Aros se sentait plus épuisé que jamais. Les jours passaient, mais il n'avait guère trouvé de répit, même dans cette union imposée. Chaque sourire qu'il offrait à Néa, chaque mot qu'il prononçait en public, tout cela le vidait un peu plus de son essence, comme si son âme s'effritait à chaque instant. La façade qu'il maintenait n'était qu'un mensonge bien ficelé, une prison dorée dont il ne savait comment s'échapper.
Un matin, alors que la lune pâle baignait encore le monde de sa lueur froide, Aros décida de fuir l'étouffement du palais. Il enfila son armure de cuir noir, légère mais résistante, et attrapa son épée, symbole d'une époque où il avait encore la force de combattre. Les gardes qui montaient la garde à l'entrée du palais le saluèrent, mais il leur lança un regard dur, signe qu'il n'avait pas l'intention d'être accompagné.
"Majesté, il est interdit de sortir seul," osa l'un d'eux, un jeune elfe à l'air grave, dont le regard se faisait inquiet. "L'impératrice nous a ordonné de vous protéger à tout moment."
Un éclat de colère traversa les yeux d'Aros, un feu qu'il n'avait plus ressenti depuis des semaines. "Je n'ai nul besoin de gardes," rétorqua-t-il, la voix tranchante comme l'acier de son épée. "Retournez à vos postes. Je veux être seul."
Le ton du prince ne souffrait aucune contestation. Les gardes échangèrent un regard hésitant, mais ils savaient qu'aucun d'eux n'oserait défier son ordre. Avec une inclinaison de tête respectueuse, ils se retirèrent, laissant Aros s'échapper dans la nuit.
Il enfourcha son cheval, un destrier d'une noirceur presque surnaturelle, et s'élança dans les bois, fuyant le poids accablant du palais. Le vent glacé fouettait son visage, mais il ne ralentit pas, espérant que cette chevauchée effrénée puisse apaiser le tumulte en lui. Pourtant, la douleur était là, persistante, se lovant au creux de son être, un poison insidieux qui le rongeait.
Le crépuscule avait cédé la place à la nuit lorsqu'il arriva enfin à la rivière. La lune se reflétait sur les eaux tranquilles, créant une lueur spectrale qui semblait inviter à l'oubli. Aros descendit de son cheval, le souffle court, les pensées brouillées par la fatigue. Le murmure de l'eau l'appelait, lui promettait une fin douce et silencieuse à sa souffrance.
Sans hésiter, il s'approcha du bord, se déshabilla rapidement, et plongea dans les eaux glaciales. La rivière était aussi froide que la mort elle-même, enveloppant son corps d'une étreinte gelée. Mais au lieu de la paix qu'il espérait, ce fut un autre type de douleur qui l'envahit. Ses poumons se serrèrent, réclamant l'air qu'il refusait de leur offrir. Sa vision se troubla, mais il lutta contre l'instinct de remonter à la surface, cherchant à s'abandonner totalement à cette fin qu'il s'était promise.
Pourtant, à l'ultime moment, son corps trahit sa volonté. Dans un réflexe de survie, il émergea soudain de l'eau, le souffle saccadé, tremblant de froid et de désespoir. L'oubli ne voulait pas de lui, la mort l'avait rejeté. Il se sentait plus épuisé que jamais, ses membres alourdis par une lassitude infinie. En titubant, il regagna la rive, s'effondrant sur l'herbe humide, avant de rassembler juste assez de force pour se rhabiller, ses doigts tremblant en attachant les sangles de son armure.
Il se redressa lentement, son regard vide, fixant les eaux noires de la rivière qui l'avait presque pris. Le silence autour de lui était oppressant, comme si le monde entier retenait son souffle. Puis, tout à coup, une sensation étrange lui traversa le cœur. Un battement soudain, brutal, qui l'ébranla jusqu'au plus profond de lui-même.
Aros se figea, son regard se portant instinctivement en direction de la rivière. Là, parmi les reflets argentés, quelque chose attira son attention. Une silhouette, immobile, à demi submergée dans l'eau. C'était une femme, allongée sur le lit de la rivière, ses longs cheveux flottant autour d'elle comme un halo spectral. Sa peau, d'une teinte presque grise, scintillait sous la lumière de la lune, une lueur étrange et envoûtante.
Le cœur d'Aros se mit à battre violemment dans sa poitrine, comme s'il reconnaissait en elle quelque chose qu'il avait toujours cherché. Il s'approcha d'elle, chaque pas résonnant dans l'air glacé de la nuit. Lorsqu'il se pencha pour vérifier si elle respirait encore, il fut frappé par sa beauté troublante, une beauté qui semblait appartenir à un autre monde. Sa peau, bien que froide et presque pierreuse, était douce sous ses doigts.
En l'effleurant, Aros ressentit un choc, une décharge électrique qui remonta le long de son bras, jusqu'à envahir tout son être. Il recula brusquement, comme s'il avait été brûlé. Son souffle se fit court, ses pensées se brouillèrent. Ce qu'il ressentait en cet instant était différent de tout ce qu'il avait connu auparavant. C'était elle. Il n'en doutait pas une seule seconde. L'âme sœur qu'il avait désespérément cherchée, elle était là, devant lui, inconsciente, à demi noyée dans la rivière. Son sang rugissait dans ses veines, un appel puissant et irrésistible, l'attirant vers elle comme un aimant.
Il s'agenouilla à ses côtés, posant sa main sur son cœur pour sentir un quelconque signe de vie. Le contact fit naître en lui un flot d'émotions qu'il ne comprenait pas encore, mais qui résonnaient profondément dans son âme. Elle était en vie, mais son souffle était faible, presque imperceptible. Aros, bouleversé, se pencha davantage, murmurant des paroles qu'il ne comprenait pas lui-même, comme une prière silencieuse pour la sauver.
Il devait la ramener. C'était une certitude aussi claire que le ciel étoilé au-dessus d'eux. Peu importait ce qui arriverait ensuite, il savait que cette rencontre n'était pas le fruit du hasard. Le destin, cruel et capricieux, avait enfin révélé la pièce manquante de son cœur brisé.
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Âmes soeurs
FantasyLe prince Aros se meurt, sans son âme soeur il ne peut survivre longtemps pourtant il se marie et quand enfin sa moitié apparaît elle ne semble pas ressentir ce lien si unique qui les lie. Ne se doute-t-il pas qu'elle était déjà profondément attaché...