La croisée des sentiments

1. Une rencontre inattendue

Le lycée Jean Monnet, avec ses longs couloirs éclairés par une lumière pâle, ressemblait à n'importe quel autre lycée de la ville d'Abidjan. Les élèves s'y croisaient chaque jour, certains enjoués, d'autres plus réservés, chacun suivant sa propre trajectoire. Pourtant, ce jour-là, quelque chose de différent flottait dans l'air. Sarah ne pouvait pas le nommer, mais elle le ressentait, une étrange anticipation qu'elle ne parvenait pas à s'expliquer.

Sarah, était connue pour sa discrétion. Elle n'était pas du genre à attirer l'attention. Fille unique, elle avait été élevée dans une famille profondément religieuse, où chaque geste et chaque parole étaient dictés par des valeurs strictes. Ses parents étaient aimants, mais leurs attentes pesaient lourdement sur ses frêles épaules. À dix-sept ans, elle rêvait parfois d'une liberté qu'elle n'osait pas vraiment nommer, de quelque chose qui viendrait rompre la monotonie de sa vie.

Ce jour-là, alors qu'elle sortait de son cours de littérature, un livre à la main, elle le vit pour la première fois. Hiram était appuyé contre un mur, entouré de quelques amis, tous riant à une blague qu'il venait de faire. Il avait ce sourire désarmant qui semblait illuminer son visage tout entier, et une confiance en lui qui contrastait avec son propre caractère réservé.

Leurs regards se croisèrent brièvement. Sarah sentit son cœur faire un bond dans sa poitrine. Ce n'était qu'un échange de quelques secondes, mais il suffit pour allumer une étincelle qu'elle ne parvenait pas à éteindre. Elle baissa les yeux, troublée, tandis qu'elle continuait son chemin, mais elle ne pouvait s'empêcher de jeter un coup d'œil en arrière.

Hiram, de son côté, l'avait remarquée. Il n'était pas le genre de garçon à se laisser distraire par une fille qu'il ne connaissait pas, mais quelque chose chez Sarah avait capté son attention. Peut-être était-ce son air réservé, ou la manière dont elle serrait ce livre contre elle comme un bouclier. Il n'aurait su dire pourquoi, mais elle lui semblait différente.

Les jours passèrent, et leurs chemins se croisaient de plus en plus souvent. Parfois, c'était au détour d'un couloir, d'autres fois, c'était à la bibliothèque, où Sarah aimait se réfugier pour échapper au tumulte de la cour de récréation. Hiram se surprenait à la chercher du regard, à s'interroger sur cette fille silencieuse qui, sans un mot, avait su capter son intérêt.

Un vendredi après-midi, alors que Sarah rangeait ses affaires dans son casier, Hiram s'approcha d'elle. Son cœur battait la chamade alors qu'elle le voyait arriver, mais elle fit de son mieux pour garder son calme.

— Salut, dit-il, son sourire éclatant illuminant son visage. Sarah, c'est ça ?

Elle hocha la tête, incapable de parler.

— Moi, c'est Hiram continua-t-il, tendant la main. Je t'ai vue plusieurs fois à la bibliothèque. Tu aimes lire ?

Elle serra sa main, ressentant une chaleur inattendue à ce simple contact.

— Oui, répondit-elle enfin, sa voix un peu tremblante. J'aime les romans, surtout ceux qui parlent de voyage.

Hiram sourit encore plus largement.

— Ça tombe bien, j'adore voyager. Enfin, pour l'instant, je me contente de rêver de voyages. Peut-être qu'on pourrait en parler, un jour ?

Sarah sentit ses joues s'empourprer. Elle n'était pas habituée à ce genre d'attention. Mais il y avait quelque chose de sincère dans les yeux de Hiram, quelque chose qui la mettait en confiance.

— Oui, pourquoi pas, répondit-elle, une légère hésitation dans la voix.

Et c'est ainsi que tout commença. Une simple conversation devant un casier, une invitation à discuter, et les prémices d'une relation qui, bien que naissante, portait déjà en elle les graines d'un futur incertain.

Ce premier échange marqua le début de quelque chose de nouveau pour Sarah. Pour la première fois, elle sentait que sa vie pouvait être différente, que peut-être, elle avait le droit de rêver à autre chose qu'à ce que ses parents avaient tracé pour elle. Mais elle ignorait encore que ces rêves allaient se heurter à des obstacles qu'elle n'avait pas encore imaginés.