des bancs en fer forgé, profitant de cet havre de paix.

Mon uniforme, un blazer émeraude assorti à une jupe plissée, reflète le standing de l'académie. Chaque détail, du blason brodé en fil d'or à ma cravate rayée, crie "élite". Même mes mocassins en cuir verni sont impeccables.

Je me dirige vers le hall d'entrée, où un lustre en cristal diffuse une lumière douce. Les portiques de sécurité dernier cri rappellent que ce lieu n'est pas seulement beau, mais aussi ultra-moderne et sécurisé. Je franchis les portes vitrées et me retrouve devant le portail en fer forgé, orné d'or et du blason imposant de l'académie RISE.

Je suis bien consciente d'étudier dans une école pour riches. Ici, beaucoup repartent en voiture ou en taxi, certains à pied ou à vélo, mais on n'y voit pas de boursiers. On est tous triés sur le volet après un test psychologique, et probablement financier aussi puisque nous sommes tous issus de familles très aisées. Les classes sont petites, cinq par niveau, avec à peine vingt élèves chacune.

Alors que je passe le portail, je me dis que demain est un autre jour. Mais ce sentiment de colère sourde me rappelle que certaines injustices sont difficiles à oublier.

(+) INFOS BONUS

Dans le pays, il n'y a que trois groupes d'académies privées « R.I.S.E ». Une à la capitale, une dans ma ville et une dans une île à l'autre bout de la Terre. C'est le meilleur groupe académique du pays.
RISE comporte quatre sous groupes :
R pour riches, I pour intelligents, S pour sportifs et E pour élites.

À « R », l'admission se fait exclusivement en fonction de la fortune personnelle. Mia est actuellement dans cette académie.
À « I », le rythme est insupportable, et l'élite des intelligents y est admise, indépendamment de la classe sociale, grâce aux bourses.
À « S », c'est réservé aux sportifs de haut niveau, avec des bourses disponibles également.
À « E », l'admission reste mystérieuse, mais j'y suis entrée grâce à un test psychologique, et aucune bourse n'est accordée.

L'uniforme est différent en fonction de quelle académie on se trouve.

L'uniforme à l'académie R est de couleur rouge comme les rubis.
L'uniforme à l'académie I est de couleur lavande comme les iris.
L'uniforme à l'académie S est de couleur bleu comme les saphirs.
L'uniforme à l'académie E est de couleur vertes comme les émeraudes.

La vie ne nous laisse pas le choixOù les histoires vivent. Découvrez maintenant