― 3, 2... 1...Clic.
Le film sortit doucement du Polaroid et San le prit dans ses doigts. Il était encore blanc et le jeune garçon le fixa sans un bruit en attendant que les pigments apparaissent.
San n'avait aucune certitude qu'il y verrait Wooyoung. Peut-être qu'il ne s'était pas placé devant l'objectif. Et peut-être le Polaroid n'était-il simplement pas capable de photographier les fantômes ?
Les premières couleurs apparurent doucement sur le film blanc. Puis des formes se mirent à se distinguer. Et San resta en choc alors qu'il voyait le visage de Wooyoung se dessiner petit à petit sous ses yeux ébahis.
Le jeune fantôme s'était posté juste devant lui, comme il lui avait demandé.
― Wooyoung... - lâcha faiblement San, peinant à articuler tant il était ému devant le cliché de son fantôme.
Ses yeux s'humidifièrent sous l'émotion et il laissa presque couler une larme. Quelque chose de bouleversant se dégageait de cette photo. Son fantôme avait l'air si triste. Mais il avait pourtant pris la peine de poser devant l'appareil.
Et surtout, il était si beau. Il ressemblait davantage à un ange qu'à l'esprit d'un défunt.
― Wooyoung, c'est... incroyable. Regarde, je peux te voir...
San agrippait la photo avec force entre ses doigts, comme si elle était son bien le plus précieux. Et peut-être qu'elle l'était.
― Mais la prochaine fois j'aimerais bien te voir sourire...
Il posa l'appareil sur son bureau, à côté de sa feuille de Ouija qu'il avait laissée là, et il s'assit sur son lit sans lâcher la photo. Puis il releva la tête et fixa le vide comme pour regarder Wooyoung.
― Pourquoi tu restes ici ? Pourquoi est-ce que tu ne rejoins pas le ciel comme sont censés le faire les esprits ? - demanda-t-il d'une voix à la fois douce et amer.
Et, alors qu'il restait silencieux, San remarqua son crayon se mettre à bouger sur son bureau. Il se leva d'un bond et observa Wooyoung pointer des lettres une par une sur l'alphabet qu'il avait dessiné.
― « Seul. » C'est pour ça que tu ne rejoins pas l'au-delà...? Tu n'as personne pour t'accompagner ? - San soupira doucement. On est un peu pareil tu sais, moi aussi j'ai toujours connu la solitude. J'ai pas vraiment d'ami et mes parents sont pas souvent là... Mais tu sais, depuis que t'es là, j'ai la sensation d'être moins seul. Alors j'aimerais te remercier... D'être entré en contact avec moi.
___
Le réveil sonna et San tapa dessus avec lassitude. À quoi ça sert les cours déjà ? Ah oui, à s'instruire.
Il se redressa dans son lit et des épis se dressèrent sur sa tête. Il fila à la salle de bain pour prendre sa douche, se coiffer et s'habiller puis il partit rejoindre l'arrêt de bus après avoir terminé son petit déjeuner.
― Salut Wooyoung ! - lâcha-t-il en quittant la maison.
C'était la première fois qu'il lui disait au revoir en partant en cours. Il avait la sensation que leur relation avait évolué depuis les récents événements. Il ne le considérait plus comme un simple fantôme mais comme une âme avec laquelle il était possible de nouer des liens. Une âme qui avait un nom, un visage ainsi qu'une sensibilité propre.
Il marchait le long du chemin, agrippant les lanières de son sac à dos, et il aperçut soudainement une forme se déplacer le long de l'orée de la forêt. Il n'en croyait pas ses yeux. Cette forme spectrale, ça ne pouvait qu'être Wooyoung. C'était la première fois qu'il apparaissait sans intermédiaire. C'était la première fois que San le voyait d'un regard direct. Sa silhouette était diffuse et difficilement identifiable mais San savait qu'il s'agissait de son fantôme et, sans même s'en rendre compte, il se mit à marcher dans sa direction.
Wooyoung pénétra dans la forêt et San accéléra le pas.
― Wooyoung ?? Attends-moi !
Le jeune garçon se faufilait entre les arbres, essayant de rattraper son fantôme qui semblait vouloir le mener quelque part. Le spectre était rapide et empêchait San d'affranchir la distance qui les séparait. Par moments, il s'arrêtait pour vérifier que le jeune garçon le suivait toujours avant de reprendre sa route déterminée.
― Eh, vas pas si vite ! Où est-ce que tu m'emmènes ?? À cause de toi je vais rater mon bus !
Puis, après une course de plusieurs minutes, la silhouette de Wooyoung s'évapora et San se retrouva devant une petite cabane en bois, coincée entre deux gros rochers et un arbre imposant.
Elle avait l'air vielle, quelques planches étaient tombées par terre et le reste s'était mis à pourrir. Une porte rudimentaire tenait tout de même toujours debout et on pouvait y lire "Ne pas entrer sous peine de représailles" marqué à la peinture et à moitié effacé par les années.
Le jeune garçon se sentit submerger par une vague de curiosité. Cette forêt abritait donc bel et bien quelque chose.
― C'est... c'est ta cabane ? Je peux entrer ? On va faire comme si j'avais pas vu le mot - lâcha San en ouvrant la porte doucement, faisant son possible pour que la cabane ne s'effondre pas avec le mouvement.
Il n'y avait pas grand chose à l'intérieur. Quelques planches formaient une petite table et une souche d'arbre servait de tabouret.
― C'était ton refuge ? C'est du grand luxe - plaisanta le jeune garçon. Si on s'était connus à cette époque, on aurait pu venir ici ensemble pour sécher l'école. Remarque, c'est un peu ce qu'on est en train de faire, là.
San était heureux que Wooyoung l'ait mené jusqu'ici. Et il était reconnaissant. Si son fantôme lui avait montré son repère, ça voulait dire qu'il lui faisait confiance, non ? Qu'il le considérait comme un ami. Le cœur de San se réchauffa.
Il inspectait les recoins de ce qu'il restait de cette cabane, intrigué et attendri en imaginant Wooyoung venir ici de son vivant. San s'accroupit et souleva un petit tas de planches en dessous duquel il trouva un petit coffre en métal, légèrement rouillé et cabossé.
Son cœur s'emballa alors qu'il se demandait ce qu'il allait bien pouvoir découvrir à l'intérieur.
𝑪𝒐𝒏𝒄𝒍𝒖𝒔𝒊𝒐𝒏 𝒅𝒖 𝑪𝒉𝒂𝒑𝒊𝒕𝒓𝒆 𝟔 :
Les cours ça sert à s'instruire.
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Esprit ~ 𝒲𝑜𝑜𝓈𝒶𝓃
FanfictionSan, un lycéen tourmenté par la solitude, découvre un jour qu'un mystérieux fantôme hante sa chambre. Plutôt que de le considérer comme une menace, il voit en lui une opportunité d'apporter quelque chose d'unique à sa vie banale : une amitié brisant...