Chapitre 4: Princesse de nom

2 0 0
                                    


Néa arpentait les couloirs du palais, les pas rapides, les mains crispées autour des pans de sa robe de velours pourpre. Depuis que les rumeurs s'étaient répandues comme une traînée de poudre, elle n'avait plus de repos. Elle avait entendu les murmures, les discussions hâtives des serviteurs, leurs regards furtifs et pleins de pitié qu'ils lui lançaient en passant. Son mari, Aros, était revenu au palais, mais pas seul. Une inconnue, une femme mystérieuse, l'accompagnait. Cette nouvelle avait fait naître en elle un malaise insupportable, une angoisse sourde qui lui étreignait le cœur.

Lorsqu'elle atteignit enfin la porte massive de la chambre d'Aros, son cœur battait à tout rompre. L'idée de le retrouver, lui, cet homme qu'elle avait appris à respecter, sinon à aimer, mais surtout la crainte de ce qu'elle pourrait découvrir à l'intérieur, l'immobilisa quelques instants. Elle inspira profondément, tentant de calmer le tremblement de ses mains. Mais la peur ne s'apaisait pas.

Elle poussa la porte doucement, la massive charnière émettant un léger grincement qui résonna dans l'atmosphère lourde de la chambre. La pièce était plongée dans une pénombre rassurante, seules quelques bougies dispensaient une lueur vacillante. Mais ce n'était pas cela qui attira immédiatement l'attention de Néa. Ce fut la présence d'Aros, debout près du lit, une aura de vitalité presque tangible émanant de lui, un éclat qui n'avait jamais été là avant. Il n'était plus l'homme affaibli et épuisé qu'elle avait connu, mais un être revigoré, comme si la force de mille soleils l'habitait.

Néa sentit son cœur se serrer encore davantage, une douleur sourde qui irradiait dans sa poitrine. Ses jambes étaient sur le point de céder sous elle, mais elle s'avança tout de même, déterminée à découvrir la vérité. "Aros..." Sa voix n'était qu'un souffle tremblant, mais il l'entendit, se retournant vers elle avec une expression impassible.

"Que fais-tu ici, Néa ?" demanda-t-il d'un ton calme, mais ferme, ses yeux brillant d'une intensité nouvelle.

Elle s'arrêta à quelques pas de lui, les doigts tremblants, sa gorge se serrant à chaque mot qu'elle tentait de prononcer. "J'ai entendu... les serviteurs parlaient... J'ai entendu dire que tu étais rentré avec... avec une femme." Son regard glissa involontairement vers le lit, et elle vit pour la première fois celle qui reposait là. La jeune femme était inconsciente, ses traits d'une beauté étrange et presque éthérée, sa peau d'une pâleur grisée qui scintillait sous la lumière des bougies.

Aros ne détourna pas le regard, son expression restait impassible, mais Néa remarqua quelque chose d'inflexible dans ses yeux. Elle sentit son estomac se nouer encore plus, comme si une main invisible lui broyait le cœur. "Qui est-elle ?" demanda-t-elle, sa voix à peine plus qu'un murmure.

"Elle est celle que j'ai cherchée toute ma vie," répondit Aros, sa voix résonnant dans la pièce comme un écho douloureux. "Elle est mon âme sœur."

La déclaration, bien que attendue, frappa Néa avec la force d'un coup de poignard. Tout l'air sembla quitter ses poumons en un instant. "Non..." murmura-t-elle, sa vision se brouillant de larmes qu'elle luttait pour retenir. "Non... Aros, tu ne peux pas... Je suis ta femme, nous sommes mariés..." Elle vacilla, ses jambes refusant de la porter plus longtemps, et elle s'effondra à genoux devant lui, les mains agrippant désespérément le bas de sa tunique. "Ne m'abandonne pas... s'il te plaît..."

Aros la regarda, son expression restant étrangement calme, comme s'il était déjà au-delà des émotions humaines. Il se pencha vers elle, la relevant avec une douceur qui semblait presque incongrue par rapport à la situation. "Néa," dit-il d'une voix douce mais dénuée de chaleur, "nous sommes mariés, et cela ne changera pas. Tu es ma femme, et tu le resteras. Mais je ne pourrais jamais t'aimer comme tu le désires." Il marqua une pause, cherchant ses mots. "Je ne t'abandonnerai pas. Tu garderas ta place à mes côtés, mais mon cœur... il ne pourra jamais être tien."

Néa leva vers lui un regard désespéré, ses yeux emplis de douleur et de supplication. Mais elle vit dans les yeux d'Aros une résolution inébranlable. Il n'y avait aucune cruauté dans ses paroles, mais une vérité froide et implacable qu'elle ne pouvait ignorer. Elle serra les dents, luttant pour ne pas éclater en sanglots. "Je comprends," murmura-t-elle finalement, sa voix brisée. "Je resterai à tes côtés... si c'est tout ce que tu peux me donner."

Aros hocha lentement la tête. "C'est tout ce que je peux te promettre, Néa."

Elle acquiesça, se forçant à se lever sur des jambes vacillantes. Son visage était pâle, presque translucide sous la lueur des bougies, et son cœur était en miettes. Chaque pas qu'elle fit pour quitter la chambre semblait la briser un peu plus, mais elle ne se retourna pas. Elle quitta la pièce en silence, son âme déchirée, tandis qu'Aros, impassible, se tourna de nouveau vers celle qui reposait sur le lit, celle qui détenait désormais son cœur et son destin.

Âmes soeursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant