Chapitre 2

2 0 0
                                    


Le lendemain matin, la fatigue n'a pas encore eu raison d'elle. Adèle est toujours insatisfaite de sa capacité à retenir les nombreuses informations qui noircissent ses feuilles de cours, elle entend un bruit sec, franc de sa chambre. L'étudiante sursaute, stoppe net ses révisions et dans un geste incontrôlé jette sa tasse de café encore chaude sur sa main et mouille ses fiches. Elle se lève avec brutalité et voit un jeune homme qui vient sans doute de se défenestrer. Il n'est pas mort, mais se tord de douleur.

Sans réfléchir, Adèle ouvre sa fenêtre et crie « Ne bougez pas, j'arrive ». Elle se dirige vers sa salle de bain où se trouve une pharmacie bien fournie et va prendre ce qu'elle juge nécessaire : pansements, anti-douleurs et crème. Le tout dans un temps record. Puis elle enfile un manteau et accourt vers la victime.

De par son allure et sa jeunesse, il semble inoffensif, bien que sa carrure soit imposante. Cela la rassure tout de même pour lui prodiguer les premiers soins. Oui, ces derniers s'imposent, il est fort probable qu'il se soit cassé la cheville.

C'est avec méfiance que le blessé se laisse faire lorsque l'étudiante arrive vers lui. Il se contient, mais Adèle voit qu'il a envie de hurler de douleur. Elle essaye de le rassurer :

- Restez calme, je vais vous aider, il faut vous faire soigner, affirme-t-elle en voyant sa cheville enflée. De plus, son mollet est ouvert.

Le jeune homme la regarde et opine, il a trop mal pour, ne serait-ce poser le pied à terre. Il gobe les deux cachets qu'Adèle lui tend.

- Je vais vous emmener à l'hôpital le plus proche, je pense qu'il faut vous faire opérer. Ce n'est pas les crèmes ou les antidouleurs qui vont arranger votre cheville.

- Non, non pas l'hôpital !! s'exclame-t-il en grelotant, il se reprend, je n'aime pas les hôpitaux.

- Mais où voulez-vous vous faire soigner, Monsieur ? Il faut qu'on vous désinfecte la plaie aussi. Donc je ne vois pas d'autres so...

- Je t'ai dit que je n'irai pas à l'hosto !

Son devoir civique s'arrête là. Elle tourne les talons.

Il remarque sa maladresse envers la jeune femme qui est tout de même venue à son secours, il se reprend :

- Hey, excuse-moi, j'aurais pas dû m'énerver. J'suis trop con parfois. J'y peux rien.

Adèle sans se retourner lâche doucement qu'elle accepte ses excuses. Elle continue à marcher vers son domicile. Mais voyant qu'il est en très mauvaise posture, le blessé met son orgueil de côté. Il tente une seconde fois sa chance.

- Je te suis très reconnaissant, de nos jours c'est chacun pour soi et toi tu m'es venu en aide. Je me souviendrai de toi pendant longtemps.

Elle s'arrête. « Je ne peux pas le laisser ici tout seul assis par terre en train d'agoniser à côté des poubelles dans le froid. Je peux l'emmener chez moi pour le soigner et pour qu'il reprenne des forces. Le pauvre, il a l'air épuisé. » Elle fait demi-tour et bien que méfiante, lui fait part de son idée.

- Je te remercie, dit-il avec, en bonus, un charmant sourire, qui se dessine à travers sa longue barbe jaunie, malgré la douleur, mais il faudra que tu m'aides à me lever et surtout à avancer.

Elle s'exécute et lui demande comment il est tombé.

« Cette nuit, t'as bien vu, il pleuvait comme vache qui pisse. J'ai eu une galère et je n'avais nulle part où crécher. Alors me voilà en train de chercher un endroit où m'abriter. J'ai tourné, tourné, tourné et au bout d'un moment j'ai aperçu au dernier étage de ton immeuble un balcon isolé qui pourrait m'éviter de prendre de la flotte toute la nuit. Alors, j'ai escaladé les étages. Soulagé, j'ai dû dormir trois heures maximum. Devine ce qui m'a réveillé... Un colosse qui m'a pris par le colbac et le pantalon comme si j'étais un sac de pomme de terre. Il a sans doute visé la poubelle mais j'ai atterri à côté. D'ailleurs fais gaffe à ton voisinage ! Ce mec est un fou furieux ! On est soi-disant dans un pays communiste socialiste, mon cul ouais !»

Berlin 1974Où les histoires vivent. Découvrez maintenant