Les jours s'étiraient, lourds et étouffants, comme un épais brouillard envahissant l'esprit d'Aros. Le palais sombre, d'un éclat argenté presque spectral, résonnait de murmures et de rumeurs. Chaque pierre, chaque corridor, semblait chuchoter son désespoir, le narguer de son impuissance. Le prince impérial des elfes de l'obscurité, autrefois fier et indomptable, sentait ses forces s'étioler, s'effriter, comme du sable entre ses doigts. Son âme sœur restait un mystère, une absence qui le dévorait de l'intérieur. À chaque lever de lune, il se surprenait à guetter, à espérer, un signe, une lueur qui viendrait apaiser son tourment. Mais rien ne venait. Seul le silence, pesant et inébranlable, lui répondait.
Isa, l'impératrice, sa mère, observait l'état de son fils avec une inquiétude grandissante. Le lien entre Aros et l'âme sœur qu'il n'avait jamais trouvée se manifestait par cette lente agonie, ce fléau silencieux qui le rongeait. Elle voyait son teint autrefois radieux s'assombrir, ses yeux perdre de leur éclat, et son corps se flétrir. Elle en souffrait presque autant que lui. La douleur d'une mère était une torture subtile, profonde, et Isa, malgré sa position d'impératrice, se trouvait impuissante devant le malheur de son unique héritier.
"Tu ne peux pas continuer ainsi, Aros," avait-elle murmuré un soir, sa voix douce mais teintée d'une résolution implacable. "Ton peuple a besoin de toi, et moi, je ne peux supporter de te voir dépérir de la sorte."
Aros n'avait pas répondu immédiatement. Ses yeux, fixés sur les flammes dansantes de la cheminée, semblaient perdus dans un abîme sans fond. Ce n'était pas la première fois qu'elle abordait ce sujet, mais cette fois, il sentait qu'il ne pourrait plus repousser l'inévitable.
"Que proposes-tu, mère ?" finit-il par demander, sa voix à peine plus qu'un souffle. Chaque mot semblait une montagne à gravir, chaque pensée un poids insupportable.
"Un mariage," avait-elle répondu, comme une évidence. "Tu dois te marier. Une union royale fortifiera notre royaume, te donnera la stabilité dont tu as désespérément besoin."
Aros avait fermé les yeux, une vague de lassitude le submergeant. L'idée de se lier à une autre, alors que son âme criait pour celle qui lui était destinée, lui paraissait une trahison, une blessure supplémentaire infligée à son cœur déjà meurtri. Mais la voix de sa mère ne lui laissait guère le choix. Elle était ferme, inflexible, comme le destin qui s'imposait à lui.
"Très bien," avait-il cédé, la résignation imprégnant ses paroles. "Je me marierai."
Et ainsi, les préparatifs furent rapidement mis en place. Néa, une noble d'une des plus anciennes familles elfes, fut choisie. Une alliance qui plaisait aux anciens et qui apportait à la fois puissance et prestige. Mais pour Aros, elle n'était qu'une ombre parmi les ombres, un visage parmi tant d'autres. Il ne la connaissait pas, ne l'avait jamais aimée, et savait déjà qu'il ne l'aimerait jamais.
Le jour de leur union, le palais resplendissait de mille feux. Les rituels anciens furent exécutés avec précision, chaque mot, chaque geste, ancré dans des siècles de tradition. Aros, vêtu de l'armure d'argent ancestral, se tenait aux côtés de Néa. Elle était belle, d'une beauté froide, parfaite, mais dépourvue de cette chaleur qu'il cherchait désespérément.
Lorsque leurs mains furent liées par les liens sacrés, Aros sentit une étrange sensation l'envahir. Le tourment qui l'avait consumé pendant si longtemps semblait reculer, laissant place à une froideur nouvelle. Il ne dépérissait plus, sa force ne se dissipait plus, mais un vide s'installait à la place. Une absence d'émotion, une neutralité glaciale.
Les jours qui suivirent furent un exercice constant de discipline. Aros s'efforçait de jouer son rôle, d'être le prince et l'époux que Néa méritait, mais chaque regard qu'il lui jetait lui rappelait ce qui lui manquait. Elle n'était pas son âme sœur, et cette vérité le poignardait à chaque instant. Il souriait quand il le fallait, parlait quand on l'attendait, mais au fond de lui, tout n'était que mensonge. Chaque interaction, chaque mot échangé avec elle, était vide de sens.
Néa, pour sa part, semblait consciente de cette distance, de ce fossé insurmontable entre eux. Elle ne disait rien, jouait son rôle également, avec la grâce d'une impératrice en devenir, mais Aros pouvait lire la résignation dans ses yeux. Ils étaient deux âmes solitaires, piégées dans un mariage qui ne les mènerait nulle part. Mais là où Néa semblait accepter ce sort avec une froideur calculée, Aros ne pouvait s'empêcher de ressentir cette douleur lancinante, ce manque inassouvi.
Ainsi, les jours passèrent, un après l'autre, sans fin. Le prince impérial continuait à régner, à faire face à ses responsabilités, mais chaque nuit, en se couchant aux côtés de Néa, il ne pouvait s'empêcher de penser à ce qui aurait pu être. À cette âme sœur qu'il n'avait jamais trouvée, à cette moitié de lui qui restait à jamais perdue. Il ne dépérissait plus, mais il ne vivait pas non plus. Il existait simplement, dans un état de stase perpétuelle, jouant un rôle qu'il n'avait jamais voulu assumer, prisonnier de son propre destin.
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Âmes soeurs
FantasyLe prince Aros se meurt, sans son âme soeur il ne peut survivre longtemps pourtant il se marie et quand enfin sa moitié apparaît elle ne semble pas ressentir ce lien si unique qui les lie. Ne se doute-t-il pas qu'elle était déjà profondément attaché...