🕸️CHAPITRE 9🕸️

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La présence d'Ethan avait amené son lot d'animations aussi bien au manoir qu'au sein de la ville de Tonelli. Un étranger réussissant à poser ses valises dans l'étrange bâtisse perchée dans la montagne s'avérait être une attraction à part entière.

Personne en ville ne savait ce qu'il se passait entre ces quatre murs, ni même les raisons qui poussaient la jeune maîtresse de maison à vivre ainsi recluse, mais grâce à Ethan, ils avaient enfin un aperçu de l'intérieur et de quoi alimenter les ragots et aux croyances populaires quant à ce lieu.

Du côté de Margarette, la jeune femme se satisfaisait des sorties régulières d'Ethan, car cela signifiait pour elle qu'elle n'avait pas à le croiser et donc qu'elle ne subirait aucune autre discussion avec ce personnage. Non pas qu'il la dérangeait, mais le jeune homme était plutôt du genre tenace. Chaque prétexte était bon pour tenter un rapprochement, quitte à veiller afin de s'assurer de pouvoir la croiser au détour d'un couloir.

— Pour quelqu'un souhaitant fuir, je le trouve particulièrement à l'aise. Peut-être même trop ? se murmura Margarette.

Bien qu'elle ne souhaitât pas avoir à faire à lui, il y avait une zone d'ombre autour de son invité qui lui paraissait bien trop attrayante. Que fuyait-il ? Avait-il fait quelque chose de particulier ?

À cet instant précis, Margarette s'imaginait déjà avoir un point en commun avec lui.

— Non, non, non. Rien que l'idée est d'un ridicule !

Le hasard n'existait pas certes, mais le monde n'était pas non plus petit au point de réunir sous le même toit deux meurtriers. N'est-ce pas ?

— Voilà un visage qui m'est familier, fit une voix en surgissant.

Sa soudaine apparition causa à Margarette un sursaut. Visiblement, Ethan se plaisait dans le fait d'apparaître tel un diable sortant de sa boîte. Un diable...

— Seigneur ! Que faites-vous ici ?

— Hmm... Je répondrais bien que je viens vous faire pleinement profiter de ma délicieuse compagnie, mais je crains que vous ne trouviez cela inapproprié.

— Et moi qui pensais naïvement que vous réserviez ce privilège aux gens de la ville, pesta la jeune femme avec ironie.

— Cela pourrait presque paraître pour de la jalousie. Vous savez, ils sont tous très curieux à votre sujet.

— Et je ne doute pas que vous prenez un certain plaisir à satisfaire cette curiosité maladive chez chacun d'entre eux.

— Sachez que cela me vexe que vous ayez une si piètre opinion de moi. Je ne prends aucun plaisir à parler de votre intimité et je ne suis d'ailleurs pas là pour cela.

— Vraiment ? Vous m'en direz tant, fit Margarette peu intéressée par les propos que pouvait tenir Ethan.

— Votre méfiance est tout de même spectaculaire ! se plaigna-t-il alors.

— Peut-être parce que la dernière fois que j'ai fait confiance à un homme, j'en ai payé le prix fort ? cracha-t-elle sous le coup de l'émotion, emportée.

Il y eut un blanc. Margarette en avait trop dit. Pourquoi diable fallait-elle qu'elle lui dise ceci ?

— Pardonnez mon impolitesse, finit par dire Ethan, sentant qu'il avait lui-même très certainement dépassé les bornes en la raillant.

— Oubliez cela. Je suis fatiguée, par conséquent, je me retire. Vous dînerez seul, non pas que cela change quoi que ce soit à ce qu'il se passe d'habitude.

Quelque part au fond d'elle-même, Margarette savait que le sujet n'était pas clos et qu'il reviendrait sur la table à un moment ou un autre. La curiosité d'Ethan pour son intimité était un fléau.

Assise alors dans le silence d'une chambre dans laquelle régnait le chaos, Margarette se prit à penser une nouvelle fois au passé. Ce même passé qui la hantait continuellement et qu'elle avait désespérément souhaité laisser derrière elle en venant s'isoler ici.

— Un jour, tu lui parleras de moi.

Cette voix. Froide et détachée. Cette voix qu'elle n'entendait que trop lors de ses nuits solitaires. Cette voix qui la terrifiait encore aujourd'hui... Elle ne savait que trop bien à qui elle appartenait : à un fantôme.

— Tu n'es pas là, se murmura-t-elle en apposant ses mains sur ses oreilles. Tu n'es qu'une construction de mon esprit. Une image de ma culpabilité.

— Vraiment ? Alors que fais-je ici ? Hmm ? Tu peux me le dire ?

Un frisson. Ce n'était qu'une hallucination morbide. Rien de plus.

— Pourquoi ne me regardes-tu pas ? Aurais-tu peur ? Aurais-tu honte ? Honte de ce que tu m'as fait ? De ce que tu m'as pris ? Regarde-moi, Margarette.

— Non... siffla-t-elle tremblotante.

— J'ai dit : regarde-moi !

Une main glacée vint saisir son visage si violemment que Margarette poussa un cri d'effroi. Jamais encore elle n'eut l'impression que James était revenu et jamais encore il ne l'avait touché. Pourquoi ne la laissait-il pas tranquille ? Pourquoi venir encore la persécuter, même depuis l'outre-tombe ?

— Regarde ce que tu m'as fait... Regarde, Margarette.

— Par pitié, laisse-moi tranquille. Laisse-moi tranquille, le supplia-t-elle à même le sol.

Trempée de sueurs, gisante au sol et tremblante, Margarette baignait dans toute sa vulnérabilité.

— Margarette ? s'inquiéta Ethan en toquant à sa porte, Est-ce que tout va bien ?

Elle ne lui répondit pas. Comment le pourrait-elle ? Ses mots n'étaient qu'un nœud dans sa gorge et ses yeux ne purent s'empêcher de fixer cette silhouette appuyée contre sa fenêtre. Cette silhouette qui tant de fois, tant de nuits, se trouvait appuyée comme aujourd'hui, attendant patiemment qu'elle obéisse.

— Rappelle-toi, Margarette. Souviens-toi de ce que tu as fait, continua-t-il de siffler, rappelle-toi ce qu'il se passe quand je ne suis pas content, car tu ne m'écoutes pas... Tu ne voudrais tout de même pas que cela se reproduise, n'est-ce pas ?

Le souvenir de James aurait dû disparaître avec lui et aujourd'hui, Margarette devrait être une femme libre. Alors pourquoi n'était-ce pas le cas ? Comment pouvait-il avoir encore tant d'emprise sur elle ? Cela n'avait aucun sens, tout comme la culpabilité qu'elle ressentait.

— Margarette ?

La voix d'Ethan se faisait insistante, probablement inquiété par le silence.

— Sachez que je m'apprête à enfoncer votre porte ! Donc, si vous vous trouvez derrière, je vous conjure de vous en éloigner.

Quand même, quel étrange personnage que cet Ethan Gainsbourg.

Le manoir de CastelrocOù les histoires vivent. Découvrez maintenant