𝙲𝙷𝙰𝙿𝙸𝚃𝚁𝙴 𝚂𝙸𝚇

65 11 81
                                    

Interrogatoire surprise.

Paris

La tristesse m'était toujours passée à côté, depuis cette année-là. Je ne m'étais plus jamais senti triste puisque j'essayais de combler ce sentiment avec la lecture, l'apprentissage, le dessin et quelques coups dans la tronche de certains crétins.

Alors non, je ne savais plus ce que c'était d'être triste.

Mes yeux ne s'étaient pas humidifiés depuis un bon bout de temps maintenant, j'avais cessé de pleurer quand ma mère m'avait dit que les grands garçons, ça ne pleurait pas.

Au lieu de quoi, je n'avais pas arrêté de ressentir un vide profond et creux ; la lassitude. Je me maudissais de ressentir ça, car la vie pouvait être faite de rêves et de plaisirs, et rien d'autre ne pouvait mieux me satisfaire que le savoir. Mais les autres détestaient ça.

Ils détestaient ça et ils me l'avaient fait comprendre, cette année-là.

« T'es qu'un putain d'intello de merde. »

Peut-être que c'était ça qui m'avait rendu aussi violent, je ne savais pas. En tout cas, je préférais être ennuyé que d'être triste. Car à voir la tristesse dans les yeux bleus de Daniela, cela ne devait guère être agréable à vivre. Au moins, avec l'ennui, je savais à quoi m'attendre.

Daniela avait l'air tourmentée par la disparition de Serena. Je ne l'avais jamais vu autant tracassée, d'ailleurs. Et ce n'était pas normal, parce que Daniela Blair Vaughan ne devait pas être ce genre de filles qui s'inquiétaient pour les autres, il y avait un problème. Lorsque je l'avais vu poser un pied sur le rebord du toit, tout à l'heure, j'avais vraiment failli faire une attaque. Elle avait l'air si bouleversée par l'absence de cette fille que mes soupçons s'étaient confirmés : Daniela cachait quelque chose.

Je ne savais pas encore quoi, mais son comportement de tout à l'heure m'avait mis la puce à l'oreille. Je n'avais qu'une envie : découvrir ce qu'il se passait. Cependant, jamais elle ne me le raconterait si je lui demandais, la véhémence avec laquelle elle s'efforçait de cacher la vérité était tellement puissante qu'il serait trop difficile de lui faire cracher le morceau. De plus, elle l'avait prouvé à plusieurs reprises : elle ne m'aimait pas.

Elle pensait réellement que Serena Mason avait disparu, et qu'elle ne s'était pas volatilisée toute seule. C'était clair, elle pensait qu'on l'avait enlevé. À vrai dire, je commençais à penser que Daniela pouvait avoir raison, si Chapman avait appelé la police, c'était fort probable.

Je me retournai dans mon lit et fis face à la lune qui, depuis la fenêtre, me narguait de sa lumière. Il était près de quatre heures du matin, et j'avais espéré m'endormir facilement uniquement grâce à la courte nuit de la veille, mais non. Je pensais et pensais beaucoup trop pour pouvoir laisser ma conscience tranquille quelques heures. Mon esprit divaguait sur toutes sortes de sujets aux transitions complètement loufoques, et cela commençait à me chauffer.

Ne pouvais-je pas arrêter de réfléchir pour une fois ?

Ce ne fut que vers cinq heures du matin que je m'endormis, enfin. Je ne fis pas de rêves, ni de cauchemar, rien. Le néant, même dans mes rêves.

Les coups contre la porte de ma chambre me sortirent de mon court sommeil, je me relevai directement en sursautant. Je donnai la permission d'entrer et pris ma montre, il n'était que sept heures et demie.

À mon plus grand étonnement, ce fut la tête blonde de Chandler qui passa la porte de ma chambre, calmement. J'étais surpris, lui et moi ne nous étions pas parlé depuis presque vingt-quatre heures et voilà qu'il se pointait sans crier gare, à moitié endormi lui aussi. Il n'était pas coiffé, même pas habillé, et je m'assis sur le bord de mon lit en l'interrogeant du regard.

All the Woodton suspectsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant