Chapitre 3

16 1 0
                                    


Grace sourit. Elle se remémorait à présent à présent l'anniversaire de la majorité de Sharon. C'était exactement le 14 février 1970. Un jour pluvieux. C'est ce jour-là que Sharon avait décidé d'annoncer froidement à Grace son désir d'arrêter la musique. Cette dernière lui avait bien demandé des explications, avait insisté des explications, avait insisté mais Sharon s'était tue. Avait refusé de répondre. Elle avait même fin par s'emporter. Grace avait claqué la porte violemment ce jour-là. Cette altercation avait quelque peu émoussé leur amitié. Les moments passés ensemble s'étaient espacés. Un silence gêné s'était progressivement invité. cette discussion houleuse les avait ostensiblement éloignées mais jamais définitivement séparées. Un jour, n'y tenant plus, Grace avait pris son courage à deux mains - un pressentiment ?- pour présenter des excuses qu'elle considérait alors comme partiellement méritées.

Deux jour plus tard, Sharon avait été appelée pour la prise en charge d'une cargaison mortuaire. En vérifiant le listing des passagers, elle avait constaté que son amie ferait partie du voyage. Elle avait d'abord été envahie par le chagrin. Mais avait fini par sourire. Elle accompagnerait Grace vers sa dernière demeure. Ce n'était pas rien après tout. Les passeurs/passeuses avaient connaissance des volontés de la famille et personne n'avait émis le désir d'assister à la mise en bière et encore moins à la crémation de Grace...

Désormais tout semblait dérisoire. Fallait-il avouer à Grace qu'elle aussi avait éprouvé des sentiments "mal vus" des sentiments bien loin de ne se résumer qu'à une simple amitié ? Quelle ironie... Quelle tragédie ! Elles avaient vécu si longtemps à côté de leur propre vie. Sharon avait renoncé à sa musique, s'était mariée, avait vécu dans une sorte de mensonge, hypocrisie? Pour quoi ? Pour rien ! A quoi pouvait bien lui servir de révéler à Grace qu'elles n'avaient pas vécu LEUR vie à force de silences et autres petits arrangements. Elle n'avait pas le droit. Après tout, c'était l'heure de Grace et cette-dernière n'avait-elle pas réclamé l'apaisement ? Remuer ces histoires s'avérait tout bonnement inutile et dérisoire. Grace était à présent morte. Et personne ne pourrait rien à cela. Aucun mot n'apaisait Sharon et un silence pesant avait fini par s'installer entre les deux jeunes femmes qui se faisaient désormais face. Et pourtant... Grace interrogeait Sharon de son oeil sombre et inquisiteur. Elle semblait en quête de réponses, de sens ce qui - compte tenu des circonstances - était plutôt légitime. Quelle dette pouvait bien avoir Sharon à l'égard de son hôtesse : lui devait-elle la vérité ou fallait-il garder silence et retenue ?

'Til Death Do Us PartOù les histoires vivent. Découvrez maintenant