Une semaine plus tard.
Marat n'arrive pas à s'enlever de la tête la fille qui a pris soin de lui, la semaine passée. Hormis sa mère, décédée, personne ne s'était montré aussi gentille à son égard. Alors qu'il n'avait pas encore l'âge d'être autonome, cette dernière était prête à arriver en retard au travail pour amener son fils à l'école, à le nourrir de plats qu'il affectionnait, aussi caloriques soient-ils, à le laisser à pas d'heures faire du sport... Juste pour qu'il soit heureux.
Sa mère lui a transmis l'amour et le respect des femmes. Adèle ne lui fait pas penser à sa mère, mais l'étudiante coche toutes les cases pour Marat : elle est sérieuse, bien éduquée, réservée, jolie et a le sens de l'hospitalité.
Il se rappelle qu'elle suit des cours de médecine et que l'établissement est proche de son domicile. Alors, il marche et au bout de vingt minutes, tombe sur ce qu'il pense être l'université où Adèle suit ses études. « J'attendrai jusqu'à ce que je la voie » puis, remarque : « J'ai la barbe façon père Noël, et je sens le chien mouillé, si elle me voit comme ça elle me prendra pour un vulgaire mendiant, si ce n'est pas déjà le cas. Et ça, il en est hors de question ! Je dois paraître propre au moins du visage, même si mes vêtements ne le sont pas ». Il trouve un barbier qui lui rajeuni le visage pour un prix raisonnable et va taper à la porte d'un de ses amis, chez qui il a dormi plusieurs fois, pour se toiletter.
Ensuite il retourne aux abords de l'établissement, parfumé, avec une apparence plus soignée, se cache et attend qu'Adèle sorte des cours. Marat sait que rester dans le secteur est dangereux pour lui, il encourt une longue peine, une peine à deux chiffres s'il se fait prendre ou si on le dénonce. En conséquence, il se soumet à un rituel : il se balade toujours avec un bonnet et se laisse pousser la barbe jusqu'à ce qu'il commette d'autres délits, puis se la rase et ainsi de suite. Il n'a presque jamais la même apparence.
Ce jour-là, il a une seule idée en tête : la revoir. Deux heures passent puis trois et au bout de quatre heures d'attente, le jeune délinquant voit enfin l'étudiante sortir de l'établissement. « Qu'elle est radieuse » se dit-il. Il la suit et, une fois arrivé derrière elle, lui agrippe le bras. Adèle sursaute bruyamment et se retourne :
- Ma !... Marat !!
- Chut ! cesse de crier.
- Mais, mais... que faites-vous ici ?
- Je suis venu te parler, répond t'il tout en regardant autour pour s'assurer que les cris d'effroi de l'étudiante n'ont pas attiré l'attention des passants.
- Comment ça ? Me parler, mais de quoi ? chuchote-t-elle.
Il lui propose d'aller boire un café un peu plus loin.
Cette brasserie est l'une des seules encore ouvertes dans le coin, les autres ayant mis la clé sous la porte. Pour cause : la pénurie industrielle de la RDA. De ce fait, la plupart des garçons de café ont troqué leur travail où vêtus de tabliers et où la convivialité était de mise à des entreprises industrielles exigeant des blouses infâmes dans une production à la chaine où le fordisme et la monotonie régnaient.
Elle hésite : « Je vais être en retard dans mes révisions ». Elle finit par accepter en précisant qu'elle ne pourra pas rester très longtemps.
La discussion autour du café s'avère longue et passionnante, elle porte ses fruits : Adèle est à l'écoute, manifeste de l'attention à ce que dit son interlocuteur. Marat, lui évite tout sujet portant sur ses activités. Mais, inévitablement, la question fatidique est posée :
- Et vous, au fait, que faites-vous dans la vie ? demande-t-elle avec retenue.
- Je fais partie d'un comité de lecture dans une maison d'édition.
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Berlin 1974
Historical FictionBerlin 1974, en pleine guerre froide. Une allemande, qui étudie la médecine aide un SDF d'origine russe après que ce dernier aie fait une chute spectaculaire. Elle l'accueille chez elle le temps qu'il se rétablisse. Ils ont une connaissance en commu...