Simulation

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Le Gardien regarda, les yeux écarquillés, alors qu'un paysage étrange commençait à se matérialiser autour de lui. Ce qui n'était qu'une obscurité oppressante se transforma soudainement en une vaste étendue de verdure. L'herbe, d'un vert profond, se mit à onduler sous un vent doux. Des arbres imposants, aux troncs noueux et à l'écorce sombre, surgirent du sol comme s'ils avaient toujours été là. Les nuages noirs et tourmentés se déplaçaient avec une lenteur oppressante, créant une atmosphère lourde et inquiétante.

Le mage comprit rapidement ce qui s'était passé. La seconde marche du pont n'était pas une simple planche de bois. C'était un portail, un seuil entre le monde réel et cette dimension illusoire. Le simple contact de son pied sur cette planche l'avait transporté dans une réalité alternative, une simulation conçue pour le dérouter, pour tester sa volonté. Il se rappela du moment où il avait failli chuter. Ce n'était pas juste une faiblesse physique. C'était l'œuvre de cette magie singulière, une force insidieuse et puissante qui s'était emparée de lui dès qu'il avait frôlé la passerelle.

Kaï commença à avancer, chacun de ses pas s'enfonçant dans ce sol étrange et angoissant, à la texture familière et pourtant déconcertante. L'illusion, sans doute le fruit d'un sortilège ancien et terriblement puissant, s'étendait autour de lui avec une précision qui dépassait l'entendement. Tout semblait horriblement réel, trop réel. La terre sous ses pieds avait une densité et une froideur qui transperçaient la semelle de ses bottes, comme si elle aspirait la chaleur de son corps. Le vent, autrefois inexistant, se mit à souffler avec une froideur mordante, s'insinuant dans ses cheveux et caressant sa peau avec une insistance presque malveillante.

Chaque pas le plongeait un peu plus dans ce monde étrange, une prison d'illusions si parfaitement tissée qu'elle le coupait du réel. L'air était lourd, saturé d'une énergie malsaine qui semblait s'agripper à sa peau. Le jeune homme savait qu'il ne pouvait pas se permettre de baisser sa garde, et surtout, qu'il devait trouver une sortie, un passage qui le ramènerait à la réalité.

Il aperçut au loin une silhouette se détacher dans le brouillard lourd et oppressant de ce monde irréel. La forme indistincte semblait émerger lentement de l'obscurité, se découpant progressivement sur l'horizon grisâtre.

Le jeune guerrier se figea, son regard rivé sur cette présence incertaine qui avançait vers lui avec une lenteur calculée, presque prédatrice. L'air semblait se figer autour de lui, le silence pesant n'étant rompu que par le bruit de son propre souffle, court et haletant. Instinctivement, il porta ses mains à ses dagues, les dégainant en un éclair. Le métal des lames, froid et réconfortant, reflétait la lumière ténue de ce faux monde, semblant vibrer d'une soif de sang à peine contenue.

Ses doigts se resserrèrent sur les manches. Le mage pouvait sentir l'adrénaline parcourir ses veines, rendant chaque fibre de son corps prête à l'action. La silhouette se rapprochait encore, et il céda, laissant la rage envahir son corps.

Le garçon plia légèrement les genoux, adoptant une posture défensive, ses muscles tendus et prêts à réagir. Il savait que ce monde était une illusion, mais il ne pouvait pas ignorer la menace qui se rapprochait, chaque instant pouvant devenir une bataille pour sa survie.

La créature avançait avec une assurance sinistre. Elle avait une forme vaguement humanoïde, mais tout chez elle évoquait l'anomalie et l'inquiétude. Ses contours n'étaient jamais tout à fait fixés, comme si elle était sculptée dans une brume noire et dense, une fumée tangible qui tourbillonnait paresseusement autour de son corps, se déplaçant avec une fluidité irréelle.

Sa peau, si tant est qu'on puisse lui attribuer un tel terme, n'était rien d'autre qu'une masse d'ombre pure, une obscurité tangible qui semblait engloutir la lumière autour d'elle. Cette ombre n'était pas inerte ; elle bougeait, se contractant et se dilatant sans cesse, comme un manteau vivant qui frémissait d'une énergie sinistre. Là où cette peau d'ombre passait, l'air devenait lourd et froid, le souffle de vie étant arraché à tout ce qui l'entourait. Un froid glacial s'échappait d'elle, non pas celui de l'hiver, mais une froidure si pénétrante qu'elle semblait aspirer jusqu'à la chaleur même du sang, laissant derrière elle une traînée de mort figée.

Les Gardiens de l'ombre Où les histoires vivent. Découvrez maintenant